À la suite de l’effondrement de l’URSS, la Russie a connu une phase d’interrogation sur son identité qu’elle n’avait sans doute jamais eu à avoir jusqu’alors. En outre, pour la première fois depuis le début du XVIIIe siècle, la Russie n’était plus un Empire. L’URSS prolongeait d’une manière différente - sous les valeurs post-nationales du communisme soviétique et de l’internationalisme - l’expérience de l’Empire débutée en 1721 sous Pierre Ier. La chute de l’URSS constitue un choc pour les Russes dont l’Occident a mal saisi la dimension tant géopolitique que symbolique absolument considérable.
Il en a résulté, sous l’ère Boris Eltsine, une transition ratée vers le libéralisme et ses valeurs, et une expérience démocratique brève mais considérablement abîmée par les guerres dans le Caucase, les frasques alcoolisées d’Eltsine et l’accaparement des industries et entreprises soviétiques, fruit du travail du peuple, par une oligarchie mafieuse qui en récoltera les profits.
Les inégalités ont alors explosé, la pauvreté et la misère ont décuplé et les Russes ont rapidement mal vécu l’expérience post-soviétique. Passée la courte euphorie de la découverte des libertés et des produits occidentaux est venu le temps du désenchantement provoqué par la découverte de l’argent et de la société capitaliste. L’échec de la démocratie à l’occidentale en Russie a conduit à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, elle-même ayant conduit à la blague russe la plus courte qui soit : “Poutine est un démocrate !”. Le “modèle Poutine” possède cependant des failles et celles-ci ont conduit le régime à sa chute lors des élections présidentielles russes de 2026.
Du monde « Poutine » à une démocratie libérale
En 2020, la Russie et l’Union européenne, encore sous une forme hybride et désorganisée, s’opposaient dans cet “espace indéfini entre Baltique et mer Noire” que les Européens occidentaux appellent “Europe de l’Est” et les Russes “Étranger proche”. Le Bélarus était aux commencements d’une révolution qui allait entraîner la chute d’un pion principal de Moscou : Alexandre Loukachenko ; l’Ukraine connaissait une guerre civile qui allait diviser le pays en deux, les oblasts de Lougansk et Donetsk rejoignant la Russie, laissant libre l’Ouest de rejoindre l’Union européenne ; la Moldavie connaissait une situation complexe qui allait finalement aboutir à l’annexion de la Transnistrie par la Russie permettant à Chisinau d’envisager plus sereinement son rapprochement avec l’Union. Durant la décennie 2020, la situation se stabilise enfin dans “l’Est” de l’Europe permettant un apaisement géopolitique entre la Russie et l’UE, une fois le point d’acmé de ces tensions dépassé par la voie de la diplomatie.
Au sein de la Russie elle-même, des changements importants sont intervenus. Alexeï Navalny et des millions de Russes, épuisés du régime autoritaire de Vladimir Poutine, ont mis fin par des manifestations monstres et des élections enfin libres à la présidence autoritaire du despote. Libérés de l’oligarchie en place qui possédait tant les industries que les rênes politiques du régime, les Russes se sont habitués à la pratique démocratique et ont pu sortir de la domination imposée par l’oligarchie militaire et par la poignée de milliardaires détenteurs du capital industriel du pays. Délivré de ses chaînes, le peuple russe avait vu ses relations s’apaiser avec ses voisins et sa situation économique et sociale s’améliorer avec une réduction massive des inégalités, jusqu’alors très fortes. Il en a résulté une libéralisation de l’économie et de la société russe la rendant plus incline à se rapprocher de l’UE.
La démographie en berne de la Russie l’a également poussé à s’ouvrir au reste du monde afin d’attirer de nouveaux habitants, notamment dans ses zones rurales, largement dépeuplées. La politique migratoire russe a dû s’infléchir et la société russe est devenue encore plus cosmopolite que ce qu’elle était déjà, passant du deuxième pays d’arrivée d’immigrants en 2021 au premier pays d’arrivée devant les États-Unis en 2036. Cette situation a poussé la Russie à rechercher une plus grande liberté de circulation des personnes et des travailleurs, notamment vers l’Europe, lui faisant nouer un accord-cadre ambitieux avec l’UE et devenant presque un candidat à l’adhésion.
Les visions stratégiques de l’UE et de la Russie se rejoignent
Devenue une démocratie libérale, la Russie a également adopté une vision stratégique toute autre. Demeurée fidèle à sa conception géopolitique de la puissance comme étant avant tout liée à un hard power, elle a néanmoins développé une collaboration plus accrue avec ses voisins et développe sa puissance au travers d’autres vecteurs notamment par le déploiement d’une diplomatie économique utilisée habilement face aux ambitions chinoises en Sibérie. Son armée, sans être intégrée ni à l’OTAN, ni à une armée européenne en gestation, coopère désormais étroitement avec les armées des autres démocraties libérales. La fin des conflits et des tensions à « l’Est » a apaisé celles entre la Russie et l’Union. Leurs visions stratégiques s’en trouvent changées, les deux entités regardant désormais davantage vers la Chine et le Moyen-Orient, derniers espaces encore menaçants ou conflictuels pour la stabilité géopolitique européenne et russe.
Face à ces « adversaires » communs, une action commune s’organise désormais au sein d’un espace partagé entre la Russie et l’UE, dans un marché unique garant des quatre libertés de circulation : des personnes, des marchandises, des services et du capital. La Russie, démocratique et libérale, bénéficie des avantages de la participation à un marché commun et l’accord-cadre en gestation pourrait même envisager, en 2036, d’octroyer aux citoyens russes la citoyenneté européenne, dernière marche avant d’intégrer une Union européenne élargie depuis la dernière vague d’adhésions de 2030.
Ainsi, en 2036, la Russie est aux portes de l’adhésion à une Europe elle-même à la limite de l’Etat fédéral. La chute du régime de Vladimir Poutine a permis la création d’une Russie démocratique et libérale, mais cette chute et cette pérennisation du nouveau régime russe n’ont néanmoins été rendues possibles que par la définition d’un espace jusqu’alors flou « entre Baltique et mer innommée » qui empoisonnait depuis des décennies les relations russo-européennes.
1. Le 22 février 2022 à 08:33, par robert En réponse à : La Russie et l’UE en 2036
pas vraiment visionnaire. Certain que Poutine ne va pas s’arreter a l’Ukraine..il faut craindre qu’il veut rester dans l’histoire comme Hitler et Napoleon. Après un Allemand, un Français ce sera un Russe.
La Russie aligne : 12.000 chars de combats du T72 au T90, 900 avions de combats et multi-roles, plus de 12 sous marins nucléaire…. 1 million d"hommes actif plus 2.5 million de réserve.
2. Le 3 mars 2022 à 14:08, par Charles Basso En réponse à : La Russie et l’UE en 2036
Bonjour Je vous remercie de cet excellent article. Cesser de diaboliser la Russie comme si Staline et l’URSS existaient encore, éloigner la Russie d’une collaboration avec la Chine -qui constiturait ainsi un géant invincible - est pour moi la seule vision positive de nos futurs. Charles
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