La séparation Est/Ouest s’invite aussi pour les droits LGBT

, par Alexis Vannier

La séparation Est/Ouest s'invite aussi pour les droits LGBT
Photo : Raquelsfranca/Dreamstime

La Journée internationale de lutte contre l’homophobie du 17 mai commémore la décision de l’Organisation Mondiale de la Santé de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale du 17 mai 1990. Depuis, la situation des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles (LGBT) demeure très contrastée selon les régions du monde. En Afrique, au Proche-Orient et en Asie, les homosexuels sont encore invisibilisés, discriminés, agressés voire exécutés. Si le mariage homosexuel est légal en Afrique du Sud et à Taïwan, l’homosexualité est punie de mort en Arabie Saoudite et en Iran, ou de prison à vie dans la majorité des États africains et du Moyen-Orient.

L’Union européenne engagée sur cette question

Dans une déclaration datée du 17 mai, le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères Josep Borrell a réaffirmé la volonté de l’UE de lutter contre la stigmatisation, la discrimination et les restrictions aux services de santé que subissent les homosexuels. Le document insiste particulièrement sur les enjeux liés à la période de confinement durant laquelle certains homosexuels étaient parfois contraints de vivre au sein de familles intolérantes et de subir les raccourcis entre homosexualité, SIDA et coronavirus. Josep Borrell dénonce les violations de ces droits fondamentaux dans le monde et promet une nouvelle stratégie pour l’égalité.

De plus, au cours de l’année passée, l’Agence européenne des Droits fondamentaux (Fundamental Rights Agency) basée à Vienne a réalisé la plus grande enquête auprès des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transexuelles (LGBT) de l’histoire sur leurs ressentis en tant que minorité, l’opinion des sociétés dans laquelle ils vivent, la garantie de leurs droits, les discriminations éventuelles qu’ils peuvent subir au sein de leur famille, au travail, dans l’accès aux soins, les violences qui surgissent à leur encontre etc.

Le Rapport de l’ILGA sur la situation des droits LGBT en Europe

Fondée en 1978 à Coventry dans le centre de l’Angleterre, l’Association Internationale Lesbienne et Gay (ILGA en anglais) rassemblait à à sa création uniquement des associations gays venant de 14 pays avant de s’ouvrir aux femmes en 1986. Elle est rapidement reconnue par les autorités publiques et milite activement auprès de l’OMS pour retirer l’homosexualité de la liste des maladies mentales, ce qu’elle obtient en 1990. Elle est d’ailleurs la première association de défense des droits LGBT à obtenir le statut d’organisation consultative en tant qu’organisation non gouvernementale (ONG) aux Nations Unies en 1993. Depuis 2011, l’association publie chaque année un rapport sur la situation des droits LGBT dans le monde, décliné par continent. Le 9ème rapport publié en mai 2020 par ILGA-Europe est le premier qui couvre également les 5 cinq pays d’Asie centrale de manière détaillée.

Le rapport utilise des critères simples : égalité/non-discrimination, crime de haine/liberté d’expression, famille, reconnaissance du genre, société civile et droit d’asile. L’ONG étudie les politiques publiques engagées par l’État, l’état des législations relatives à ces droits, mais également le niveau d’acceptation de la société en matière de droit, de reconnaissance, de débats etc. Il est important de noter que la gestation pour autrui (GPA) n’est pas un critère dans cette enquête. Les équipes se basent sur la Constitution du pays, le corpus législatif, les codes du travail, pénal, les décisions judiciaires mais également la pratique des services publiques, du milieu de la santé ou de l’éducation. Un score est ensuite établi pour chaque pays pour ensuite pouvoir les comparer.

Une situation qui diffère selon les pays et selon les droits

Si le critère de la religion ne semble pas pertinent pour expliquer la division de l’Europe dans ce domaine (il suffit de comparer les situations très différentes de l’Espagne et de l’Italie très catholiques et le faible niveau de protection des droits LGBT dans la très athée Tchéquie), un clivage bien connu semble ressurgir de l’Histoire. À quelques exceptions près, l’Europe est coupée entre l’Est et l’Ouest dans ce domaine également. L’absence reconnue de liberté d’expression au sein de l’URSS et de ses satellites au moment de l’éclosion des problématiques gays en Europe de l’Ouest au cours des années 1960, 1970 permet d’expliquer en partie cette différence.

S’agissant du mariage homosexuel

En Italie, la place encore dominante accordée à l’Église semble être un obstacle à toute avancée dans les droits LGBT (malgré la timide création d’une union civile pour les personnes de même sexe en 2016), mais également dans les mentalités des transalpins.

S’il est devenu légal en Finlande, en Allemagne et à Malte en 2017 et en Autriche en 2019, le mariage homosexuel a été légalisé par la voie référendaire en Irlande en 2015. Certains États ont cependant inscrit la limitation du mariage aux personnes hétérosexuelles directement au sein de leur Constitution. C’est le cas de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la Hongrie, de la Croatie, de la Bulgarie, de la Serbie, du Monténégro, et peut-être bientôt de la Russie. Il faut aussi noter le refus des Slovènes d’autoriser ce mariage en 2015. À l’instar de la Slovaquie en 2015, le gouvernement roumain a organisé fin 2018 un référendum afin d’inscrire l’interdiction du mariage homosexuel dans sa Constitution en surfant sur une vague conservatrice. Le gouvernement social-démocrate n’avait pas lésiné sur les moyens : des millions d’euros dépensés pour l’organisation, une collaboration étroite avec l’Église orthodoxe, des millions de tracts imprimés, et même l’allongement de la durée de vote sur deux jours ! Malgré tous ces efforts, à peine plus de 20% des inscrits se sont déplacés aux urnes, entrainant l’annulation du scrutin, à l’instar de la Slovaquie. Cet événement marque un échec cuisant pour le gouvernement de gauche qui tombera un an plus tard. En juin 2018, une proposition de loi avait été déposée au Parlement tchèque pour ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, mais son examen semble reporté à la Saint-Glinglin…

S’agissant d’autres politiques publiques

S’agissant des mesures concernant la liberté d’expression, la Lituanie a pris exemple sur son voisin russe en 2010 en votant une loi interdisant l’information sur l’homosexualité auprès des mineurs. Elle s’est inspirée de son voisin russe connu et reconnu pour sa sereine inclination vers l’homophobie, raison pour laquelle Moscou ne lève pas le petit doigt pour arrêter l’internement et le massacre de milliers d’homosexuels en Tchétchénie, digne des plus grandes heures du nazisme. Restons dans l’homophobie institutionnalisée et dirigeons-nous vers la Pologne. En effet des régions et des villes polonaises, principalement au sud-Est, se certifient « zones libres de toute présence LGBT ». Une fois de plus, cela se passe de commentaires. Pour contrer cette tendance, un nouveau parti de gauche pro-européen, athée et libéral a été fondé en 2019 par Robert Biedroń qui assume son homosexualité.

Les résultats des petits États

À noter également les résultats catastrophiques des micro-États. Si Andorre atteint péniblement la 25ème place, le Liechtenstein est classé 40ème, Saint-Marin, 43ème et Monaco, 45ème. Ces derniers font jeu égal avec la Russie et la Biélorussie, ce qui n’a rien de glorieux. Le Vatican, hors classement, cherche encore la définition de « LGBT » et surtout de « droits ». Ces résultats illustrent d’abord que ce n’est pas tant le niveau d’acceptation générale de la société qui est analysée mais bien plutôt la garantie des droits par l’État. Néanmoins, ces résultats sont cohérents puisqu’il faut rappeler qu’aucun de ces pays n’a encore légalisé l’IVG et que les citoyennes votent depuis seulement 1970 en Andorre et 1984 au Liechtenstein.

Le Monténégro est bien visible sur la carte : petit point vert entouré de pays en jaune, il est classé 7ème par ILGA-Europe et fait jeu égal avec les Pays-Bas ! L’association salue la prise de conscience du gouvernement concernant les droits LGBT, et l’Union européenne n’y est pas pour rien. En effet, en 2010, Bruxelles conditionnait l’ouverture des négociations d’adhésion notamment à une législation plus protectrice en la matière. En 2011, les autorités locales autorisaient la première Gay Pride du pays et en 2019, le Parlement monténégrin adoptait une nouvelle stratégie LGBT.

De là à dire que l’UE contraint les États dans le domaine sociétal où elle n’est pas compétente, il y a un gouffre que certains pourraient franchir joyeusement. Malgré une situation encore difficile pour les droits des homosexuels en Serbie, il est notable de constater que le gouvernement de Belgrade est dirigé par une femme, homosexuelle de surcroit. Toutefois, la législation de son pays ne lui a pas permis de devenir mère de l’enfant mis au monde par sa compagne.

La République de Malte fait quant à elle figure de leader dans ce domaine. En 2013, le gouvernement travailliste a adopté un volet de réformes ambitieuses (union civile, adoption pour le conjoint, mariage pour tous, don du sang (après une période d’abstinence d’un an) pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), protection contre les discriminations). Ces réformes sont une grande avancée pour ce pays très catholique qui, avant 2001, n’autorisait pas encore le divorce et où l’IVG est encore condamné…

Le Costa Rica est devenu, le 26 mai dernier, le 29ème État dans le monde à légaliser le mariage pour tous, à la suite d’un arrêt de la Cour Interaméricaine des droits de l’Homme enjoignant tous ses États membres à accorder ce nouveau droit. Il devrait être suivi cet été par Andorre, alors que la Suisse est en train d’en débattre. Si l’égalité maritale représente aujourd’hui le fer de lance des avancées des droits des personnes LGBT, elle ne doit pas faire passer au second plan les violences intolérables que font subir des individus et des États sur des vies humaines partout sur la planète, y compris dans les pays les plus tolérants. Tout comme pour les femmes et les personnes de couleur, la lutte contre les discriminations et pour l’égalité doit être menée partout et à chaque instant.

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