Il reste aujourd’hui sur le continent européen un total de douze monarchies , dont un - et nous avons tendance à l’oublier - est toujours une monarchie absolue : le Vatican. Alors que la quasi-totalité des nations européennes avaient des monarques pour chef d’État en 1914, à l’exception de la France, la Suisse, et le Portugal, c’est désormais la monarchie qui fait exception à la règle. Et les monarchies d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’antan, onze sur douze faisant office de mascotte nationale, sans réel pouvoir.
La première guerre mondiale
Pour comprendre l’évolution d’un tel déclin, il faudrait prendre en compte l’intégralité de l’histoire de la royauté en Europe, de ses familles, etc. Mais faisons plus simple, et jetons un œil ne serait-ce qu’aux 120 dernières années.
La première guerre mondiale fut un premier coup majeur aux régimes absolus. Alors que la société avait changé radicalement par rapport au début du 19ème siècle, les rois, empereurs, et divers aristocrates, représentaient le passé. Les générations sacrifiées pour des guerres personnelles n’ont fait que renforcer la perception des monarchies comme des régimes totalitaires. Pour beaucoup, ce fut la dernière fois qu’ils se battraient pour leur monarque. Les royaumes et les empires, alors qu’ils pensaient se battre pour défendre leurs intérêts, étaient en réalité à leur crépuscule. La maison Hohenzollern fut obligée de laisser sa place à la République de Weimar quand le Kaiser Guillaume II dut abdiquer à la suite du Traité de Versailles. La maison de Habsbourg-Lorraine dû aussi laisser les rênes de l’Autriche-Hongrie qui fut démantelée, au grand dam de Charles Ier, dernier roi d’Autriche. En ce qui concerne la maison Romanov, la révolution d’Octobre eut raison de son pouvoir, avant d’être tout simplement assassiné par les bolchéviques. Au final, toutes les monarchies n’ayant pas réussi à se moderniser et à traiter des changements sociétaux majeurs qui ont eu lieu dans leur pays sont entrés dans l’histoire à la fin de cette guerre fratricide.
Malgré les troubles au sein du Royaume-Uni à cette époque, la royauté est tout de même parvenue à se maintenir, car ils n’avaient justement plus de pouvoir. Charles Ier d’Angleterre a finalement eu bon goût de se faire couper la tête lors de la deuxième guerre civile anglaise qui signa la défaite de la monarchie absolue. Il n’y avait donc plus vraiment de têtes à couper en 1914.
La seconde guerre mondiale et le communisme
Outre les monarchies scandinaves, et d’Europe occidentale , les dynasties plus à l’est ont dû faire face à plusieurs menaces. L’arrivée de l’Allemagne nazie dans la région perturba de nombreux pays qui se rallièrent, de gré ou de force, à la cause allemande. Carol II de Roumanie fut ainsi obligé par le dictateur Antonescu, sympathisant des théories nazies, d’abdiquer en faveur de son fils, Michael I. La théorie était que le fils, plus jeune, serait plus facile à manipuler. Le peuple roumain aimait beaucoup sa monarchie, et s’en débarrasser aurait été trop coûteux. Or ce n’était que la théorie, car en pratique Michael I, âgé alors seulement de 23 ans, mena un coup d’État pour se débarrasser du tyran fasciste et rejoindre les Alliés. Ce qui aurait pu passer pour la résilience d’une monarchie à la vague nazie ne fut que de courte durée : l’armée rouge s’installa dans ces pays et y monta les régimes socialistes d’Europe de l’Est. Or en république socialiste, il n’y a pas de place pour un quelconque monarque. Toutes les monarchies restantes à l’est furent ainsi dissoutes.
Les scandales à répétition
Or, en plus du déclin du pouvoir et du nombre de monarchies, il y a également un déclin des opinions favorables à leur égard . Dans un monde occidental caractérisé par l’instantané de l’information, par la demande de plus de représentativité et de démocratie, les monarchies font tâche, même si elles n’ont aucun réel pouvoir.
Comment justifier le train de vie des familles royales alors que le coût de la vie augmente ? Cette question a été soulevée de nombreuses fois ces dernières années, en particulier lors de la crise de 2008 et celle de 2022 engendrée par les retombées de la pandémie de Covid-19 et des conséquences directes de la guerre russe en Ukraine. C’est d’ailleurs en 2008 que l’opinion publique espagnole a complètement changé d’avis sur sa monarchie. Alors que le pays vivait une période économique difficile, c’est en allant chasser l’éléphant au Botswana que la famille royale s’est illustrée. Un florilège de scandales se sont enchaînés, entre opinions homophobes et blanchiment d’argent, jusqu’à l’abdication du roi Juan Carlos I en faveur de son fils, Felipe VI. L’ex-roi vit désormais en exil auto-imposé hors d’Espagne suite à la découverte de liens douteux dans certaines affaires en Arabie Saoudite. Les conséquences ? La monarchie est passée d’un taux d’approbation d’environ 70%, plus haut que n’importe quel politicien espagnol élu, à environ 50% en 10 ans de scandales à répétition, mettant au coude-à-coude les monarchistes contre les républicains.
Cette question a également été posée plus récemment, au vu du coût engendré par la cérémonie d’enterrement du Prince Philippe, du jubilé de platine de la reine Elizabeth II, et bien entendu de sa cérémonie d’enterrement. Pourquoi dépenser tant dans une seule et même famille quand des milliers n’auront pas les moyens de se chauffer cet hiver ?
Enfin,un parallèle s’impose , entre les désirs d’indépendance catalans et écossais avec la désapprobation de la monarchie. Certes l’opinion publique Catalane, profondément républicaine et largement pro-indépendance, est à un stade plus avancé que l’Écosse, mais l’opposition à la capitale (Madrid et Londres) se fait ressentir dans les deux cas par l’augmentation du sentiment républicain et de la volonté d’indépendance. Au premier semestre 2022, seuls 45% des Écossais étaient favorables à la royauté, pour seulement 15% des Catalans en faveur.
Avec ce déclin amorcé au début du 20ème siècle, il est intéressant de se demander désormais si les monarchies européennes survivront le 21ème siècle, ou si elles auront su se réinventer avec le temps.
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