Un drapeau représentatif du pays…
Comme vous l’avez probablement remarqué, au centre du drapeau du Kosovo se trouve une représentation du territoire de la jeune république. Cette particularité esthétique ne se retrouve, excepté au Kosovo, qu’à Chypre. En effet, depuis 1960, le drapeau de cette île possède également, en son centre, d’une représentation cartographique du territoire national. Comme pour Chypre, l’objectif est ici de démontrer la souveraineté du pays ainsi que son unité territoriale. Et comme pour Chypre, cela n’est pas absolument pas le cas dans les faits. Effectivement, le Kosovo, qui a déclaré unilatéralement son indépendance de la Serbie en 2007, n’est pas un Etat reconnu par l’ensemble de la communauté internationale. De fait, il souhaite démontrer sa souveraineté sur un territoire que la Russie, la Chine, le Brésil ou l’Espagne et la Grèce, reconnaissent comme territoire serbe. De plus, le Kosovo ne contrôle pas l’entièreté de son territoire, certaines provinces, à majorité serbe, pourtant incluses dans le territoire officiel, se considèrent encore et toujours comme rattachées à la Serbie. En représentant l’ensemble du territoire, les autorités kosovares souhaitent donc démontrer une unité, du moins de façade.
Le drapeau souhaite également réunir l’ensemble du pays par les aspirations qu’il porte. C’est ainsi que le territoire susnommé est de couleur or sur fond bleu, auréolé d’étoiles, encore une fois, de couleur or. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? Le drapeau du Kosovo s’inspire grandement de celui de l’Union européenne, même couleurs, mêmes symboles. Comme la Bosnie-Herzégovine en 1998, le Kosovo souhaite rassembler sa population par ses aspirations européennes. C’est pourquoi le drapeau arbore fièrement ces couleurs et ces étoiles.
Aujourd’hui, bien que le Kosovo ne soit pas encore considéré comme candidat à l’adhésion du fait que certains Etats membres de l’Union européenne ne le reconnaissent pas encore, ce dernier a déjà adopté de façon unilatérale l’Euro, dispose d’un fort sentiment europhile au sein de sa population, et la reconnaissance de ce dernier par la Serbie est considéré par l’Union comme la condition sine qua non de l’adhésion de cette dernière.
Les étoiles du drapeau ne représentent pas seulement les aspirations européennes du peuple kosovar, ou devrais-je dire des peuples kosovars. En effet, les six étoiles flottant au-dessus du territoire du pays, représentent également les six ethnies du pays : les Albanais, les Serbes, les Bosniaques, les Turcs, les Roms et les Gorans. A ce titre, on comprend facilement pourquoi le Kosovo tente d’unir ces peuples sous une même bannière, tentant ainsi de rassembler le pays sous un même Etat-nation.
…mais pas encore celui d’une Nation
Or bien que le drapeau du Kosovo arrive peu ou prou à symboliser le pays, le drapeau n’arrive toujours pas à symboliser la nation kosovare. La nation kosovare est une nation en construction, cependant la montée du nationalisme ralentit justement le processus. Cela pourrait sembler paradoxal, mais il n’en est rien. En effet, le Kosovo est composé de divers peuples - notamment Albanais et Serbes – qui disposent aujourd’hui déjà d’Etat-nations, respectivement l’Albanie et la Serbie. La montée du nationalisme, depuis la fin de la Guerre froide, a fait éclater la Yougoslavie et menace de faire éclater à son tour la Bosnie-Herzégovine. Le Kosovo n’est pas moins menacé en tant qu’Etat indépendant, puisque certains Serbes du Kosovo souhaitent redevenir Serbes à part entière par le retour de la province dans le giron de la Serbie, tandis qu’une part de la majorité albanaise rêve d’un rattachement de leur pays à l’Albanie voisine. Ces rêves d’Etat-nations homogènes se font bien évidemment en dépit de la réalité de mixité ethnique et d’une part non négligeable des kosovares favorables à une indépendance et à la construction d’un Etat-nation kosovare.
En attendant, la concrétisation de ce rêve national, les différentes communautés continuent d’utiliser les symboles et drapeaux « nationaux » représentatifs de leur ethnie malgré l’existence de leur drapeau azur et or « commun ». En effet, sont encore arborés les différents drapeaux -soit rouge-bleu-blanc pour les Serbes, soit rouge disposant un aigle bicéphale noir en son centre pour les Albanais- dans les différentes villes et campagnes du Kosovo. Cette situation exaspère les crispations identitaires, à un point tel que certains envisagent même une rectification des frontières pour le Kosovo, ce qui engendrerait indéniablement un redécoupage territorial pour toute la région des Balkans occidentaux par l’édiction de frontières purement ethniques. Malgré ces pressions extérieures et intérieures, le Kosovo pourrait bien rester indépendant, pour encore quelques temps du moins, l’idée de « rouvrir la boîte de Pandore » des frontières, ne fait pas l’unanimité et rime pour une majorité avec de nouvelles conflictualités, dont l’Europe pourrait bien se passer en ces moments de tensions extrêmes à ses frontières.
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