L’Europe est un terrain de recherche intéressant pour qui veut se pencher sur les dynamiques d’intégration politique de pays aux cultures très différentes. Ainsi, malgré un substrat culturel commun à la grande majorité des pays d’Europe (culture judéo-chrétienne, courants philosophiques et culturels, valeurs de démocratie et d’état de droit…), de nombreuses tensions s’expriment et peuvent prendre des formes diverses.
Deux exemples assez éloquents ont ponctué la fin de l’année 2020. En septembre dernier, l’Association des Journalistes Européens a envoyé à la Commission et au Conseil européen à Bruxelles une lettre ouverte dénonçant l’usage outrageusement majoritaire de l’anglais dans les institutions de l’UE, alors que celle-ci compte officiellement 24 langues officielles. En novembre, la Pologne et la Hongrie ont usé de leur droit de véto pour bloquer un budget européen qui prévoyait un certain nombre de mesures pour protéger l’État de droit. Une attaque contre leur modèle « illibéral » selon les principaux intéressés.
Ces craintes sont exacerbées par une mondialisation économique et culturelle qui favorise les flux en tout genre, mais dont l’absence de gouvernance internationale provoque des replis nationalistes et réactionnaires.
La solution : l’Europe fédérale !
Cela peut paraître contre-intuitif, mais une identité nationale peut trouver son salut dans d’autres niveaux d’identités, régionaux ou européens. C’est ce que certains appellent « l’identité inclusive », la possibilité qu’une personne peut éprouver plusieurs appartenances identitaires, sans que celles-ci soient contradictoires. Une personne habitant à Strasbourg peut se sentir autant Alsacienne, Française, qu’Européenne.
Autre exemple, en plus de ses 24 idiomes reconnus, l’Union européenne compte de nombreuses langues régionales et minoritaires, certaines étant largement répandues sur plusieurs pays, comme le catalan et ses 10 millions de locuteurs répartis dans quatre pays. La construction européenne doit garantir l’existence et l’épanouissement de cette diversité linguistique et culturelle. Si le débat autour d’une langue commune pour toute l’UE est un débat légitime, le corollaire serait naturellement un renforcement du multilinguisme dans les situations où cela fait sens.
Alors pourquoi parle-t-on de fédéralisme européen ? Contrairement à certaines idées reçues, la théorie fédéraliste n’est pas uniquement institutionnelle, construire un état fédéral européen n’est pas la finalité d’un processus du reste fort complexe. Au XXème siècle, Alexandre Marc, l’un de plus éminents français du fédéralisme, a mis au point la théorie du fédéralisme intégral : contrairement au fédéralisme dit « hamiltonien » qui ne concernait que les institutions, la « formule intégrale » met l’accent sur la création d’une économie, d’une histoire, d’une société fédéraliste… en bref, un véritable projet de société.
Si cette manière de penser n’est pas exempte de critiques, elle a le mérite d’inciter à la réflexion sur le lien entre la diversité culturelle et une Europe fédérale. L’objectif ultime du fédéralisme étant la préservation de la paix (d’un point de vue militaire comme social), appliquer une grille de lecture fédéraliste au multiculturalisme européen permettrait d’apaiser les sociétés.
Prendre exemple ailleurs…
Une deuxième piste de réflexion serait tout simplement de… regarder au-delà de l’Union européenne. L’exemple de l’Inde est à ce titre saisissant : des centaines de langues et de cultures cohabitent dans le plus grand état démocratique du monde. Même chose sur le continent africain, avec l’Éthiopie et le Nigeria (malgré de lourdes carences des gouvernements centraux).
Ainsi, la solution fédérale pour une Union très riche culturellement semble s’imposer, en tout cas cela semble être la seule solution pour concilier le besoin d’une intégration européenne accrue et de la préservation d’une identité largement modelée au niveau national.
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