S’il est un thème que les médias francophones ont peu abordé ces dernières semaines, c’est bien celui de la situation politique actuelle en Pologne. Membre de l’Union européenne depuis 2004, cette dernière a fortement bénéficié de son adhésion grâce à de nombreuses aides de l’Union. Ainsi, sur la période 2004-2014, ce sont près de 85,2 milliards d’euros qui lui ont été alloués, permettant le financement de nombreuses infrastructures telles que l’autoroute reliant Varsovie à Berlin pour ne citer que cet exemple. Par ailleurs, de tous les pays qui ont adhéré à l’Union européenne en 2004 et 2007, la Pologne est celle qui a le plus profité des chances que l’intégration lui offrait, devenant l’une des économies les plus performantes d’Europe et ce même lors des années de crise.
Cependant, si l’économie polonaise se porte au mieux, ce n’est plus le cas de sa politique qui a connu un revers brutal avec l’élection du parti conservateur et nationaliste Droit et justice (PiS) lors des législatives du 25 octobre dernier, confirmant ainsi celle d’Andrzej Duda, président PiS depuis août 2015. Et les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir. Sitôt élu, le parti eurosceptique, nullement reconnaissant des apports certains de l’Union envers son pays, a mis en place toute une série de mesures allant à l’encontre à la fois des valeurs de l’Etat de droit, de l’Europe et de la démocratie. Ainsi, il a notamment remplacé de nombreux hauts fonctionnaires par des loyalistes, dont cinq juges du Tribunal constitutionnel, pris le contrôle direct des médias publics nationaux et fait passer des textes qui entravent les contre-pouvoirs.
L’Union européenne a donc désormais un nouveau problème de taille qui vient s’ajouter à la longue liste de ceux qu’elle avait déjà à régler. Conscient de cette réalité, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a mis la Pologne en tête de liste pour ce début d’année et a ouvert aujourd’hui une « procédure formelle de surveillance du respect de l’Etat de droit ». A noter que cette procédure a été introduite il y a deux ans en prévention du défi que représente déjà Viktor Orbán en Hongrie, mais n’a encore jamais été utilisée. Elle permet à la Commission d’entamer un dialogue avec l’Etat membre qui violerait les règles de l’Etat de droit et, en dernier recours, de mettre en place l’option dite nucléaire, qui consiste à suspendre les droits de vote et l’accès aux fonds européens.
L’année 2016 s’annonce par conséquent comme celle de tous les dangers pour l’Union européenne : après la Hongrie en 2014, la Grande-Bretagne et la Grèce en 2015, la voici aux prises avec un nouvel Etat déviant, soutenu par la Hongrie d’Orbán. Dans ce contexte, il y a fort à parier que l’organisation sui generis se montrera de moins en moins tolérante envers les moins vertueux de ses membres.
Quant à ceux qui ne feraient pas partie du cercle et qui chercheraient quand même à profiter du système – à l’instar de la Suisse pour ne pas la nommer, voire du Royaume-Uni s’il quitte les Vingt-Huit – gageons que la patience de l’Union atteindra rapidement ses limites. Et s’il prenait l’envie au gouvernement suisse de réduire l’immigration sans l’accord de ses voisins et au peuple d’accepter l’initiative de mise en œuvre soumise au vote le 28 février prochain (qui met elle aussi à mal les valeurs de l’Etat de droit), ce ne sera plus un bisou, mais bien une claque que Monsieur Juncker adressera à la Suisse. Car l’Union européenne a définitivement d’autres chats à fouetter.
Suivre les commentaires : |