Le Pacte Vert pour l’Europe à l’honneur lors de l’Université d’automne du Mouvement européen

, par Théo Boucart

Le Pacte Vert pour l'Europe à l'honneur lors de l'Université d'automne du Mouvement européen
Frans Timmermans, le « Monsieur Green Deal » de la Commission von der Leyen. Source : Flickr (Parlement européen)

Quelle compatibilité entre le Pacte Vert pour l’Europe, la politique-phare de la Commission von der Leyen, et une croissance qui se veut à la fois durable et pérenne ? C’est la question posée lors de la première conférence de l’Université d’automne du Mouvement, organisée cette année à Troyes.

Rarement les enjeux climatiques et environnementaux auront fait l’objet d’une attention si vive en cette année de mise en place du Pacte Vert pour l’Europe (appelé également Green Deal européen dans les médias) : d’un côté, la Commission européenne a présenté en mars dernier une « loi climatique » devant faire de l’Europe le premier continent « neutre climatiquement » d’ici 2050. De l’autre côté, la crise du coronavirus a profondément chamboulé le calendrier de ce Pacte Vert, voire a remis en cause sa pertinence même, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale.

Le débat autour de l’importance à donner au Pacte Vert en période de pandémie, destructrice pour l’économie européenne, s’inscrit donc dans une réflexion bien plus profonde : comment concilier transition écologique, neutralité climatique et impératif de croissance économique ? Cette thématique a été au cœur de la première conférence organisée dans le cadre de l’Université d’Automne du Mouvement Européen – France, dont les Jeunes Européens – France sont la branche jeunesse.

Dans le grand auditorium du Palais des Congrès de l’Aube, quatre intervenants venant de milieux différents ont pu exprimer pendant une heure et demi leurs idées sur ce sujet si déterminant pour l’avenir de l’intégration européenne : Christophe Grudler, Député européen du groupe RENEW et membre de la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, Jens Althoff, Directeur du bureau parisien de la Fondation Heinrich Böll, Neil Makaroff, Responsable Europe du Réseau Action Climat, et Yana Prokofyeva, European Outreach Officer à la Surfrider Foundation Europe.

La nécessité de poursuivre dans la voie du Pacte Vert

La transition écologique peut-elle donc être compatible avec la croissance économique ? La réponse semble unanime. Au-delà des clivages et des divergences, les quatre intervenants ont mis en exergue l’importance du Pacte Vert pour l’avenir de l’Europe, ainsi que sa compatibilité avec la croissance, quoiqu’en soulignant des points de débats divers.

Alors que pour Monsieur Grudler, « le Pacte Vert est évidemment compatible avec la croissance [...] et est une excellente chose pour l’Union européenne », Monsieur Althoff préfère souligner la nécessité d’un « nouveau modèle de croissance », car la situation actuelle « n’est plus tenable ». Même son de cloche du côté de Monsieur Makaroff, pour qui le débat entre croissance et décroissance est un « faux débat », alors que l’OIT prévoit que les objectifs actuels de transition écologique « vont déjà créer deux millions d’emplois ». Pour le représentant de l’ONG, « le climat est désormais au cœur des préoccupations de la Commission européenne, mais aux paroles doivent maintenant succéder les actes ». A l’instar de Monsieur Althoff, Madame Prokofyeva insiste sur la nécessité de « changer de modèle de société » mais salue « l’ambition du Pacte Vert », tout en émettant quelques réserves sur le « décalage entre le moment où la Commission propose un texte et où ce texte devient une réalité ».

La COVID-19 comme catalyseur de la transition écologique ?

Si le bien-fondé du Pacte Vert pour l’Europe semble faire l’unanimité parmi le panel, la question du rôle de la COVID-19 dans l’évolution de ce Pacte Vert est sujet à discussion.

Pour le Député Grudler, « la COVID-19 a permis de faire des progrès qui n’auraient peut-être pas été envisageables autrement, comme l’autonomie stratégique et la relocalisation des chaînes de production ». Une conséquence bénéfique pour l’environnement, mais qui peut causer aussi des effets inverses « la relocalisation peut être facteur de pollution supplémentaire en Europe, notamment dans le secteur des médicaments, pourtant si indispensable pour l’autonomie stratégique européenne. On ne peut donc pas exiger à la fois un plan de relance 100% environnemental et une relocalisation totale ».

Pour Jens Althoff, « il est normal que tout le monde soit préoccupé par la pandémie de coronavirus, par la recherche de vaccins et la reprise économique nécessaire […] toutefois, nous sommes actuellement à un moment-clé, il faut investir l’argent de la relance dans la transition écologique ». Un constat partagé par Neil Makaroff qui met l’accent sur « la tentation par certains Etats, mais également par des associations comme l’Association française des entreprises privées de laisser tomber le Green Deal au profit de la relance économique, a été très forte ». Une terrible erreur selon le représentant de Réseau Action Climat « On aurait fait les mêmes erreurs qu’en 2008, en faisant une relance économique classique et donc polluante ».

Pour Yana Prokofyeva, « il faudrait rendre le Pacte Vert un peu plus bleu […] la sensibilisation aux Océans est de manière général un enjeu compliqué, c’est difficile de les inclure dans les traités internationaux, comme les Accords de Paris. Pourtant, les Océans ont absorbé 93% de l’excès de chaleur depuis les années 1970 ». Pour la représentante de Surfrider Foundation Europe, la COVID-19 a eu toutefois le « mérite » de mettre la lumière sur la destruction des écosystèmes terrestres et marins. Cependant, l’Union européenne devrait faire plus d’efforts dans sa stratégie vis-à-vis des écosystèmes aquatiques.

Débat autour du nucléaire

Le statut très controversé de l’énergie nucléaire en Europe ne pouvait pas échapper à l’analyse des intervenants, aux opinions très tranchées et divergentes face à l’atome.

En tant que représentant d’une fondation politique allemande à Paris, Jens Althoff considère que le débat sur le nucléaire en France et en Allemagne est « radicalement différent […] mais ne peut que converger car le débat idéologique et technique sera réglé par le marché, car le nucléaire est beaucoup trop cher ». Pour lui, il faudrait toutefois faire attention à ce que les contribuables français « ne payent pas trop chers dans cette transition ».

Pour Monsieur Grudler, « il n’y a pas mieux que l’Allemagne en termes d’hypocrisie sur le mix énergétique ». Le Député membre de la Commission ITRE, et rapporteur par ailleurs d’un texte sur les interconnexions énergétiques, a fustigé le fait que la première puissance économique européenne avait recours au charbon pour compenser la fermeture progressive des centrales à charbon. De plus, le nucléaire serait « indispensable à la bonne conduite de la transition énergétique ». Des propos réfutés par Monsieur Althoff, pour qui « la part des énergies renouvelables dans le mix électrique allemand est plus de deux fois plus important que la part du charbon ».

Le climat et la jeunesse : priorité de l’Université d’Automne

Cette Conférence, la première dans le cadre de l’Université d’Automne du Mouvement Européen, a montré toute l’importance que nos réseaux d’associations accordent à la transition écologique et énergétique, ainsi qu’au changement des modes de productions et de consommation. D’autres Conférences traitant les enjeux environnementaux ont été organisées, en présence notamment de Karima Delli, Députée européenne des Verts.

La Marche du Climat tenue le lendemain dans les rues de Troyes a également montré l’importance accordé à la jeunesse. Un rôle que Neil Makaroff a tenu à rappeler, notamment dans la lutte contre le changement climatique, « Frans Timmermans a entièrement raison quand il a dit qu’il n’y aurait pas eu de Pacte Vert sans mobilisation de la jeunesse. La mobilisation de la jeunesse et de la société civile s’est faite en effet partout en Europe, et pas uniquement en Europe occidentale. C’est un moment essentiel car les citoyens sont de plus en plus conscients de la gravité des changements climatiques ».

Le rôle des Jeunes lors de l’Université d’Automne a été en outre accentué par la présence massive des militants des Jeunes Européens – France, ainsi que d’une bonne partie des membres du Bureau national, parmi lesquels Marie Caillaud et Peio Dugoua-Macé, respectivement Présidente et Vice-Président des Jeunes Européens – France.

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