Le Traité du Trianon : bilan de 100 ans de traumatisme hongrois

, par Marie Moussard

Le Traité du Trianon : bilan de 100 ans de traumatisme hongrois
Source : Collections Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC)

Le 4 juin dernier, le traité du Trianon célébrait son centième anniversaire. Moment historique toujours dans les mémoires, ce traité irrigue l’histoire de la Hongrie depuis sa signature. Cette année est l’occasion de revenir sur les prétentions nationalistes de Viktor Orban et sur la question des minorités nationales et son saisissement par l’Union européenne.

L’entérinement d’une défaite

1918. La seconde guerre mondiale prend fin. L’heure de faire le bilan est venue. L’Allemagne signe le célèbre traité de Versailles, qui vient entériner les sanctions prises à son égard : réparations économiques, réduction des capacités militaires… Mais, dans le camp des vaincus, l’Allemagne n’est pas la seule à devoir juridiquement admettre sa défaite. La Hongrie austro-hongroise elle aussi voit les sanctions adoptées à son égard matérialisées dans un traité, signé dans le Trianon de Versailles le 4 juin 1920, scellant le destin « alsaço-lorrain » de la Hongrie.

Ce traité a été lourd de conséquences : une grande partie du territoire a été tronquée (environ les 2/3), donnant naissance à des Etats nouveaux. En conséquence de cela, une part de la population se retrouve sous la dépendance d’autres Nations (environ 30%).

Un traumatisme ravivé pour le centenaire

La ratification du traité du Trianon a marqué les esprits hongrois dès le début. Qualifié de « diktat », il sera une source de traumatisme pour les Hongrois. Il fait d’ailleurs partie intégrante de la politique de Viktor Orban. Ce « dépeçage » est une blessure encore vive dans l’esprit des Hongrois.

Le centième anniversaire du traité a été préparé bien en amont par Viktor Orban, bien résolu à rappeler la tragédie qu’a été ce moment de l’histoire pour la population hongroise. C’est ainsi que le 4 juin est devenu le « jour de la cohésion nationale », ou encore qu’une loi a été adoptée sur « les Hongrois des pays voisins », dite loi sur le statut, leur octroyant des droits spécifiques tant en Hongrie que dans leur pays de résidence (cela concerne 6 pays voisins) Les Hongrois outre-frontières se sont ainsi vus octroyer le droit de vote et, par ricochet, le droit de participer à la vie politique de leur « pays ». Cet amour sans frontière pour les minorités hongroises devait trouver sa plus belle manifestation lors de ce centenaire.

Pour la cérémonie, que le premier ministre voulait « grandiose et tragique », les drapeaux auront été mis en berne et un mémorial aura été érigé, ancrant matériellement le souvenir dans le pays.

Passé, présent, futur ?

Souvenir encore vif dans la mémoire des Hongrois, instrument de la politique nationaliste de Viktor Orban, la question se pose de savoir ce qu’il adviendra du Traité et de ses conséquences. Les prétentions de révision géographique de la Hongrie ont été abandonnées, mais pas celles de la fédération nationale hongroise.

Erigée en fer de lance des politiques de protection des minorités nationales, la Hongrie a fait preuve d’une importante activité au sein des institutions européennes pour protéger les minorités hongroises outre-frontière. La loi sur le statut a ainsi fait l’objet d’évaluations de la part de différentes institutions, y compris la Commission européenne et le Parlement européen.

La notion de « minorités nationales », à laquelle on associe volontairement les notions de protection et de respect, fait aujourd’hui partie intégrante des grands textes de l’Union européenne : critères de Copenhague pour l’adhésion à l’UE, article 2 du Traité sur l’Union européenne, charte européenne des langues régionales et minoritaires...

S’il est désormais ancré dans les esprits que les minorités nationales doivent bénéficier d’une protection, il n’en demeure pas moins que le propos doit être contrebalancé par le respect du principe de non-discrimination, lui aussi principe fondateur des textes européens, actuellement malmené par la Hongrie. A l’heure actuelle, alors que les instruments déployés par l’Union se multiplient pour tenter de construire une identité européenne, la politique nationaliste menée par la Hongrie entrave l’atteinte de l’objectif.

Cette année, il s’agit de franchir le pas pour « dépasser Trianon », non seulement pour la Hongrie mais aussi pour l’ensemble des minorités nationales de l’Union. Dans son rapport du 24 octobre 2018 sur les normes minimales de protection des minorités, le Parlement européen a rappelé que « certaines parties des dispositions de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales et de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires relèvent des compétences de l’Union, et rappelle la conclusion de la FRA selon laquelle, bien que l’Union n’ait pas de compétence législative générale en matière de protection des minorités nationales en tant que telle, elle peut statuer sur une variété de questions qui touchent les personnes appartenant à des minorités nationales ».

L’influence de Viktor Orban, avec son discours déployé au-delà des frontières hongroises, et ses alliances bilatérales, doivent être saisis par l’Union européenne pour dépasser les problématiques sous-jacentes et construire une vraie identité européenne, respectueuse des minorités nationales. Il s’agit de faire un « puzzle » de l’ensemble des nations, y compris de leurs minorités, pour faire un tout, conforme à la devise de l’Union européenne : « Unie dans la diversité ».

Vos commentaires
  • Le 18 janvier 2021 à 17:47, par david En réponse à : Le Traité du Trianon : bilan de 100 ans de traumatisme hongrois

    Il faut dire que cet épisode de l’histoire n’est pas enseigné dans les livres (à part peut-être pour des étudiants en histoire), et ne fait jamais l’objet de documentaires TV. Rien n’est fait pour que nous nous y intéressions. J’ai découvert ce fait historique en 2019 par hasard sur un forum de cavaliers (dont je suis) sur les races de chevaux hongrois. Je précise que j’ai 47 ans... Le Président américain Wilson est arrivé en 1917 avec ses troupes et son plan tout prêt de redécoupage des frontières et tout à été décidé par avance par les alliées (les dignitaires hongrois ont été traités comme des parias) si j’ai bien compris les nombreux textes lus sur ce sujet. Je trouve ce traitement injuste, surtout pour un pays qui ne semblait pas spécialement enthousiasmé par l’engagement dans la guerre surtout voulu par l’Autriche à laquelle la Hongrie était rattachée de force (les hongrois ont essayé de se rebeller en 1848-49 mais ont perdu la bataille contre les autrichiens). Tout ce qui a été construis par les traités de paix de 1919-1920 s’est ramassé, la Yougoslavie créée par Trianon n’a tenue que sous le couvercle du communisme avant d’imploser en 1992, la Tchécoslovaquie s’est scindée en deux en 1993, la Slovaquie indépendante occupe la même position que l’ancienne Haute Hongrie. Et les conflits au moyen orient sont toujours la conséquence de ces fichus traités revanchards. La subcarpathie hongroise rattachée à l’Ukraine en 1920 manifeste de plus en plus son retour « à la maison », les ukrainiens ne tentent même pas de s’interposer, leur pays est de toute façon mal en point... C’est très facile pour les technocrates de dire qu’il suffit de se remettre du démembrement, mais si cela était arrivé à la France ? Qu’aurions-nous dit ? Comment le prendrions-nous ? Vu déjà les pieds et les mains qu’on a fait pour récupérer l’Alsace-Lorraine après 1870... Si au moins les frontières avaient été tracées en respectant les zones à majorité Magyares il n’y aurait pas toutes ces tensions (Transylvanie), mais vous le savez, le travail des technocrates est rarement guidés par le bon sens et l’impartialité.

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