Depuis sa création au début des années 1990, le Traité sur la charte de l’énergie (TCE) s’est positionné comme pierre angulaire de la coopération internationale dans le secteur de l’énergie. Pensé pour intégrer les structures énergétiques de l’ancienne Union soviétique et des pays de l’Europe de l’Est à une échelle plus grande, dans le paysage énergétique européen et international, le traité avait pour but d’améliorer la sécurité énergétique tout en favorisant la libéralisation et la coopération. Cependant, alors que le paysage énergétique global évoluait, les challenges auxquels le TCE faisait face en faisaient de même, ce qui mena à une surveillance étroite et d’intenses débats concernant son futur.
Ce qui a initialement motivé la charte de l’énergie était de créer un cadre pour la coopération internationale énergétique qui faciliterait les investissements, les échanges et les transferts de technologie. Le principe de souveraineté nationale sur les ressources en énergie et leur politique en était la base.
Pourtant, avec les années, le paysage énergétique a drastiquementchangé. L’avènement des énergies renouvelables, associé avec la montée des préoccupations à propos du changement climatique ont poussé à une réévaluation des politiques énergétiques et des priorités (ex : Green Deal). En l’absence d’une mise à jour du TCE depuis les années 1990, le TCE est devenu de plus en plus dépassé, alors que l’UE a développé des standards à la fois pour les investissements et la protection du climat.
Reconnaissant le besoin de réformes, l’UE et ses États membres ont démarré un processus d’amendement du Traité sur la Charte de l’énergie en 2018. Des négociations se sont poursuivies pendant plusieurs années, culminant en une mise à jour proposée pour adresser les préoccupations majeures comme la protection des investissements, le développement durable et la transition vers l’énergie verte. Cependant, malgré de nombreux efforts, la mise à jour proposée a fait face à d’imposants obstacles, échouant finalement à garantir une approbation lors de la Conférence sur la Charte de l’énergie en novembre 2022.
L’échec de mise à jour du TCE a laissé l’UE dans une position précaire, posant un dilemme entre les conflits du traité dépassé et la série de défis que pose le retrait. Pour répondre à ce dilemme, la Commission a proposé trois alternatives : a) un retrait coordonné du TCE( retrait de l’UE/Euratom et des Etats membres), b) le retrait de l’UE/Euratom avec un accord en amont pour certains des Etats membres de rester dans un traité dépassé, et c)l’approbation de la mise à jour suivie d’un retrait coordonné. La première option a reçu un grand soutien de la Commission, bien que les Etats membres furent divisés entre l’option b et c.
Durant les présidences suisses et espagnoles, des tentatives pour négocier des accords de courtage ont été effectuées au sein du Conseil concernant l’approche de l’UE sur le TCE. Cependant, la Commission a refusé de faire état du consensus du Conseil. Les propositions de compromis des Présidences suédoises et espagnoles au Conseil étaient largement acceptées par les Etats membres, qui exprimaient leur insatisfaction quant au refus de coopérer de la Commission.
Qu’est-ce qui pose problème désormais ?
La présidence belge a cherché à adresser le problème alors qu’approchaient rapidement les élections européennes. La présidence a dû faire face à la pression de devoir naviguer dans un paysage politique en pleine évolution tout en promouvant une position cohérente de l’UE au sujet du TCE dans la perspective de potentiels changements significatifs autant dans la composition du Parlement européen que dans celle des commissions telles que celle de l’industrie, de la recherche et de l’énergie(ITRE).
Pendant ce temps, l’Italie(2015-2016), la France, l’Allemagne et la Pologne(décembre 2023) se sont déjà retirées du TCE et le Luxembourg prévoit de se retirer également d’ici la fin de l’année. Ces retraits rajoutent une couche de complexité alors que la conférence sur le TCE arrive en novembre 2024. Si les autres parties contractantes souhaitent inclure la mise à jour du TCE dans l’Agenda, l’UE ne devrait pas être capable de les en empêcher, car elle ne serait plus alors la majorité. Cette appréhension souligne le besoin d’une action décisive pour protéger les intérêts de l’UE dans le paysage énergétique international.
Les récents progrès et la feuille de route belge
L’actuelle présidence belge, reconnaissant l’urgence de la situation a pris une approche proactive quant à la résolution du problème. Les prochaines élections européennes approchant et la prochaine Conférence sur la Charte de l’Energie étant imminente, la Présidence a cherché à trouver un compromis qui balancerait les intérêts de toutes les parties impliquées. Ce compromis comprenait le retrait coordonné du TCE tout en accordant aux Etats membres qui le souhaitaient de rester parties au traité qui serait mis à jour à cette fin.
La Présidence belge a présenté une solution majoritairement acceptée reconnaissant le besoin de flexibilité et apportant une voie de compromis. La feuille de route belge consiste en deux piliers : le premier est le retrait de l’UE/Euratom du TCE et le second est la possibilité pour les Etats membres qui le désirent de rester dans une version du TCE à jour. Les Etats membres et la Présidence ont souligné et mis en évidence le besoin et l’intention pour les deux piliers de procéder simultanément.
De récents développements, dont l’initiale approbation du Parlement européen pour le retrait de l’UE/Euratom du TCE et la session plénière du 22 au 25 avril, indiquent une évolution vers une résolution. Le 9 avril notamment, le Parlement européen a donné sa première approbation de la sortie de l’UE/Euratom du TCE, avec une large majorité(la commission ITRE du Parlement européen) : 58 votes pour, huit contre et deux abstentions. Le mercredi 24 avril, durant la plénière à Strasbourg, le PE approuva le retrait de l’UE/Euratom, avec 560 votes pour et 43 contre. Cela signifie que le 1er pilier n’a plus d’obstacles. Cependant, le processus n’est pas censé arriver à terme avant que les deux piliers soient approuvés.
Ce qui va suivre
Principalement, l’approbation du second pilier : la possibilité pour les Etats membres de rester parties au TCE sans gêner sa modernisation.
Les challenges liés au TCE sont par anticipation, complexes et comportent plusieurs facettes. Du besoin de moderniser l’infrastructure de l’énergie à la question du changement climatique à adresser impérativement, les enjeux ne pouvaient être plus grands. Cependant, on a l’espoir qu’une solution soit trouvée, une qui puisse assurer la sécurité énergétique, le développement durable et la coopération internationale.
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