Écosse : qui du Chardon ou de la Rose ?
L’Écosse, symbolisée par le chardon, est traversée d’un mouvement indépendantiste fort qui irrigue la vie politique locale. C’est à partir des années 1920 qu’il commence à se structurer politiquement, à l’instigation notamment du Sinn Féin irlandais. La dévolution décidée à la toute fin du XXème siècle par le gouvernement travailliste de Tony Blair délègue de nombreuses compétences ainsi que la création d’assemblées locales, aux nations constitutives : Écosse, Pays de Galles, Irlande du Nord. Cette vague de fond culmine en 2014 pour l’organisation du premier référendum d’indépendance de l’Écosse. Refroidis par la question économique et confortés par l’ancrage de leur pays en Europe, 55% des électeurs refusent de prendre le large et s’accrochent à Londres. Néanmoins, c’est bien la sortie du Royaume-Uni en 2016 à l’issue d’un référendum (62% des Écossais ont voté pour le remain) qui va de nouveau précipiter la question de l’indépendance sur le devant de la scène. 170 personnalités et intellectuels européens ont d’ailleurs signé une tribune dans laquelle ils appellent les autorités à préserver la place de l’Écosse au sein de l’Union européenne. Longtemps bastion du Parti travailliste, l’Écosse fait le choix du Parti national écossais (Scottish national party, SNP) dès 2007, remportant trois victoires consécutives depuis, et bien décidé à continuer sur sa lancée. Nicola Sturgeon, leader du SNP, souhaite un nouveau référendum sur l’indépendance de sa Nation et en a fait un axe majeur de sa campagne. Les derniers sondages montrent un coude-à-coude quasi parfait entre Londres et Édimbourg. En 2016, un mois et demi avant le référendum fatidique sur le Brexit, le SNP voit son score s’effriter (-2,3%) mais conserve sa majorité absolue avec 63 sièges sur les 129 que compte Holyrood, le Parlement local. Les Conservateurs « avalent » le score précédant du Brexit party et obtiennent 31 représentants. Pour la première fois, les Travaillistes sont relégués à la troisième place, ne recueillant même pas 20% des suffrages. Les écologistes du Green Scottish party (GSP), indépendantistes également, récoltent 6 strapontins, un de plus que les Libéraux-démocrates. Décidé à perturber le scrutin, l’ancien chef de file du SNP Alex Salmond, inculpé d’agressions sexuelles, s’est lancé aussi dans cette campagne, aux côtés de nouvelles formations unionistes dont une réclame la dissolution pure et simple de la dévolution. Si le SNP remporte sa quatrième victoire consécutive, frôlant la majorité absolue avec 64 sièges sur 129, il perd encore 1,4% des voix. Pas de changements majeurs dans la seconde partie du tableau : les conservateurs maintiennent leur seconde place et leurs députés (31), au détriment des travaillistes qui totalisent moins de 18% des suffrages. Les écologistes augmentent leur score et obtiennent 8 strapontins, offrant au bloc indépendantiste la majorité absolue. Avec 63% de votants, c’est la plus forte participation de l’histoire de la dévolution écossaise, légitimant d’autant plus les résultats. Le bloc indépendantiste formé par le SNP et le SGP obtient la majorité absolue des voix, malgré le léger déclin du SNP. Suffira-t-elle pour enclencher un nouveau processus d’indépendance ? Le Premier ministre anglais Boris Johnson s’est déjà montré très remonté face au risque de l’implosion du Royaume.
PAYS D’GALLES INDÉPENDANT ! ... Vraiment ?
C’est dans le même contexte d’une union précaire du Royaume que les Gallois ont élu leurs nouveaux représentants à Cardiff. Il s’agissait des premières élections depuis la révision en 2017 du statut de la dévolution au Pays de Galles, qui délègue de nouvelles compétences à Cardiff notamment s’agissant des ports, des tribunaux, des panneaux de signalisation ainsi que des modifications électorales pour l’élection de l’Assemblée nationale, devenue Parlement gallois. Et certains se sentent pousser des ailes… Le Pays de Galles était la seule nation avec l’Angleterre à avoir voté majoritairement en 2016 pour le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, à 52,5%. Cardiff n’a néanmoins pas hésité à outrepasser Londres sur l’échange universitaire. S’il ne faisait pas partie des critiques des « brexiters] », le programme Erasmus a été l’une des victimes collatérales du Brexit : les étudiants du Royaume ne bénéficieraient plus de ce programme d’échange remplacé par le programme Turing. Ce qui n’a pas été du goût du Chardon ni du Poireau, symbole du Pays de Galles. Ce dernier va d’ailleurs lancer son propre programme d’échange entre ses étudiants et les autres Européens. Si l’indépendantisme est loin d’être aussi fort qu’en Écosse, les gallois semblent y être de plus en plus sensibles. Une étude menée par le Sunday Times indique qu’ils sont un tiers à souhaiter un référendum sur la question, 26% seraient même prêts à voter le divorce avec le reste du pays, un chiffre en nette augmentation (18% en 2016). Capitaliser sur ce sentiment, c’est l’axe du principal parti indépendantiste et écologiste, le Plaid Cymru (PC). Lors des dernières élections locales en 2016, les Travaillistes avaient une nouvelle fois remporté le scrutin, recueillant plus de 30% des voix mais perdant leur majorité absolue au Senedd, le parlement local, avec 29 sièges sur 60. Le PC était parvenu à surclasser les conservateurs de deux points avec 20,8% des votes. En 2019 pourtant, lors des élections générales britanniques marquées au fer rouge par les négociations interminables du Brexit, Plaid Cymru n’avait réuni que 10% des votants. Finalement, c’est une nouvelle fois les Travaillistes qui remportent le scrutin avec 36,2% des voix et 30 sièges, un de plus que précédemment. Les Conservateurs, récupérant les voix de l’UKIP, parti du Brexit, vidé de sa cause et de ses électeurs, récupèrent la deuxième place avec un quart des voix. Le PC, qui promettait l’organisation d’un référendum sur l’appartenance du Pays de Galles au Royaume-Uni en cas de victoire, gagne un siège, perd une place mais pas ses électeurs : les indépendantistes augmentent le nombre de voix reçues (20 000 de plus).
Si l’indépendance du Pays de Galles semble pour l’instant assez illusoire, l’Écosse pourrait quitter le Royaume désuni et prendre le large alors même que l’idée d’une réunification irlandaise est désormais probable. Les Anglais quant à eux, ont l’air de se résigner à perdre leurs compatriotes. Indubitablement, le Brexit aura catalysé de nouveaux arguments en faveur de l’indépendance dans les Nations britanniques, majoritairement pro-européennes, une crise majeure pour le pays que David Cameron a certainement mésestimée en faisant sa promesse de campagne en 2013. Après le divorce officiel avec l’Union européenne le 31 janvier dernier, les multiples défections dans la dynastie, la mort du prince Philip et les poussées indépendantistes, le Royaume connaîtra-t-il une nouvelle annus horribilis ?
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