La directive sur la protection du secret des affaires
Une directive est un texte juridique adopté par l’Union européenne, qui doit être mis en œuvre par les législations nationales des Etats membres, contrairement aux règlements qui sont d’application directe. Cette mise en œuvre, que l’on nomme transposition, doit se faire dans un certain délai, appelé délai de transposition. Dans le cas de la directive sur la protection du secret des affaires, ce délai est de deux ans, le texte n’entrera donc en vigueur qu’en 2018. Cependant, il n’y a pas que Nicole Ferroni qui se soit perdue dans les subtilités du droit européen, puisque le tribunal luxembourgeois avait lui-même appliqué la directive en première instance, alors qu’elle n’était pas applicable à l’affaire Luxleaks.
Cela n’empêche pas que la directive soit critiquable, notamment en raison du caractère très flou de la notion de secret d’affaires, qui laisse des marges très importantes aux Etats membres dans leur transposition. Mais la directive n’a que peu à voir avec les lanceurs d’alerte et ne change rien à leur protection qui demeure du ressort de l’échelon national. Il est néanmoins légitime de s’émouvoir qu’aucune règlementation ne concerne les lanceurs d’alerte, bien que le Parlement européen travaille sur l’adoption d’un cadre de protection au niveau des 28.
La commission européenne et l’évasion fiscale
L’autre critique adressée à la Commission européenne par la chroniqueuse de France inter est de ne rien faire pour lutter contre l’optimisation fiscale. Ce reproche est totalement injuste : s’il y a une seule bataille que mène la Commission, c’est celle-là. Depuis le début de la législature actuelle, plusieurs textes ont profondément transformé le droit fiscal de l’Union. Citons par exemple la directive imposant aux multinationales la transparence pays par pays, le plan de lutte contre la fraude à la TVA, la fin du secret bancaire, ou la directive relative à la transparence des rescrits fiscaux.
L’injonction faîte par Nicole Ferroni au président de la Commission serait plus pertinente si elle était adressée aux Etats membres, qui bloquent l’adoption des réformes fiscales dès qu’ils en ont l’occasion. Ce n’est pas un hasard, si l’eurogroupe s’est d’abord choisi comme chef Jean-Claude Juncker, alors premier ministre du Luxembourg, puis Jeroen Dijsselbloem, ministre des finances néerlandais. Ces pays ont tous deux incité à l’optimisation fiscale en pratiquant le tax ruling vis-à-vis de grands firmes transnationales. La compétence fiscale appartient encore en grande partie aux Etats membres, qui gardent jalousement leur souveraineté en la matière.
C’est pourquoi, la Commission a choisi de s’attaquer à l’évasion fiscale par le biais de la politique de concurrence, compétence européenne de nature fédérale (les Etats membres n’ayant aucun pouvoir dans ce domaine). En effet, au motif que des régimes fiscaux trop avantageux constituaient des distorsions de concurrence, la Commission s’est attaquée à plusieurs grands groupes comme Starbucks, Amazon, McDonald, British American Tobacco, Celio, Belgalom, BASF, Fiat, BP, ou AB invest. Le cas le plus emblématique demeure la condamnation d’Apple à rembourser treize milliards d’euros à l’Irlande du fait d’avantages fiscaux indus. Dans ce dossier, l’exécutif européen a fait preuve d’un très grand courage politique et a pris beaucoup de risques. Certes, ce n’est pas parfait, on peut penser que ça ne va pas assez vite, mais il est faux de considérer que rien n’est fait.
Aussi, la chronique de Nicole Ferroni entretient-elle les idées reçues au sujet d’une Europe qui ne servirait que les puissants de ce monde, au détriment de ses citoyens. Si l’humoriste tenait à s’en prendre à la Commission, il y a, au moins trente-six angles d’attaque, du pantouflage de Barroso aux dérapages d’Oettinger, en passant par la complaisance de l’exécutif européen face à un budget allemand qui transgresse le pacte de stabilité en raison de son excédent beaucoup trop important.
Mais, de grâce, essayons de ne pas alimenter les fantasmes collectifs.
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