Il convient toutefois de préciser que, si on l’appliquait au cas européen, il serait impossible de redistribuer la totalité des recettes de la « taxe carbone » aux contribuables comme que le préconise le groupe d’économistes américains précité.
Bien sûr, tout le monde en recevrait les dividendes, mais de façon indirecte, via l’amélioration du welfare state et la promotion du développement économique. En fait, la taxe carbone perçue par l’Eurogroupe contribuerait à augmenter le montant du budget européen et donc à renforcer toutes les politiques actives de l’UE.
La taxe carbone nationale, appliquée uniformément à tous les États membres de l’UE, devrait permettre de réduire immédiatement l’imposition sur les revenus des employés et des entreprises (en réduisant leur « charge fiscale ») tout en versant des contributions substantielles au financement de l’activité de la nouvelle Agence pour l’environnement et l’énergie (déjà autorisée à emprunter directement ou par l’intermédiaire de la BEI).
Mais la principale limite de la proposition américaine réside en ce qu’elle se concentre uniquement sur l’économie américaine (actuellement responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre) sans se rendre compte que le réchauffement climatique est un phénomène mondial qui doit être traité de concert, par tous les responsables des émissions (ou par la plupart des Etats pollueurs), grâce à des politiques communes.
Nous devons donc continuer à pointer du doigt les contradictions des politiques environnementales, qui doivent être résolues si nous voulons éviter l’impasse systématique des mesures liées à la préservation de notre habitat. Cela est d’autant plus nécessaire que les générations futures seront confrontées à des catastrophes naturelles coûteuses en termes de vies humaines, végétales et animales ainsi qu’à d’importantes dégradations matérielles dans le cas où le climat planétaire connaîtrait une évolution de + 3 à 5°C, entraînant du même coup la dégradation exponentielle de l’environnement.
"La réélection devient la priorité des gouvernements démocratiques, les dirigeants ne sont plus capables de prendre des décisions qui risqueraient de déplaire à leurs électeurs"
La pression qu’exercent les États et les groupes d’intérêts liés aux producteurs de pétrole, de gaz naturel et de charbon dans le but de défendre leurs positions dominantes sur le marché ont très certainement contribué à ces contradictions. Il suffit pour s’en convaincre de regarder à quel point il est difficile de financer le Global Green Fund, créé à Cancún en 2010. Les 100 milliards de dollars annuels sur lesquels devait initialement s’appuyer l’institution se sont envolés alors que, dans le même temps, les contributions des États aux industries minières atteignaient 600 milliards de dollars par an.
Un deuxième élément provient de la difficulté structurelle de la démocratie, en tant que conquête universelle guidée par une vision de long terme, à se convertir aux logiques de court-termisme imposées par le rythme des élections législatives. Durant cet intervalle où la réélection devient la priorité des gouvernements démocratiques, les dirigeants ne sont plus capables de prendre des décisions qui risqueraient de déplaire à leurs électeurs, en imposant des coûts et des sacrifices dans l’immédiat aux électeurs eux-mêmes, en vue d’avantages qui se réaliseraient uniquement dans le moyen ou long terme.
Ces limites n’existent pas dans les démocraties autoritaires ou les dictatures. En Chine, par exemple, les réformes les plus incisives concernant les Universités d’excellence et la formation du capital humain sont réalisées avec une grande rapidité, sans chercher de consensus populaire particulier. Il en va de même avec les exigeants Plans pluriannuels pour les infrastructures et pour les Transports (pensez notamment au grand projet pour la Nouvelle Route de la Soie dans lequel sont engagés des milliards de dollars, parfois même en dehors des frontières physiques de la Chine). Ces réformes s’appuient principalement sur le président Xi Jinping qui contrôle le parti et, par l’intermédiaire de celui-ci, l’Assemblée nationale du peuple et, donc, l’État de la République populaire de Chine.
L’élément le plus important à prendre en compte est la défense égoïste, de la part des États, de leur souveraineté réelle ou supposée
En outre, la démocratie est un acquis indispensable, agissant comme un des piliers de la civilisation universelle, au même titre que les valeurs de liberté et d’égalité. Pour paraphraser Winston Churchill, la démocratie est le pire des régimes mais, en dépit de ses défauts, toutes les autres formes de gouvernement se sont toujours révélées moins efficaces. L’élément le plus important à prendre en compte est la défense égoïste, de la part des États, de leur souveraineté réelle ou supposée qui, pour ce qui est des problèmes ayant une dimension continentale ou mondiale, s’est complètement évaporée.
Pour parvenir à régler ensemble les problèmes dont la complexité ne se révèle qu’à l’échelon du monde, une simple coopération internationale ne suffit plus. Si les accords internationaux entre États souverains sont capables de "photographier" une situation statique et de révéler la volonté déclarée des dirigeants signataires au moment de la ratification, ils ne sont que très peu adéquats lorsqu’il s’agit de répondre à des situations qui évoluent constamment, de manière largement imprévisible, comme le font les événements climatiques ou environnementaux. Aussi, même si les États sont internationalement liés par les traités, ces-derniers sont également à la peine pour stabiliser les volontés nationales perturbées par les rotation gouvernementales (par exemple, Clinton / Bush / Obama / Trump).
De fait, comment parvenir à gérer ensemble des phénomènes complexes à dimensions mondiales sans institutions communes adaptées, dotées d’une autonomie de gestion et d’un financement adéquat ?
Face à des problèmes globaux, "les Etats doivent adopter la méthode fédérale"
Dans le cas de ces problèmes globaux, les États doivent adopter la méthode fédérale, en mettant sur pied des institutions supranationales et indépendantes, coordonnées avec le niveau de gouvernement inférieur des États et avec l’UE (dans le cas des États européens). Ces-dernières seraient chargées de la mise en œuvre des politiques communes, dûment financées par la contribution des États et/ou par des ressources propres issues d’une capacité reconnue d’imposer des impôts et/ou une dette. Ces institutions seraient également soumises à un contrôle démocratique selon les modalités et les formes qui seront déterminées.
Les fédéralistes proposent depuis longtemps la création d’une Agence ou d’une Organisation mondiale de l’Environnement, placée sous le contrôle de l’ONU, supérieure aux États de la Conférence des Parties (COP), et s’inspirant de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951) dans le processus d’unification européenne. Il n’y a pas d’autre solution pour les États s’ils veulent véritablement s’attaquer et résoudre des problèmes dont la taille les dépasse.
L’histoire du processus d’unification européenne en est la preuve. Les difficultés actuelles de ce processus dépendent précisément du fait que certains États membres ne semblent pas disposés à accepter de nouvelles limitations à leur souveraineté pour mettre en œuvre des politiques européennes plus efficaces, pilotées par des institutions de niveau supérieur, telles que des organes de l’UE.
La souveraineté appartient au peuple qui ne peut et ne doit cependant l’exercer que par le biais d’institutions opérant chacune en fonction de l’ampleur des problèmes à résoudre : locale (généralement les municipalités et les régions), nationale (l’État), continentale (en Europe, l’UE). Au niveau mondial, le citoyen cosmopolite doit revendiquer son droit et son devoir de participer aux décisions concernant la paix ou la guerre, les urgences environnementales, la politique économique et sociale de la planète, qui concernent l’humanité dans son ensemble, au travers d’institutions démocratiques de niveau mondial, supérieures aux États. La coopération internationale doit prendre la forme d’une organisation indépendante, basée sur un fédéralisme dont les États resteraient l’épine dorsale.
"Pendant que notre maison brûle, la diplomatie de l’UNFCCC continue de tourner dans le vide"
Le premier organisme qui doit en être convaincu est l’UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change). Son secrétariat, les fonctionnaires et les chercheurs qui y travaillent, doivent se rendre compte que leur engagement et leurs efforts demeureront vains si les accords internationaux qu’ils ont patiemment tissés ne prévoient pas, comme condition préalable, la constitution dudit cadre institutionnel supranational, doté de pouvoirs suffisants et de moyens financiers lui permettant d’agir.
Ils doivent examiner l’histoire de leur activité et l’énorme travail accompli depuis Rio de Janeiro en 1992 jusqu’au protocole de Kyoto, approuvé en décembre 1997 et entré en vigueur en 2005 grâce à la ratification de 196 États, après sept ans de négociations épuisantes ; et bien sûr l’accord international de Paris sur le climat de 2015. Le protocole de Kyoto proposait de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère d’à peine 5,2 % d’ici 2012, ce qui est était tout à fait insuffisant, comme cela a été constaté par la suite. L’objectif a par ailleurs été atteint de façon tout-à-fait fortuite par de nombreux pays, non grâce à leurs engagements internationaux, mais en raison de politiques internes.
À l’heure actuelle, le bien plus sévère accord de Paris n’a toujours produit aucun effet. Après la COP 21, les Conférences des Parties jusqu’à celle de Katowice (COP 24) ne sont pas encore parvenues à établir un consensus sur son application et son financement. De manière synthétique et quelque peu simpliste, nous pourrions dire que, pendant que notre maison brûle, la diplomatie de l’UNFCCC continue de tourner dans le vide.
Ces milliers de jeunes défilant dans les rues du monde entier, prônant la grève contre le changement climatique tout autour du globe sont cependant porteurs d’espoir.
Nous sommes émus par le message d’une des jeunes leaders de ce mouvement populaire spontané, la Suédoise Greta Thunberg, âgée de seulement 16 ans, qui a décidé de consacrer sa vie à sauver le monde du changement climatique.
À ses parents et à tous leurs pairs, elle adresse ces mots : « Un jour, peut-être, mes enfants me poseront des questions sur vous, car vous n’avez rien fait alors qu’il était encore temps d’agir. Vous dites que vous aimez vos enfants plus que tout au monde, mais vous leur volez leur avenir juste devant leurs yeux. Vous n’êtes pas assez matures pour dire les choses comme elles sont ».
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