Les e-déchets européens : entre désastre et espoir ?

, par Corentin Vinsonneau

Les e-déchets européens : entre désastre et espoir ?
Déchets électroniques, source Pixabay

On a tous en tête ces images choquantes de nos déchets présents dans la mer, dans nos fleuves, sur les routes et forêts et grandes villes. La question de la gestion des déchets pose de nombreuses problématiques à grande échelle pour la planète. Même si un effort a été fait par certains pays dans la gestion des déchets en permettant un recyclage plus efficace, un autre type de déchets pose une difficulté plus grande, celle des déchets électroniques.

L’augmentation de la consommation des appareils électroniques

A l’heure du tout numérique, la production d’appareils électroniques n’a jamais été aussi forte. Le tout numérique s’est vite imposé dans les ménages du monde entier, à tel point que quasiment tous les appareils de la vie quotidienne sont connectés et ont besoin de ressources énergétiques pour pouvoir fonctionner.

L’accélération des échanges et un développement du numérique sur tout le globe, on estime que d’ici fin 2020, le nombre d’appareils connectés culminerait à environ 50 milliards d’appareils. Cette hyper-connexion pose véritablement une question cruciale, celle de son recyclage au vu du nombre croissant d’objets produits. Cette question se pose d’autant plus avec l’obsolescence programmée des appareils électroniques. Combien de fois une personne change-t-elle de téléphone, d’ordinateur, frigidaire, micro-ondes.

Les déchets électriques et électroniques, même s’ils constituent une part légère des déchets existants, leur volume ne va pas cesser de croître. Ces déchets contiennent non seulement des matières dangereuses, mais aussi des composants de valeur, et nécessitent par conséquent un traitement spécial. Les installations nécessaires pour ce type de recyclage manquent fortement même dans les pays développés. Certains pays cherchent également à se débarrasser de leurs déchets afin d’éviter de les recycler, ce qui peut engendrer une forme grave de criminalité environnementale.

La montée en puissance de la criminalité environnementale des déchets électriques et électroniques

Arrêtons l’hypocrisie, et mettons-nous réellement au travail pour consommer responsable, éduquer les Etats membres de l’Union européenne ainsi que tous les acteurs sur le recyclage des produits électriques et électroniques lorsque l’on sait que la majorité des pays européens ne respecte même pas la directive cadre sur la gestion des déchets ou que d’autres préfèrent se décharger de leurs responsabilités en évacuant leurs déchets en Afrique. Il est encore temps de stopper cette surconsommation et d’arrêter cette criminalité environnementale !

Pour ceux qui s’interrogent, la « criminalité environnementale » désigne l’ensemble des activités illégales qui portent atteintes à l’environnement et profitent à certains individus, groupes et /ou entreprises. On distingue 5 catégories de crimes environnementaux, reconnues comme tel par l’Assemblée des Nations unies pour l’Environnement : le commerce illégal d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereuses et toxiques, l’exploitation et le commerce illégal de minerais.

Devenu un véritable trafic lucratif pour certaines entreprises, ou certains états, ce trafic échappe à un véritable contrôle des autorités compétentes. Ce phénomène s’aggrave de plus en plus, ce qui amène à certains désastres environnementaux et sanitaires en Afrique.

Les exportations illégales de ses déchets dangereux en provenance de l’Union européenne se sont dirigées vers les pays en développement que sont le Nigeria, le Ghana, la Tanzanie, l’Ukraine, le Pakistan, la Thaïlande et Hong Kong.

Certaines ONG, comme celle de Basel Action Network ont mené des enquêtes afin d’avancer des preuves tangibles de ce réseau bien établi dans certains pays européens. Dans cette enquête baptisée « Holes in the Circular Economy : WEEE Leakage from Europe », des volontaires de l’ONG ont déposé 314 ordinateurs, écrans plats, et imprimantes équipés d’un tracker GPS dans des points de collectes agréés dans 10 pays européens. 6% des équipements pistés sont sortis illégalement du pays où ils auraient dû être retraités ! Ceci est contraire au droit européen qui interdit l’exportation des déchets électroniques.

L’armada législative de l’Europe pour faire face à ce fléau environnemental

Pour faire face à ce phénomène, l’Union européenne a développé une armada pénale pour la protection de l’environnement. Il repose sur un texte majeur, la directive 2008/99 qui énonce les dispositions du droit européen de l’environnement dont la violation constitue une infraction pénale devant être sanctionnée par les États membres. Elle a été complétée en 2009 par une directive sur la pollution causée par les navires, qui introduit des pénalités et des niveaux minimaux de pollution maritime intentionnelle devant être considérés comme des infractions pénales par les États membres.

Afin de lutter contre cette criminalité environnementale de plus en plus présente sur notre continent, les pays européens ont débuté une coopération avec Eurojust qui leur apporte une assistance en matière de criminalité environnementale lorsque les faits incriminés s’établissent dans 2 ou plusieurs États membres. C’est ainsi que durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la France a voulu rappeler son attachement à lutter contre la criminalité environnementale. La conférence « La protection pénale de l’environnement : un défi européen » organisée à Marseille du 17 au 18 mai 2022, a permis de dresser un état des lieux du phénomène en Europe et des problématiques de coopération judiciaire.

Pourquoi le recyclage des déchets est-il nécessaire à l’heure de « l’hyper-mondialisation » ?

40% ! C’est le pourcentage des e-déchets qui sont recyclés au sein de l’Union européenne. Ce pourcentage reste à relativiser car il est variable d’un État membre à l’autre. En 2017, la Croatie a recyclé 81,3 % de tous ses déchets d’équipements électroniques et électriques, contre 20,8 % pour Malte.

Nous le savons déjà, mais tous ces appareils contiennent des matériaux potentiellement nocifs pour l’environnement ainsi que pour les personnes qui participent à leur recyclage. La fabrication de ces appareils participe grandement à la destruction des ressources naturelles de la Terre. Pour contrer ce problème, l’Union européenne a adopté une législation pour empêcher l’utilisation de certaines substances, comme le plomb.

De la même manière, le Parlement encourage les importateurs européens de minéraux de terres rares à effectuer des contrôles préalables de leurs fournisseurs, car nombre des minéraux rares qui sont utilisés dans les technologies modernes proviennent de pays qui ne respectent pas les droits de l’homme. Mais ne vaudrait-il pas mieux réduire nos importations et consommer mieux afin de respecter davantage les objectifs du Green Deal.

Pour ce qui est de la nécessaire prise en charge des déchets électriques et électroniques, son recyclage officiel est devenu un secteur d’activité important dans de nombreux pays. Aux Etats-Unis, à titre d’exemple, 4,4 millions de tonnes de déchets électriques et électroniques ont été recyclées dans des installations spécialisées en 2011.

Des solutions encourageantes ?

Notons toutefois la grande volonté des institutions européennes de faire évoluer les choses concernant les déchets électriques et électroniques au sein du continent. En mars 2020, la Commission européenne a présenté son nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire qui fait de la réduction des déchets d’équipements électroniques et électriques l’une des grandes priorités. Cette proposition définit notamment des objectifs immédiats, comme le « droit à la réparation » ou une meilleure aptitude au réemploi en général, l’introduction d’un chargeur universel et la mise en place d’un système de récompense pour encourager le recyclage des appareils électroniques.

La Commission a également introduit une proposition de loi en vue de rendre les téléphones mobiles et les tablettes plus durables. Cette loi européenne viendrait contraindre les fabricants à proposer plus longtemps certaines pièces. Avec cette proposition, la Commission entend augmenter sensiblement la durée de vie des téléphones mobiles et des tablettes.

Pour sa part, le Parlement vient d’adopter une résolution sur le nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire exigeant des mesures supplémentaires pour parvenir à une économie neutre en carbone, sans produits toxiques et entièrement circulaire d’ici 2050, notamment des règles de recyclage plus strictes d’ici 2030.

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