Macédoine : la route vers l’Union Européenne est encore longue

, par Elena Blum

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Macédoine : la route vers l'Union Européenne est encore longue
Nikola Gruevski, au coeur du scandale. Wiki

L’année 2017 pourrait être marquante pour la relation entre l’Union européenne et l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM). Vingt ans exactement après la signature du tout premier traité entre ces deux partis, la Macédoine compte bien entreprendre les négociations pour son adhésion à l’Union. Cette volonté de rejoindre les institutions européennes avait été affirmée plusieurs fois, mais ce n’est qu’en 2005 que le pays a obtenu le statut de pays candidat. Si les rapports rendus les années suivantes étaient globalement positifs, rendant compte d’efforts sur le plan politique, juridique et social, la Macédoine semble aujourd’hui faire du surplace, voire subir une régression autoritaire qui remet en cause son intégration dans les organisation internationales.

Les élections législatives du 12 décembre ont consacré le parti de droite au pouvoir, le VMRO-DPMNE (Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure-Parti démocratique pour l’unité nationale macédonienne). Pendant deux jours, les partis ont revendiqué la victoire, avant que la Commission européenne ne donne les nationalistes vainqueurs, d’une très courte avance : moins de 2%, soit 17000 voix seulement. Un résultat assez décevant pour ce parti au pouvoir depuis dix ans, et qui n’a pas lésiné sur les moyens pour mener une campagne agressive sur le thème de la supériorité macédonienne sur les minorités du pays (30% de la population).

Nikola Gruevski, ancien président de la République, de 2006 à 2016, et leader du Parti, a réussi à se créer une image positive auprès de l’opinion en offrant des subventions aux investissements étrangers, des pratiques inefficaces sur le long terme mais qui ont permis de réduire le chômage de 36% à 24% en dix ans. Quoi qu’il en soit, son parti a obtenu 51 postes de députés, contre 49 pour le parti social-démocrate, sur 123 postes au total. C’est donc au VMRO-DPMNE qu’il revient de former une coalition gouvernementale. Problème : pour ce faire, il lui faudra rallier des partis albanais, les mêmes qu’il a dénigrés pendant la campagne.

Un conflit identitaire avec la Grèce

L’adhésion macédonienne à l’Union européenne a été longtemps repoussée, tout d’abord par un boycott de la Grèce, en raison du nom du petit État. En effet, la Macédoine était à l’origine la région géographique dans laquelle évoluent l’État actuel, mais aussi une partie de la Grèce, de l’Albanie et de la Bulgarie. La revendication de ce nom, lors de la dissolution de la Yougoslavie, apparaissait à Athène comme une récupération de la culture de la région. En effet, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine érige Alexandre le Grand comme le héros national, tout comme la Grèce. Ainsi, Athène a mis son véto à l’entrée du nouvel État dans l’Union européenne, ainsi que dans l’Otan, sous le nom de “Macédoine”. En 2011, la Cour internationale de Justice de la Haye donne raison à la Macédoine, qui a désormais le droit d’utiliser comme nom constitutionnel “République de Macédoine”.

Nationalisme et inquiétudes européennes

Mais cela n’a pas permis pour autant à Skopje (capitale macédonienne) de lancer les négociations. Depuis 2006 et l’élection de Nikola Gruevsk, les gouvernements en place ont instauré une forte rhétorique identitaire et nationaliste, qui n’est pas du goût de Bruxelles. L’Union européenne a pourtant tenté d’encadrer les pratiques du pays : en juillet 2015, une négociation entre les différents partis macédoniens est menée sous l’égide de l’Union, qui parvient à faire signer les accords de Przino au VMRO-DPMNE. Ces accords prévoient un partage des institutions nationales entre les différents partis, et l’instauration d’élections législatives anticipées, initialement prévues le 5 juin 2016. Mais le 12 avril, le président Gjorge Ivanov ordonne l’amnistie d’une cinquantaine d’hommes proches de lui, dont Nikola Gruevsk, empêtrés dans des affaires de corruption. L’opinion se mobilise et descend dans la rue, et tous les partis d’opposition organisent un boycott des législatives. L’Union européenne et les États-Unis recommandent alors d’ajourner les élections, considérant qu’elles ne seront pas crédibles en cas de boycott de 75% de la classe politique.

La trêve entre les partis aura donc été de courte durée. La situation catastrophique de l’économie nationale, et les campagnes nationalistes du parti au pouvoir ont amenuisé l’intérêt des Macédoniens pour l’Union européenne. Alors qu’ils étaient 95% à souhaiter l’adhésion, ils n’étaient plus que 60 ou 70% en 2015. L’entrée de la Macédoine dans l’Otan est également remise en cause par l’élection de Donald Trump, qui désapprouve cette institution, “vestige du passé” pour lesquels les petits pays ne cotisent pas assez. Si l’Europe doute et hésite trop longtemps à enclencher les négociations avec la Macédoine, celle-ci pourrait se replier sur elle-même et sur ses mythes antiques de grandeur passée.

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