Magyar Péter : un bug dans la matrice Orbán

Assiste-on au début de la fin du système Orbán ?

, par Paul Brachet

Magyar Péter : un bug dans la matrice Orbán
Résidence du Premier ministre hongrois, à Budapest, dont l’accès est désormais restreint. © Paul Brachet

Avocat de 43 ans et récemment ancien membre du FiDeSz, Péter Magyar dénonce violemment depuis quelques semaines le système du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. Pis, il pourrait bien le menacer alors que l’ancien proche du pouvoir hongrois dit être en possession de preuves de la corruption systématisée et généralisée du régime…de quoi faire tomber Viktor Orbán ?

Les soirées sont fraîches à Budapest, surtout en cette fin de mars. Pourtant, le 26 mars dernier, contrant les menaces de pluie et la fraîcheur du crépuscule, des milliers de Hongrois sont sortis dans les rues, se réunissant à l’appel de Péter Magyar, ancien sympathisant du Fidesz, récemment démissionnaire. Le quadragénaire avait ainsi appelé à se réunir devant le siège du Procureur général, à Markó utca, avant d’inviter les manifestants à se rendre à Kossuth tér, place du Parlement et symbole du pouvoir. Un rassemblement qui s’inscrit dans une série de manifestations organisées par Péter Magyar. La raison de ces rassemblements : la contestation du « système de corruption systémique et généralisée » du pouvoir.

Des promesses et des actes

L’affaire Magyar commence le 2 février. Ce jour-là, la une du magazine d’investigation 444 ! révélait l’implication de la Présidente de la République, Katalin Novák, et de la ministre de la Justice pressentie comme tête de liste du Fidesz pour les Européennes, Judit Varga, dans une affaire de grâce d’un pédophile condamné comme tel. Alors que les faits avancés par 444 ! se confirment, les deux protagonistes, éléments centraux du système Orbán, décident chacune de démissionner et de quitter la vie politique.

C’est ici que Péter Magyar fait son entrée. Ex-mari de Judit Varga et membre du Fidesz, il déclare suite à la démission de l’ancienne ministre de la Justice : « Je ne veux pas une minute de plus faire partie d’un système dans lequel les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes ». Le lendemain, il dénonce dans la foulée la « corruption systématique et généralisée » du pouvoir hongrois. Une intervention visionnée près de deux millions de fois, une performance dans un pays de dix millions d’habitants. De cette intervention, il promet des actes à travers cette affirmation :

« Cette situation ne peut pas continuer ! »

Entre égo personnel et croisade du système

Très vite, Péter Magyar se voit en leader de la contestation anti-Orbán alors que la défaite d’une opposition éparse et impuissante est encore dans tous les esprits. Enhardi par son indignation mais aussi par son égo, il multiplie alors les appels aux rassemblements et à la résistance politique au système organisé par le Fidesz. Des appels reçus par l’opposition traditionnelle et par les déçus du régime Orbán. Alors que jusque-là, le régime illibéral de Viktor Orbán était dénoncé uniquement par une opposition extérieure au système, cette dernière est, par l’action de Péter Magyar, rejointe par une opposition interne.

Une fronde qui ne saurait rester sans réponse de la part du pouvoir. Dès les premières déclarations de Péter Magyar, le gouvernement caractérise « les manœuvres désespérées de ceux qui sont dos au mur ». Une position qui se raidit au fur et à mesure de l’intérêt populaire pour Péter Magyar.

Le 26 mars, quelques heures avant la marche organisée, le quadragénaire annonce être en possession d’un enregistrement mettant en cause son ex-femme et ancienne ministre de la Justice qui aurait admis la falsification de documents d’instruction par des membres du Fidesz, dans une affaire de corruption touchant un membre du parti. Quelques minutes plus tard, la principale concernée réagissait sur les réseaux sociaux en y dépeignant une instrumentalisation de ses propos et une pression exercée par son ex-mari à ce sujet.

Des propos qu’elle confirme lors d’une interview sur la principale chaîne politique Youtube du pays. Elle brosse alors le portrait d’un homme violent, manipulateur, alcoolique. Un portrait repris très vite par les médias proches du Fidesz, ainsi que par les proches du système. S’il est clair que l’on assiste ici à une instrumentalisation de la lutte des violences faites aux femmes par le système Orbán, les soutiens de Péter Magyar, quant à eux, accusent des propos mensongers de Varga, remettant en cause sa sincérité. Dans ce contexte, pour le média 444 !, ce type de débat est loin de desservir la démocratie et ses valeurs. Au contraire, il pourrait même être dangereux pour le combat contre les violences faites aux femmes, notamment au regard des déclarations cyniques et absolutistes des deux camps.

Le renouveau de l’opposition hongroise ?

Revenons à la Kossuth tér, où s’est déroulée la manifestation organisée par Péter Magyar . Aux côtés du frondeur, on retrouve le tricolore hongrois, mais également l’étendard européen. Tout un symbole pour l’ancien proche d’un parti nationaliste. Symbole de la volonté d’une convergence des oppositions afin de « mettre fin » au système de corruption, à la « démocratie illibérale » et « autocratique ». Péter Magyar, devenu tribun, appelle ainsi à « restaurer les liens entre citoyens et dirigeants », permettre le retour de « l’indépendance de la justice, des médias, de l’Education ». Selon lui, une seule solution : « la démission du gouvernement ! »

La synthèse peut-elle être faite en la personne de Péter Magyar ? Difficile à dire. Selon l’historien italo-hongrois, spécialiste du système créé par Viktor Orbán, Stefano Bottoni, Péter Magyar ne « peut pas être le messie », néanmoins, c’est la première fois qu’une fondre de cette ampleur à lieu dans le système Orbán. Pour lui, le succès de P. Magyar, et plus généralement de l’opposition, sera proportionnel à la fissure opérée au sein du système. En cela, le frondeur a ses chances : ancien élément central du Fidesz, connaisseur des arcanes du pouvoir, et membre d’une famille incontournable de Hongrie. Toujours selon l’historien, Péter Magyar peut être comparé au Viktor Orbán des années 1990, une personne convaincue des idées démocratiques et conservatrices, opposée aux dérives d’appareil. Cependant, Stefano Bottoni prévient : « On a [en Hongrie] une société qui a peur d’elle-même, [tant que cela sera ainsi] rien ne changera ».

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom