La suppression de messages d’intérêt public au coeur d’une loi sur la conservation des archives, adoptées deux an plus tôt
Un débat parlementaire a eu lieu jeudi 19 mai afin de déterminer si la loi sur les archives avait bien été respectée. Cette suppression des messages va à l’encontre de la Loi sur les Archives selon laquelle lescorrespondances gouvernementales d’intérêt public doivent être conservées et accessibles dans le cadre d’un contrôle démocratique. Cette loi est censée permettre aux parlementaires et journalistes d’être correctement informés sur les décisions prises. Conformément à la décision du Conseil d’État, cette loi inclue également les messages SMS et Whatsapp depuis 2019.
Le premier ministre s’est ainsi défendu en expliquant qu’il devait libérer de l’espace sur son téléphone, et qu’il n’avait gardé que les messages jugés “importants”, son téléphone de neuf ans d’âge ne pouvant garder qu’une vingtaine de messages par jour. Mark Rutte, l’homme qui se présentait comme n’étant « pas un grand fan des smartphones » aimait s’afficher avec son vieux Nokia à touches pour cultiver son image d’homme simple, sobre et frugal.
Le premier ministre batave explique n’avoir supprimé que les messages qui ne semblaient « pas pertinents pour sa prise de décisions administratives ». Le 16 mai, le Landsadvocaat, l’avocat qui représente l’Etat néerlandais, a déclaré que M. Rutte avait procédé à un « archivage en temps réel » et qu’il n’y avait donc aucune raison de soupçonner un délit en l’espèce.
Cela n’a cependant pas empêché le quotidien De Volkskrant de reprocher au Premier ministre d’avoir unilatéralement déterminé quels messages étaient susceptibles d’être gardées, avant d’être envoyés à un responsable gouvernemental afin d’être archivés. Cette sélection unilatérale des messages, échappant ainsi au contrôle démocratique, a suscité l’ire de l’opposition.
Une opposition furieuse du manque de contrôle démocratique
La Chambre des députés a exigé la tenue d’un débat imminent et a convoqué, le 18 mai, le chef du gouvernement, contre lequel le Parti pour la liberté (ultra-droite) de Geert Wilders avait déposé une motion de censure appuyée par la gauche radicale et d’autres partis d’opposition. Arborant une mine sévère, Mark Rutte a répété qu’il n’avait rien voulu dissimuler et a estimé que certains élus voient tout « en noir et blanc ». Surnommé « Premier Téflon » pour sa capacité à survive politiquement aux scandales qui le concernent, « Mister Silicone » pour sa souplesse, Mark Rutte, chef du gouvernement depuis douzeans, a réussi à échapper au vote de défiance sans pour autant écarter les nombreuses questions sur sa gestion du pays au cours des dernières années : à propos de la pandémie, de l’octroi douteux d’un marché public pour des masques, d’un projet - abandonné - sur la suppression de l’impôt sur les dividendes des entreprises, de la tentative de « placardiser » un concurrent, ou encore au sujet de « l’affaire des allocations ».
La confiance dans le gouvernement néerlandais mise à mal
Pour certains députés, cette affaire est le symptôme du manque de transparence du gouvernement Rutte, qui se manifestait déjà avec force début 2021, à l’occasion du scandale des allocations. L’intégralité du gouvernement de Mark Rutte avait alors été contraint de démissionner en janvier 2021 à la suite d’une bévue de l’administration fiscale. Un scandale, où 26 000 parents avaient été accusés - à tort - de fraude aux allocations familiales, et avaient été contraints de rembourser les sommes versées. Sur les 26 000, 10 000 personnes auraient fait objet d’un profilage sur des bases ethniques, ce qui n’a pas manqué de scandaliser l’opinion publique néerlandaise.
En outre, Mark Rutte, à la peine depuis la formation de sa quatrième coalition en janvier dernier après neuf mois de négociation, connait une baisse de popularité. Aujourd’hui, le gouvernement Rutte IV bénéficie de la confiance d’à peine un tiers des Néerlandais.
Cette perte de confiance a de plus été renforcée par des restrictions sanitaires très impopulaires aux Pays-Bas. Les mesures pour lutter contre le Covid-19 ont souvent mené à des manifestations importantes. Le gouvernement a lui-même reconnu des « fautes » dans la prise de décision et dans la gestion de la pandémie.
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