Une nomination surprise après 50 jours d’attente
Dans un communiqué de presse du 5 septembre 2024, l’Élysée annonce la nomination de Michel Barnier au poste de premier ministre. Celle-ci fait suite aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024 découlant de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron le soir des résultats des élections européennes.
À l’issue du second tour, l’union de la gauche, le Nouveau Front Populaire (NFP) devient la première force politique du pays, suivie par la coalition présidentielle et le Rassemblement national (RN). Le parti Les Républicains (LR) n’arrive qu’en quatrième position et très affaibli par la campagne électorale. Après avoir consulté les groupes politiques et envisagé plusieurs noms tels que Lucie Castets (NFP), Xavier Bertrand (LR) ou encore Thierry Baudet (président du Conseil économique, social et environnemental), c’est finalement Michel Barnier qui a été choisi par le président de la République pour accéder à Matignon.
Une surprise pour beaucoup, malgré sa place importante dans la politique française. Membre du parti Les Républicains, il fut député pendant près de 15 ans puis sénateur avant d’être nommé 4 fois ministre. Il a entre autres été ministre délégué aux Affaires européennes entre 1995 et 1997 sous le gouvernement Juppé (centre-droit). Il a plus récemment été ministre de l’Agriculture et de la Pêche de 2007 à 2009 du gouvernement Fillon (centre-droit).
Une personnalité politique importante à l’échelle européenne
Si sa carrière en politique nationale est étoffée, c’est au sein de l’Union européenne que son nom a résonné ces dernières années. Il a en effet assuré deux mandats au sein de la Commission européenne : un de 1999 à 2004, à la politique régionale, et un autre au marché intérieur entre 2010 et 2014. Il a ensuite été chargé des négociations du Brexit pour l’UE entre 2016 et 2021. Il a donc négocié la sortie du Royaume-Uni de l’UE successivement avec les premiers ministres britanniques Theresa May et Boris Johnson et est arrivé à un accord de sortie. Il avait également affirmé son engagement pour une intégration européenne plus importante en votant “oui” au référendum pour adopter le traité établissant une constitution pour l’Europe en 2005.
Sa nomination a d’ailleurs été saluée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Sur X, elle écrit : “Je sais que Michel Barnier a les intérêts de l’Europe et de la France à coeur, comme le démontre sa longue expérience.” Une longue expérience certes, mais qui a vu plusieurs de ses positions européennes évoluer au cours du temps - quitte à perdre en clarté.
Des positions controversées sur les sujets européens
Si son dévouement lors des négociations du Brexit était remarquable, Michel Barnier a adopté des positions clivantes sur des sujets européens importants. Par exemple, en 2021, à l’époque candidat à la primaire du parti Les Républicains au vue de l’élection présidentielle de 2022, Michel Barnier avait recommandé la primauté du droit français sur le droit européen en matière d’immigration. Il avait notamment proposé d’instaurer un référendum sur ces sujets afin de retrouver une “liberté de manœuvre” vis-à- vis des institutions européennes.
Il voulait aussi mettre fin aux regroupements familiaux, qui permettent à un membre d’une famille qui a immigré dans un pays d’y être rejoint légalement par le reste de sa famille, violant ainsi à la fois la Constitution et le droit européen. Il avait tweeté le 21 novembre 2021 : “Un bouclier constitutionnel nous protégera contre des jurisprudences toujours trop favorables aux étrangers.” Des propos qui avaient choqué les personnalités politiques, jusqu’à son propre camp.
Selon le média Les Surligneurs, toujours dans le cadre de cette même primaire, il s’est montré favorable à l’interdiction du port du voile dans l’espace public et les universités. Or la liberté de conscience et de religion est défendue par les textes européens… Des positions qui semblent donc l’éloigner de son image notoire d’europhile. Ses positions en 2021 ont également choqué dans d’autres domaines comme la sécurité. Il avait notamment fermement critiqué la politique d’Emmanuel Macron en la matière, émettant l’hypothèse que les menaces terroristes aient un lien avec les flux migratoires.
Enfin, sa vision de la construction européenne manque également de clarté et a évolué au fil des années. En 2012, il confiait au journal Libération la nécessité d’aller vers “une fédération européenne”. Près de dix ans plus tard, en 2021, il ne se considérait plus comme fédéraliste selon une nouvelle interview de Libération.
Si Michel Barnier peut sembler un candidat adéquat pour remplacer Gabriel Attal de par sa longue carrière politique aussi bien aux niveaux régional, national et européen, plusieurs de ses prises de position restent peu claires. Se pose à présent la question de savoir comment Michel Barnier va composer son gouvernement afin de satisfaire les forces en présence d’une Assemblée nationale fragmentée et comment il va se positionner sur les sujets européens.
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