Kévin Bangratz : La campagne pour la primaire écologiste bat son plein et Cécile Duflot apparaît comme la favorite du scrutin, notamment en raison de sa forte notoriété. Dans ce contexte, quels sont vos soutiens ?
Michèle Rivasi : Pour la primaire, je compte à la fois sur les militants et la société civile, à laquelle le vote est ouvert. On peut savoir dans quelle écurie se trouvent les adhérents. Mais on ne peut pas en dire autant de la société civile, qui compte des associations variées. Ces membres de la société civile pourraient m’apporter leur soutien. Par ailleurs, Cécile a une forte notoriété parce qu’elle a été ministre, mais cela ne veut pas forcément dire qu’elle est appréciée des militants. Les jeux ne sont pas faits.
K.B. : Quels sont vos atouts face aux autres candidats à la primaire, Yannick Jadot et Karima Delli ?
M.R. : Nous n’avons pas le même parcours, on ne s’intéresse pas forcément aux mêmes sujets. Je développe beaucoup l’écologie de la paix et je suis la seule à le faire. Par ailleurs, c’est aux gens de savoir quelle est la personne qui incarne le mieux l’authenticité des combats, la fidélité par rapport à l’intérêt général et au bien commun. Qui voulez-vous comme candidat ? C’est aux électeurs de déterminer qui incarne le mieux ce combat et qui est capable de l’expliquer au plus grand nombre. Enfin, je trouve que le point positif de cette primaire, c’est qu’elle fait parler d’écologie. Et c’est l’essentiel.
K.B. : Les écologistes ont la réputation d’être incapables de se mettre en ordre de bataille. Comment comptez-vous rassembler le camp écologiste ?
M.R. : Je n’ai jamais quitté le camp écologiste, mais je pense qu’il faut dépasser le parti. Pour tous mes combats j’ai plus travaillé en externe qu’en interne. Pour moi ce n’est pas un souci de rassembler le peuple de l’écologie, qu’il soit issu d’un parti ou de la société civile. La preuve en est que mes soutiens vont de Pierre Rabhi à Coline Serreau, en passant par Philippe Desbrosses et Marie Blandin. Ces gens sont issus de la société civile et me soutiennent car je n’ai lâché aucun combat pour ma carrière personnelle. Les idées et les valeurs passent avant les logiques de parti. Mon terrain de bataille se situe à la fois au sein du parti et en dehors.
K.B. : Afin de préparer l’élection présidentielle de 2017, les écologistes ont lancé une plate-forme collaborative (projet-ecologie.fr) pour construire le projet écologiste. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont les écologistes utilisent les outils numériques ? Grâce au numérique, ne pourrait-on pas imaginer un nouvel modèle de démocratie plus directe ?
M.R. : Avec cette plate-forme, on propose aux internautes l’ossature d’un projet. La dimension collaborative permet à chacun d’y apporter ses compétences, de l’enrichir, et ainsi de co-construire un véritable projet présidentiel en phase avec les attentes de la société. Nous sommes aussi très présents sur les réseaux sociaux, dont l’interactivité permet d’alimenter le débat. Bien utilisés, les outils numériques peuvent favoriser la démocratie et la rendre plus directe
K.B. : Parlons maintenant de la question européenne. Vous êtes députée européenne depuis 2009. Pensez-vous que la question européenne sera au cœur de la campagne de 2017 ?
M.R. : La question européenne sera très importante lors de la prochaine campagne présidentielle française. On ne peut pas faire bouger la société seulement à l’échelon national. Contrairement à ce qu’a fait François Hollande, il va falloir générer une autre dynamique au niveau européen, notamment en ce qui concerne les infrastructures favorisant le développement durable et la transition écologique de l’économie.
K.B. : Après le Brexit, quel avenir voyez-vous pour l’Europe ? Êtes-vous favorable au fédéralisme européen ?
M.R. : Oui, je suis favorable au fédéralisme, à condition que les pays fédérés soient prêts à rompre avec le dumping fiscal et social, tout en misant sur la coopération plutôt que sur la compétition. L’Europe fédérale doit être organisée en cercles. Le cercle central doit être constitué des pays les plus motivés par l’idée d’une intégration politique de notre continent (il s’agirait principalement des États fondateurs de la construction européenne comme la France, l’Allemagne, l’Italie, ainsi que les pays du Benelux. D’autres pays pourraient peut-être prendre part à ce noyau dur). À la périphérie de ce premier cercle se trouveraient d’autres cercles regroupant les pays qui n’ont pas atteint un niveau de prospérité suffisant et qui ne souhaitent pas une gouvernance économique et politique commune. Nous pouvons utiliser le choc du Brexit comme une occasion de réinventer l’Europe et d’avancer vers un fédéralisme régional.
K.B. : Après le Brexit, nombreux sont ceux qui reprochent à Harlem Désir de ne pas être à la hauteur de sa fonction. Quelle est votre opinion sur l’action du Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes ?
M.R. : Avant tout, le gouvernement ne donne pas à l’Europe l’importance qu’elle mérite, comme en témoigne le fait que les affaires européennes soient attribuées à un secrétaire d’État et non à un ministre. Par ailleurs, Harlem Désir, malgré le fait qu’il ait été député européen, n’est pas du tout actif. Soit on ne lui donne pas les moyens d’agir, soit il ne veut pas utiliser le pouvoir dont il dispose. Quoiqu’il en soit, il n’est pas à la hauteur et ne permet pas à la France d’apporter le nouvel élan dont l’Europe a besoin.
K.B. : Revenons sur l’écologie. L’Union européenne en fait-elle suffisamment pour soutenir l’émergence d’une économie verte ?
M.R. : L’Union européenne a été assez motrice sur certains sujets liés à l’écologie, comme la COP 21, l’engagement à réduire les gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030, le développement des énergies renouvelables, ou la rénovation de l’habitat. Toutefois, elle subventionne encore des énergies fossiles, ainsi que le nucléaire, via le traité EURATOM qui est antidémocratique. De plus, l’Union européenne ne lutte pas suffisamment contre le dumping environnemental.
K.B. : Êtes-vous favorable à la « décroissance » ?
M.R. : Je suis pour la « sobriété heureuse », c’est-à-dire une société post-croissance où l’on gaspille moins.
K.B. : Le cancer du poumon est le plus meurtrier en France et dans le monde. Souvent, le tabagisme est désigné à juste titre comme le responsable de ce cancer. Mais la pollution de l’air n’en est-elle pas aussi une cause ? Dans un rapport publié récemment, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que 92 % de la population mondiale respire un air trop pollué. Quelles solutions pour améliorer la qualité de l’air ?
M.R. : La pollution de l’air est un enjeu majeur de santé publique. La pollution atmosphérique ne favorise pas seulement le cancer du poumon, mais aussi l’asthme, les bronchites, les allergies, et même certaines maladies cardiovasculaires. Pour améliorer la qualité de l’air, il faut réduire chaque source de pollution. Il y a des pollutions liées à l’industrie, à la biomasse, aux transports... Je suis pour les véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, à partir du moment où l’énergie qui les propulse est produite de façon durable. Il faut réduire la présence des voitures en ville et développer l’autopartage. C’est un panel de solutions qu’il faut mettre en œuvre. Il faut aussi repenser l’urbanisme, car la majorité de la population vit en milieu urbain où la pollution atmosphérique atteint son paroxysme.
K.B. : De nombreux projets d’écoquartiers voient le jour. La ville de demain sera-t-elle verte ?
M.R. : Oui, la ville de demain sera verte et organique. Dans de nombreuses villes, on fait l’expérience de développer les espaces verts, ce qui permet d’offrir aux habitants un meilleur cadre de vie. Car si les écologistes accordent tant d’importance à l’environnement, c’est avant tout par humanisme.
Suivre les commentaires : |