Migration : des frontières extérieures renforcées

, par Angélique Dessaigne

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Migration : des frontières extérieures renforcées

Une équipe de 10 000 personnes aux frontières de l’UE d’ici 2027 : voici l’accord trouvé entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Faute de s’entendre sur la répartition des demandeurs d’asile, les Etats membres se sont entendus sur le renforcement de leurs frontières extérieures. Ce corps européen poursuit trois objectifs : assurer la sécurité au sein de l’UE, améliorer les contrôles aux frontières et l’organisation des retours. Les Etats membres ont une priorité : sauver Schengen.

Le renouveau de Frontex

Suite à la crise des réfugiés de 2015, l’Union européenne a décidé de renforcer le contrôle des frontières extérieures. Frontex s’est transformé en une agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes dès 2016. Les changements vont s’opérer sur les moyens à la fois humains et matériels de Frontex ainsi que sur son pouvoir d’exécution.

En effet, Frontex s’appuyait sur les équipes et les moyens aériens et maritimes des Etats européens. Elle faisait en sorte que les services nationaux en charge du contrôle aux frontières extérieures coopèrent entre eux. Le changement de nom de l’agence devait refléter l’évolution de son mandat. L’objectif était de la renforcer au niveau humain, qu’elle puisse posséder ses propres équipements, et surtout qu’elle soutienne les pays tiers voisins qui doivent eux-mêmes gérer un afflux de migrants important. Dès 2016, une réserve d’intervention/ de réaction rapide de 1 500 hommes a été mise en place pour un déploiement rapide en cas de crise. En 2018, le Conseil européen souhaite un renforcement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. La Commission va donc formuler une proposition allant dans ce sens.

10 000 garde-frontières d’ici 2027

Dans son discours sur l’État de l’Union de 2018, Jean-Claude Juncker annonçait 10 000 garde-frontières d’ici 2020. Ce corps européen sera composé du personnel de l’agence, du personnel détaché par les Etats membres pour une longue durée et du personnel déployé par les Etats membres pour une courte durée. L’objectif de la Commission est que le nombre d’agents permanents de l’agence et le personnel détaché soient en augmentation par rapport au nombre d’agents déployés. L’agence disposera de ses propres équipements navals, aériens et terrestres. Le montant de ces propositions se chiffre à 11,3 millions d’euros pour le budget pluriannuel 2021-2027.

Le corps européen sera capable d’intervenir aux frontières extérieures de l’UE pour vérifier les identités, arrêter les migrants irréguliers. Il pourra intervenir dans les pays non-européens en opération conjointe avec ces derniers. Cette équipe continuera de soutenir les Etats membres dans l’exercice des retours et devra les rendre plus efficaces. Elle devra aussi coopérer avec l’agence européenne d’Asile, notamment dans les hotspots (centres d’enregistrement).

A savoir que même si ce nouveau contingent sera plus autonome au niveau des moyens humains, matériels et opérationnels, leurs interventions seront toujours supervisées par l’État membre hôte car ce dernier reste maître de sa frontière. Le Conseil, en arrêtant sa position en février 2019, a repoussé l’objectif des 10 000 garde-frontières de la Commission à 2027. Le déploiement du contingent devrait commencer le 1er janvier 2021. Un premier examen de la Commission devrait intervenir en juin 2023. Il permettra d’évaluer s’il est nécessaire d’apporter des modifications sur l’effectif ou la composition du contingent. Le Parlement européen quant à lui s’est prononcé en faveur de la proposition le 17 avril 2019. La publication au journal officiel devrait maintenant n’être plus qu’une question de jours.

Sauver Schengen avant de sauver les migrants ?

L’objectif de l’espace Schengen était de créer un espace sans frontières intérieures. Mais pour arriver à cet objectif tout en assurant un niveau de sécurité élevé dans l’UE, il fallait aussi penser à protéger nos frontières extérieures et se mettre d’accord sur ceux qui pouvaient entrer dans cet espace. En partant du principe que nous n’avons pas une frontière extérieure commune mais des frontières extérieures, il fallait pouvoir introduire la confiance mutuelle entre les Etats membres.

Après la crise de 2015, où sont passés les principes fondamentaux de l’espace Schengen ? Les Etats membres ont encore aujourd’hui des difficultés à se mettre d’accord sur la répartition des personnes qui ont traversé la méditerranée et un pays comme la Grèce a eu des difficultés à contrôler ses côtes. L’espace Schengen n’a eu de cesse d’être remis en question. Face à ces menaces, les Etats européens ont décidé de répondre au besoin de protéger notre espace plutôt qu’au besoin de sauver ceux qui tentent la traversée de la méditerranée.

Cette dernière mission n’apparaît pas dans la proposition de la Commission. Et pourtant, repenser la question du sauvetage de ceux qui traversent la méditerranée est aujourd’hui primordial.

L’UE a développé plusieurs missions en mer : l’opération Thémis dans les eaux italiennes et maltaises, l’opération Poséidon dans les eaux grecs et les opérations Minerva et Indalo dans les eaux espagnoles. L’opération Sophia, qui cible la Libye, a été prolongée jusqu’au 30 septembre 2019 avec la suspension du déploiement naval et la continuité du déploiement aérien.

Ce seront donc les garde-côtes libyens qui se chargeront du déploiement naval sur leur zone maritime. A savoir que la situation en Libye se tend ; des affrontements se déroulent dans le sud de Tripoli entre le Maréchal Khalifa Haftar et le gouvernement de Fayez Al-Sarraj. Face à ces tensions qui pourraient entraîner une nouvelle vague de migration, l’UE disposera bientôt d’une partie de ses nouveaux garde-frontières pour protéger ses frontières.

Mais à bien y penser, Schengen peut-il vraiment être sauvé si on avance seulement sur la question de la sécurité de notre “maison” sans répondre à la question de ceux qui tentent de la rejoindre ? La question du sauvetage des migrants en mer et de leur traitement sur le sol européen reste encore sensible pour les Etats européens, surtout dans l’atmosphère populiste actuelle et dans le contexte des élections européennes...

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