Montebourg et Hamon : refonder une Union Européenne démocratique et sociale

, par Manon Virot

Montebourg et Hamon : refonder une Union Européenne démocratique et sociale
Militants du Parti Socialiste, dont Montebourg et Hamon sont membres, lors d’une manifestation. CC Flickr - Valéry-Xavier Lentz

Contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui affirme « ma candidature pour l’élection présidentielle est celle de la sortie des traités européens  », les deux candidats à la primaire socialiste Arnaud Montebourg et Benoît Hamon apparaissent comme des pro-européens convaincus de la nécessité et de la possibilité de refonder l’Union européenne en faveur d’un projet démocratique et social. Ces deux ténors du Parti Socialiste partagent une approche politique commune, ayant tous deux quitté le gouvernement de Manuel Valls et formé la motion «  Nouveau Parti Socialiste  » (2003-2008). Néanmoins des divergences apparaissent dans les réformes concrètes qu’ils proposent.

Arnaud Montebourg  : «  Transformer l’Europe pour la sauver ! Refonder l’Europe pour la garder !  »

Arnaud Montebourg a été député (1997-2012) et président du conseil général en Saône-et-Loire (2008-2012), avant de devenir ministre du redressement productif (2012-2014) puis ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique (2014). Il est relativement isolé au sein du Parti Socialiste, n’appartenant officiellement à aucun courant, mais il est devenu une personnalité très médiatique ces dernières années. / CC Wiki - ADEL Expo

Dans son discours de candidature du 21 août, Arnaud Montebourg s’est affirmé comme un candidat pro-européen mais critique des institutions actuelles. Son constat est clair  : «  la construction européenne [est] menacée de dislocation par l’incapacité de ses dirigeants à respecter les peuples européens. » L’absence de démocratie dans l’Union européenne explique la défense de la libre-concurrence à outrance, les politiques d’austérité, l’absence de politiques sociales ambitieuses et la montée des partis extrémistes. En se retournant contre les peuples, la Commission européenne aurait ainsi contribué à enfoncer les Etats membres dans les difficultés économiques et sociales.

Arnaud Montebourg conseille donc non pas d’abandonner l’organisation, mais de la restructurer pour la sauver  : «  L’Union Européenne est un bien précieux qui nous est nécessaire  », nécessaire pour que la France devienne une puissance face au reste du monde. La priorité du candidat réside dans la négociation d’un nouveau traité européen afin de relancer la discussion entre les Etats membres sur ce que doit être et devrait faire l’Union. En quoi consisterait ce nouveau traité et quelles actions entreprendre dès 2017  ?

Sur le plan politique, la démocratie est le seul moyen pour redonner le contrôle de l’Union européenne aux citoyens. Arnaud Montebourg prône la création d’un gouvernement économique de la zone euro et le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, qui doit pouvoir contrôler les politiques budgétaires et monétaires en Europe ainsi que les décisions de la Banque Centrale Européenne. De plus, une redistribution des pouvoirs entre l’Union et les Etats membres est à discuter pour que l’organisation se concentre uniquement sur ce qui est nécessaire de faire au niveau supranational. Ainsi l’Union européenne doit pouvoir évoluer avec la volonté des citoyens et redonner du pouvoir aux Etats membres.

Sur le plan économique, il conviendrait d’abandonner le libéralisme adopté par la Commission et de se tourner vers un protectionnisme qui permettrait de protéger l’industrie, l’agriculture ainsi que les salaires européens. Arnaud Montebourg est aussi connu pour sa défense du made in France  : il précise donc qu’il est prêt à payer les amendes imposées par la Commission européenne pour toutes les politiques économiques qu’il mènerait pour protéger et relancer l’industrie française.

Sur le plan financier, les politiques d’austérité et de déflation auraient une nouvelle fois fait la preuve de leur inefficacité. Au contraire, les politiques de relance (aussi appelées politiques keynésiennes) permettraient de faire redémarrer la croissance et la consommation – et par conséquent de réduire le chômage – grâce à l’investissement préalable des pouvoirs publics dans l’économie. Or une politique keynésienne passe d’abord par une augmentation des dépenses publiques et donc une augmentation du déficit. Pour cela, Arnaud Montebourg souhaite demander un mandat de dépassement pour que la France puisse s’affranchir des règles budgétaires et monétaires prévues dans les traités européens, notamment la règle du 3% de déficit public, avant même la signature d’un potentiel nouveau traité.

Sur le plan écologique, l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe, sur les produits importés, permettrait d’élever les standards de protection de la planète et de favoriser les entreprises européennes plus respectueuses de l’environnement. Benoît Hamon ne s’est pas exprimé récemment sur le sujet, mais il est à noter qu’il était contre la taxe carbone telle que pensée par Nicolas Sarkozy en 2009.

Sur le plan social, l’Europe doit devenir solidaire. Une première mesure consisterait à abroger ou, le cas échéant, à suspendre unilatéralement la directive européenne sur les travailleurs détachés (1996) : cette directive est souvent décriée dans les pays les plus avancés de l’Union européenne comme créant une concurrence déloyale au bénéfice des travailleurs européens les moins bien payés.

Ainsi Arnaud Montebourg veut refonder l’Union européenne à partir d’une démocratie enfin respectée, d’une politique économique protectionniste et d’une politique financière keynésienne à la faveur d’une union ambitieuse socialement et écologiquement. Sa candidature consiste par conséquent à promouvoir la France comme un acteur moteur et intransigeant de cette refondation. Toutefois, il est regrettable que Montebourg ne se soit pas plus prononcé sur les sujets d’actualités européennes, comme la crise des réfugiés ou les récentes tensions autour du CETA.

Benoît Hamon  : «  Si l’on veut sauver l’Europe, il faut la politiser d’urgence.  »

Benoît Hamon a été député européen (2002-2009), ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation (2012-2014), ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (2014) et il est actuellement conseiller régional d’Île-de-France et député des Yvelines. Au sein du Parti socialiste, il est entouré par les membres du courant «  Un monde d’avance  », notamment Henri Emmanuelli et Pascal Cherki. / CC Wiki - Marion Germa

Dans son discours de candidature du 28 août, Benoît Hamon s’affirme comme une personnalité favorable à l’Union européenne. Son constat est celui du processus de désintégration auquel fait face l’Union européenne – processus qui a débuté avec l’austérité imposée en Grèce et continué avec le Brexit. De manière plus originale, il en conclut : «  De quoi meurt l’Europe  ? De sa dépolitisation.  » Politiser l’Europe permettrait ainsi de nourrir les débats et d’assurer la démocratie. Les préférences collectives des peuples européens pourraient enfin être défendues, ce qui permettrait de promouvoir un haut niveau de protection environnemental, social et judiciaire dans tous les pays d’Europe. Dès lors, contrairement à Arnaud Montebourg, Benoît Hamon croit moins en une stratégie reposant sur le volontarisme de la France que sur la capacité de notre pays – et en particulier d’une gauche gouvernementale – à forger des alliances pour inverser les rapports de force actuels. Benoît Hamon propose six recommandations pour la réorientation de l’Union européenne.

Sur le plan social, qui est sa première priorité, le candidat regrette l’absence d’actions européennes. Il avait auparavant exigé la révision de la directive sur les travailleurs détachés, afin d’assurer la protection des travailleurs français. Il ajoute dorénavant que l’Union européenne devrait soutenir activement les économies altruistes (économie sociale et solidaire, mutualisme et économie collaborative notamment).

Sur le plan migratoire, les accords de Dublin (révisés en 2013) sont critiqués comme injustes et inefficaces  : ils doivent être révisés pour que la Grèce et l’Italie ne portent pas le fardeau administratif de l’arrivée des réfugiés et que la solidarité européenne soit enfin réactivée. Arnaud Montebourg considère, quant à lui, que l’accueil des réfugiés est nécessaire mais doit se faire sur la base du volontariat.

Sur le plan fiscal, l’impôt européen sur les sociétés doit émerger avec une assiette commune et un taux commun afin d’empêcher les grandes entreprises présentes en Europe de choisir le pays le plus avantageux fiscalement.

Sur le plan financier, le budget européen est critiqué comme étant ridiculement faible – il représente 1% de la richesse de tous les Etats membres avec 141,2 milliards d’euros pour les crédits de paiement en 2015 – ce qui empêche de mener de vrais politiques européennes et comme ayant un déficit déraisonnable. Ce qui signifierait implicitement que Benoît Hamon encourage l’augmentation des contributions des Etats membres pour financer une Union européenne ambitieuse.

Sur le plan budgétaire, si la règle des 3% de déficit public maximal ne devrait pas être perçue comme le cœur du problème, le candidat encourage à réviser en profondeur les critères de convergence afin qu’ils ne réduisent plus les marges de manœuvre des Etats membres et prennent en compte les actions sociales menées par les gouvernements.

Sur le plan politique, le candidat précise qu’il croit également en la possibilité d’une Europe plus resserrée, en particulier si l’Union européenne se révèle incapable d’évoluer. Cette alliance réunirait les pays qui souhaitent des standards sociaux élevés et la régulation des marchés financiers. Elle aurait néanmoins besoin «  d’un Parlement propre, d’un budget propre, d’une fiscalité harmonisée, d’une gouvernance spécifique, de frontières économiques qui régulent les échanges et protègent nos intérêts fondamentaux.  »

Ainsi Benoît Hamon croit en une Union européenne où les règles du jeu seraient révisées afin de faire enfin entendre les voix de gauche en Europe et offrir des options politiques aux citoyens. Une politisation de l’Union européenne permettrait par conséquent l’émergence d’une démocratie réelle et l’aboutissement d’une harmonisation sociale, fiscale et budgétaire protectrice des peuples européens. Toutefois, nous pouvons regretter le manque de vision politique globale de l’Union européenne.

Pour résumer ce face-à-face, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon apparaissent en accord sur les grandes lignes politiques concernant l’Union européenne  : ils souhaitent une Union européenne plus démocratique, plus sociale et moins libérale. Ils se sont ainsi tous deux prononcés contre le TAFTA. Néanmoins, les différences entre ces deux candidats à la primaire socialiste peuvent être d’importance. Arnaud Montebourg apparaît plus radical, en souhaitant un nouveau traité européen, et plus protecteur de la souveraineté nationale, en redonnant plus de pouvoirs à la France. Sa priorité est ainsi la relance de l’économie européenne par des politiques keynésiennes au niveau national. Benoît Hamon semble plus tempéré, en souhaitant des révisions des règles actuelles et une alliance des gauches en Europe, et également plus enclin à la régulation au niveau européen, en particulier dans les domaines économiques et budgétaires. Sa priorité est ainsi de convaincre les membres de l’Union européenne d’adopter un agenda politique plus à gauche. Le 22 janvier 2017, les électeurs de gauche, qui croient au projet européen mais sont sceptiques face à son positionnement actuel, auront le choix entre au moins deux candidats qui se seront prononcés sur ce sujet encore trop absent des débats politiques à la veille des primaires.

Vos commentaires
  • Le 2 novembre 2016 à 01:32, par Alexandre Marin En réponse à : Montebourg et Hamon : refonder une Union Européenne démocratique et sociale

    Montebourg pro-européen convaincu...on repassera.Sur ce sujet, il n’est guère mieux que Mélenchon. Les exemples cités par l’article montrent bien qu’il fait de l’UE et de la commission européenne le problème, et qu’il propose des solutions nationales pour remédier à ces problèmes causés par l’Europe. En conclure que l’Union est un bien précieux me semble manquer de cohérence, et donne de la crédibilité aux eurosceptiques.

    J’ose à peine relever les slogans clichés du type « libre concurrence à outrance » ou « contrôle des décisions de la BCE » (traduire : fin de l’indépendance de la BCE), quand on sait toutes les crises monétaires que la France a connu avant 1993 du fait de la dépendance de la Banque de France.

    Quant à la suspension unilatérale de la directive sur les travailleurs détachés, ça se passe de commentaire, la France nous protège une fois de plus contre l’Union européenne néolibérale et anti-sociale, au demeurant un bien précieux. En terme de ridicule, on fait difficilement mieux, d’autant que réclamer plus de démocratie européenne pour se réserver le droit de s’opposer unilatéralement aux décisions adoptées par la majorité (qui au Parlement et au Conseil est de droite), c’est pour le moins contradictoire.

    Le discours de Benoît Hamon est beaucoup plus cohérent, rationnel, et constructif. Bravo à lui ! Seulement, il a été un des eurodéputés les plus absentéistes du Parlement. C’est bien de faire des discours, mais c’est dommage de ne pas essayer d’améliorer les politiques européennes. Qu’a-t-il fait pour contribuer à politiser l’Europe et pour faire valoir sa vision quand il était élu à cette fin ? Pas grand chose, hélas !

    De ce point de vue, Guillaume Balas, bien que non candidat à la primaire, serait bien plus légitime à défendre la vision de Hamon car il se bat au sein du Parlement européen pour la mettre en oeuvre.

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