Plus que jamais, le Green Deal doit rimer avec participation citoyenne

Focus sur le « pacte européen pour le climat », proposé dans le cadre du Green Deal

, par Théo Boucart

Plus que jamais, le Green Deal doit rimer avec participation citoyenne
Le vice-président de la Commission européenne, en charge du Green Deal, Frans Timmermans, lors du live Facebook sur le pacte européen sur le climat, tenu le 4 mars à Bruxelles. Crédit : Union européenne 2020 – Service audiovisuel de la Commission européenne.

OPINION. La pandémie actuelle de coronavirus doit être une raison supplémentaire pour mettre en place le Green Deal européen, et en particulier sa dimension citoyenne, trop peu présente dans les politiques climatiques et environnementales en général.

Le 4 mars dernier, la Commission européenne a présenté l’initiative emblématique de son début de mandat : la loi climatique européenne. Pour rappel, cette « loi » est en réalité une modification d’un règlement de 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie pour intégrer l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050, une première mondiale pour une aire géographique si importante.

En décembre dernier, lors de la présentation officielle du Green Deal, la présidente von der Leyen l’avait comparé au « premier pas de l’Homme sur la lune » (« Europe’s man on the moon moment ») : la transition écologique et énergétique, ainsi que la lutte contre le changement climatique devaient être – enfin – des priorités absolues dans l’élaboration des politiques publiques européennes, ainsi que l’incarnation d’un nouveau projet européen, finalement en phase avec les aspirations citoyennes du XXIème siècle.

Un sondage Eurobaromètre effectué l’année dernière a montré que le changement climatique était une menace « grave » pour 93% des sondés. 79% d’entre eux le considéraient même comme une menace « très grave ». L’action législative des pouvoirs publics, ainsi que le développement des technologies propres, est également plébiscité pour lutter efficacement contre la menace climatique.

Hiérarchisation des priorités

L’UE et ses citoyens vont-ils alors oublier l’urgence du dérèglement climatique pour se concentrer uniquement sur la lutte contre la pandémie, puis sur la réponse à une crise économique qui s’annonce extrêmement sévère ? Certains thuriféraires du « business as usual », comme en Pologne, en République tchèque et ailleurs, veulent nous le faire croire, tout en nous incitant à enterrer le Green Deal et l’Accord de Paris sur la protection du climat.

L’action climatique de l’UE est néanmoins soutenue par une majorité de gens en Europe, mais également par les institutions européennes et les États eux-mêmes. Après l’annonce – fort légitime au vu de la situation – du Royaume-Uni de repousser la COP26, initialement prévue en novembre à Glasgow, la Commission européenne a rappelé qu’elle ne comptait en aucun cas « ralentir » son action.

Le Conseil européen a également demandé à l’exécutif européen de préparer « un plan de relance qui intègre les transitions verte et numérique ». Une douzaine d’États membres, dont la France et l’Allemagne, ont en outre déclaré dans une lettre commune que le Green Deal était central dans le plan de relance.

Même si la détermination semble toujours forte, le risque de « hiérarchiser les priorités » et de sacrifier les ambitions climatiques et environnementales européennes sur l’autel de la reprise économique à tout prix est réel. C’est pourquoi la pression citoyenne doit se poursuivre, qu’elle vienne des manifestations Fridays for future (même si elles ont bien du mal à se dérouler en ligne actuellement) ou de chaque personne qui a compris que la mondialisation néolibérale n’était pas compatible avec une quelconque ambition de protection du climat.

De l’union de l’énergie au pacte climatique européen : le citoyen au cœur des enjeux

La mobilisation des citoyens, en particulier des jeunes tout au long de l’année dernière, a peut-être permis la mise en place rapide du Green Deal européen. Même si l’objectif de la neutralité climatique a déjà été évoqué sous Jean-Claude Juncker, celui-ci est devenu le pivot de toute l’action d’Ursula von der Leyen.

Le jour même de la présentation de sa loi climatique, la Commission a lancé une consultation publique (qui se clôturera fin mai) sur le « pacte européen pour le climat », censé donner une voix à toute la société civile et à tous les territoires dans l’élaboration de la transition écologique en Europe. Ce pacte européen pour le climat doit être présenté fin 2020, un peu avant la COP26 finalement repoussée.

Dans sa communication sur le Green Deal, la Commission a enfin reconnu que « les événements politiques récents montrent que les politiques innovantes ne fonctionnent que si les citoyens sont pleinement associés à leur élaboration » en affirmant même que « les citoyens sont et doivent rester un moteur de la transition ». Une affirmation plus que bienvenue, étant donné l’intérêt de la population européenne pour ces enjeux typiquement transnationaux.

Le projet de la Commission se repose ainsi sur trois piliers : le partage d’informations et la sensibilisation de l’opinion publique aux enjeux climatiques et environnementaux ; la création d’espaces d’expression pour que les citoyens puissent présenter leurs idées, sur le modèle des dialogues citoyens en cours ; et l’encouragement des initiatives de terrain.

Il s’agit là d’un potentiel espace de co-construction des politiques climat-énergie entre les institutions européennes, les collectivités territoriales et les citoyens. La dimension participative, via des dialogues et des assemblées citoyennes, est absolument essentielle, à condition de bien l’intégrer dans les futures initiatives sectorielles.

La volonté d’inclusion des institutions européennes ne date cependant pas de cette année. La communication sur l’Union de l’énergie, début 2015, avait innové en voulant placer le citoyen européen au cœur des politiques climatiques. Un changement discursif appréciable de la part d’une institution qui avait la fâcheuse habitude de ne prendre les 500 millions de citoyens européens que pour des « consommateurs », s’agissant notamment de sa politique énergétique.

Si les implications concrètes du pacte européen pour le climat restent encore à définir, celui-ci représente une dimension essentielle à toute politique climat-énergie. Jusqu’à présent, le discours de la Commission s’est surtout distingué par la « suprématie technologique » de sa vision dans le domaine. L’aspect « social » de l’innovation énergétique est très peu abordé dans le travail institutionnel. Pourtant, l’innovation sociale est cardinale pour que les gens s’approprient la transition énergétique.

Nouvelle approche au niveau international

De la signature de la Convention-climat (connu également sous l’acronyme CCNUCC) en 1992 jusqu’à l’accord de Paris en 2015, les négociations climatiques onusiennes se sont caractérisées par une approche top-down : les politiques devaient être décidées durant les Conference of the Parties (COP) et les Meeting of the Parties (MOP) pour les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto, puis appliquées par les gouvernements, via des procédures propres à chaque pays.

Au vu du décalage abyssal entre les moyens employés par les institutions internationales pour combattre le changement climatique et la faiblesse des résultats concrets, une nouvelle façon de procéder était nécessaire. L’Accord de Paris a certainement été un tournant en préconisant une approche davantage bottom-up, tournée vers les initiatives locales et citoyennes, reconnaissant ainsi le caractère profondément démocratique que doit prendre la lutte contre le dérèglement climatique au niveau mondial.

Dans un article paru en 2012 et intitulé Politic of Climate Change. Equity and Justice in the global climate change debate, l’éminent scientifique bangladais Saleemul Huq se demande notamment quels intérêts les pays émergents défendent-ils en refusant obstinément toute politique ambitieuse de baisse des émissions de GES : ceux de l’infime classe riche, ou bien ceux de l’immense majorité pauvre de la population ? Pour répondre à cette question, un débat démocratique est nécessaire.

Cela souligne bien l’absence de la société civile dans la définition concrète des politiques climatiques mondiale, même en Europe et aux États-Unis. Le Green Deal européen, enrichi d’un pacte ambitieux pour le climat, devra ainsi exploiter toutes les possibilités offertes par la diplomatie européenne. L’action climatique extérieure de l’UE peut se targuer de quelques faits d’arme importants depuis le milieu des années 1990, en se positionnant pour une action ambitieuse et contraignante, souvent en opposition avec les États-Unis ou les pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde. Désormais, il semble nécessaire que l’Union intègre la dimension citoyenne dans sa diplomatie climatique et environnementale, en encourageant la pleine implication de la société civile mondiale dans le « régime climatique ».

Tout comme la pandémie de coronavirus, le dérèglement climatique est la menace transnationale par excellence. Tous deux nécessitent une action coordonnée à tous les niveaux, avec la pleine implication de la société civile.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom