PNR : faut-il choisir entre sécurité et liberté ?

, par Sarah Vanseveren

PNR : faut-il choisir entre sécurité et liberté ?
A la suite des attentats qui ont frappé la France cette année, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur français, a pressé ses homologues européens à entériner un accord sur le PNR européen, dossier qui traine depuis plusieurs mois sur la table des négociations. - Perrin JC (CC/Flickr).

Le terrorisme n’est plus une vague menace pour l’Union européenne. La France a été touchée de plein fouet en 2015, et de nombreux autres Etats membres sont sur les charbons ardents. La réponse à une menace globale et mouvante est sans aucun doute communautaire. Largement débattu depuis janvier 2015 : le PNR (Passenger Name Record) est sur toutes les lèvres des dirigeants européens. Le 4 décembre, ces derniers sont parvenus à un accord.

Le PNR et la lutte contre le terrorisme

Le PNR est présent au sein du processus législatif européen depuis 2011 déjà. PNR est l’acronyme de Passenger Name Record. Cela concerne des données récoltées par les compagnies aériennes lors de l’enregistrement ou la réservation des passagers. Le PNR est un leitmotiv ces derniers mois, car il est assimilé à un principe de lutte contre le terrorisme. En effet, le PNR permettrait d’identifier grâce aux données récoltées, des liens entre des personnes non-fichées avec le terrorisme et de suivre les itinéraires des personnes suspectées. La proposition de directive de la Commission européenne contraindrait dès lors les compagnies aériennes à fournir ces données aux Etats membres afin de lutter au mieux contre le terrorisme. Il s’agit de créer un fichier de voyageurs pour les vols à l’arrivée et à la sortie de l’Union, mais aussi pour les vols intra-européens. Aux Etats-Unis, un tel fichier a été mis en place suite aux attentats de 2001 et a, selon les autorités, permis d’identifier un tiers des terroristes potentiels.

La plupart des pays européens ont déjà mis en place un PNR national, comme c’est le cas pour le Royaume-Uni. Actuellement, pas moins de 16 pays européens ont décidé de collecter leurs propres données de PNR, selon Timothy Kirkhope, eurodéputé en charge de ce dossier au Parlement européen. La France a adopté récemment une législation pour contraindre les compagnies aériennes à transmettre les PNR.

Big Europe is watching you ?

Les enjeux essentiels du PNR concernent évidemment la protection des données personnelles et la liberté des citoyens. Il existe un certain nombre de blocages en Europe à ce sujet. Une soixantaine de données sont en effet inclues dans le PNR, et concernent aussi bien la date du voyage, l’itinéraire, les coordonnées, que le moyen de paiement.

Ainsi, la question de la protection des droits fondamentaux se pose de façon cruciale. La CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) s’est par ailleurs saisie de ce sujet. En 2014, elle a statué que la conservation généralisée des données à des fins répressives constituait une violation illégale des droits fondamentaux et de la vie privée. Cette infraction à la liberté et au choix de diffuser ou non les données personnelles est d’autant plus pertinente que le PNR ne permet pas d’éviter les attentats terroristes. Il est certes utile pour collecter davantage d’informations qui peuvent aider à lutter contre le terrorisme, néanmoins il ne constitue pas un outil fiable et en aucun cas le seul à devoir être mis en place. Cela ne sert en outre uniquement pour les voyageurs transitant par voies aériennes. Le PNR ne peut donc consister en la seule mesure adoptée pour répondre à la menace terroriste. Les aller-retour d’Abdelhamid Abaaoud entre l’Europe et la Syrie, non détectés par les autorités, ont cependant relancé l’urgence du dossier.

Timothy Kirkhope a justifié l’existence d’un PNR européen et la nécessité d’un cadre commun car sans ce cadre : « les compagnies aériennes ne savent pas bien comment traiter les données, et les passagers n’ont pas de droits européens clairs pour protéger les informations de réservation, telles que leur numéro de carte de crédit, le numéro de leur siège ou leur contact d’urgence ». Ainsi, un système commun présente l’intérêt de proposer une protection plus efficace, face au terrorisme comme à l’égard des données personnelles.

Une réponse européenne ?

La France, chef de file pour impulser un PNR européen, a fait une demande expresse à la suite des attentats du 13 novembre afin qu’une réunion du Conseil ait lieu afin de statuer sur le dossier. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur français avait en effet déclaré : « le PNR représente une urgence de sécurité collective ». Le 4 décembre, les 28 Etats membres sont finalement parvenus à un compromis. Il s’agit d’échanger les données entre tous les Etats membres.

Après des années de tractations, la commission Libertés civiles du Parlement européen avait déjà donné son accord à l’adoption du fichier en juillet dernier. Elle l’avait pourtant recalé une première fois en 2013. Mais quelques gages ont été apportés comme le fait de ne conserver ces données que quelques mois et de manière masquée. « Ces données doivent seulement être utilisées pour empêcher, détecter, enquêter et poursuivre en justice » des actes de terrorisme et des crimes transnationaux, établit le texte amendé et adopté par les eurodéputés.

En effet, le point d’achoppement concernait les délais accordés afin de consulter les données « sensibles » avant de les masquer. La France demandait un an, le Parlement européen restait intransigeant sur la durée de six mois. Le consensus entre les 28 ministres de l’Intérieur a finalement établi un délai de six mois. Le compromis, qui visait à soulever les difficultés pointées par le Parlement européen affirme par ailleurs que tous les vols intra européens seront concernés, et pas seulement ceux qui sortent ou entrent au sein de l’Union européenne. Enfin le consensus établit également que la libre-circulation au sein de l’espace Schengen devra être préservée. L’accord au sein du Conseil ne signifie pas sa mise en œuvre immédiate. La commission parlementaire concernée doit se prononcer dessus courant décembre, avant un vote en plénière début 2016. La directive devra être ensuite transposée par tous les Etats membres dans un délai de deux ans.

Les contrôles à l’extérieur et à l’intérieur de l’Union sont globalement remis en question. Le PNR en est une émanation. S’il ne permet pas de manière certaine de lutter contre le terrorisme, il n’en constitue pas moins un défi pour les Etats européens, afin de parvenir à un accord qui concerne l’Europe entière. En outre, une réponse européenne pourrait être plus efficiente pour les citoyens en leur accordant certaines garanties. L’enjeu est bien évidemment de protéger malgré tout les données personnelles, qui restent le point négatif d’un tel système de surveillance.

Retrouvez en ligne le Hangout des Jeunes Européens Fédéralistes sur les mesures que doit prendre l’Union européenne face à la menace terroriste.

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