Pologne : Une coalition europhile contre le gouvernement eurosceptique

, par Alexis Vannier

Pologne : Une coalition europhile contre le gouvernement eurosceptique
Source : Flickr / RP Plateforme Civique Grzegorz Schetyna, leader de la Plateforme Civique, lors du Congrès de son parti en septembre 2011.

La violence semble infuser la scène politique polonaise depuis quelques mois, notamment au travers des menaces régulières et répétées contre l’État de droit perpétrés par le gouvernement de Mateusz Morawiecki et de son prédécesseur Beata Szydło depuis 2015 et dénoncés par les autorités européennes mais aussi par le meurtre brutal du maire de Gdańsk Paweł Adamowicz le 13 janvier dernier. C’est en suivant un esprit d’unité que six partis ont décidé de former une coalition pour les élections européennes de mai prochain.

Le parti Droit et Justice (PiS) en ligne de mire

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le parti Droit et Justice (PiS) national-conservateur et eurosceptique s’est évertué à réformer en profondeur les institutions du pays et notamment les instances judiciaires. Néanmoins, parce qu’il existait des risques quant à l’indépendance des juges de la Cour constitutionnelle, les autorités européennes ont décidé d’enclencher la procédure de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne, visant à suspendre le droit de vote de la Pologne dans le processus décisionnel européen en raison de menaces substantielles à l’État de droit. De plus, des réformes restreignant drastiquement l’avortement adoptées en 2016 et en 2018 ont déclenché une vague de protestation à travers le pays.

Selon le rapport de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE), le niveau de vie continue d’augmenter dans le pays, la croissance du PIB à 3,8% et le taux de chômage sous la barre des 5% en 2018 n’ont rien à envier aux niveaux que l’on observe en France par exemple. C’est grâce à cette bonne santé économique mais aussi au face à face musclé entre Varsovie et Bruxelles que le gouvernement de droite continue de bénéficier du soutien d’une bonne partie de la population polonaise. À l’inverse, les partis traditionnels, comme partout ailleurs en Europe, peinent à se faire entendre et à reconstruire une base électorale et idéologique solide. La Plateforme civique (PO), principal parti d’opposition a perdu 64 députés lors des élections législatives en 2015, la Gauche unie a même disparu de la Diète polonaise. Néanmoins, nous pouvons observer que les élections européennes de mai prochain servent d’ores et déjà de catalyseur pour une reconfiguration des partis et du paysage politique en Pologne.

Une coalition pro-européenne en opposition

Pour renforcer leur poids contre la coalition gouvernementale menée par le PiS, regroupant deux autres partis chrétiens-conservateurs et eurosceptiques (Pologne solidaire et Alliance), cinq partis allant du centre droit à la gauche de l’échiquier politique ont décidé d’unir leurs forces et de créer une coalition pro-européenne en vue des élections de mai 2019. Cinq partis politiques ont ainsi répondu à l’appel de Grzegorz Schetyna, leader de la Plateforme civique, pour créer la Coalition européenne (KE). Les Verts (Z), le Parti paysan polonais (PSL, agrarien de centre-droit), le libéral Moderne (.N) et l’Alliance de la Gauche démocratique (SLD) ont rejoint la Plateforme civique pour construire cette alliance.

Appelé à rejoindre la coalition, le nouveau parti Printemps (Wiosna) a cependant décliné l’invitation. Ce mouvement, véritable OVNI en Pologne, a été créé au début du mois de février 2018 par Robert Biedroń, premier homme politique polonais ouvertement homosexuel. Il se propose de sortir du charbon, défend les droits des personnes LGBT, milite pour l’extension du droit à l’avortement, et lutte contre la toute-puissance de l’Église notamment à l’école, dans un pays où plus de 90% des habitants se revendiquent catholiques.

Si un récent sondage place la Coalition européenne en tête devant la coalition gouvernementale, certains exemples, polonais ou d’ailleurs, viennent prouver l’efficacité de larges alliances contre un parti au pouvoir. Ainsi, le 21 octobre dernier, la Plateforme civique s’était alliée avec le parti Nowoczesna pour les élections locales. Même si le PiS au pouvoir a remporté ces élections, la coalition menée par la Plateforme civique a gagné les villes de Varsovie et de Gdańsk ainsi que plusieurs autres régions. Le PiS n’est donc pas imbattable et une coalition menée par l’opposition peut accéder à certaines victoires locales.

Incertitudes quant au positionnement au sein du Parlement européen

Néanmoins, comme toutes les coalitions de partis constituées à l’occasion d’une élection précise, la Coalition européenne polonaise pose deux questions de taille. Premièrement, celle du programme et deuxièmement, celle de l’affiliation à un groupe politique au sein du Parlement européen. En effet, si les partis de la coalition partagent un attachement à la question européenne, leur sensibilité sur les thèmes de politique économique par exemple divergent. Cette coalition, si elle est cohérente par rapport à son objectif pro-européen et d’opposition au parti ultraconservateur au pouvoir, démontre néanmoins des faiblesses politiques : puisque non homogène sur les questions d’économie par exemple, elle illustre une certaine absence de cohésion de tous les partis présents actuellement au Parlement européen. En effet, après les élections, les partis formant la coalition auraient alors à se diviser entre plusieurs groupes politiques présent au sein du Parlement Européen. A titre d’exemple, la Plateforme civique est aujourd’hui membre du Parti Populaire Européen (PPE), alors que l’Alliance de la Gauche démocratique est affiliée au Partis Socialiste Européen (PSE).

Cette Coalition européenne, illustration plutôt baroque de regroupement de partis politiques, est bâtie pour faire reculer le gouvernement conservateur en Pologne et insuffler une nouvelle dynamique nationale d’opposition. Néanmoins, le mystère reste entier concernant son action future au sein du Parlement européen.

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