« Pour une Europe de la ruralité » : Karine Gloanec Maurin, une élue du territoire

, par Alexis Vannier

« Pour une Europe de la ruralité » : Karine Gloanec Maurin, une élue du territoire
Photo : DR

Karine Gloanec Maurin n’est pas une inconnue du Taurillon. En mars 2014 à l’occasion du scrutin européen, elle est interviewée alors deuxième tête de liste du Parti socialiste dans la circonscription Massif central-Centre notamment sur l’avenir de l’Union européenne mais également l’Europe des régions, véritable moteur de son engagement politique. Bien implantée au niveau local, Karine Gloanec Maurin est conseillère municipale depuis 1995 de la commune de Saint-Agil, devenue Couëtron-au-Perche après une fusion en 2018, vice-Présidente de la région Centre-Val de Loire de 2010 à 2015, députée européenne donc de 2018 à 2019, présidente de la Communauté de Communes des Collines du Perche élue en juillet dernier et membre du Comité européen des Régions depuis cette année. Cet organe de l’Union européenne est composé de représentants de toutes les régions de l’UE et est régulièrement consulté par la Commission et le Parlement dans l’élaboration de certaines décisions en rapport avec la politique locale. Mme Gloanec Maurin fait notamment partie de la commission Ressources naturelles, et ce n’est pas un hasard…

Le Taurillon : Comment la ruralité est-elle traitée par les institutions de l’Union et notamment via le Comité des Régions ?

Karine Gloanec Maurin : L’agriculture est apparue très tôt dans les politiques prioritaires menées par les Communautés européennes. Sous l’impulsion française notamment, la Politique agricole commune (PAC) s’est donnée véritablement les moyens de ses ambitions en soutenant un secteur soumis à une concurrence féroce, par la régulation avec l’objectif premier d’assurer un revenu aux agriculteurs. Ces dernières années, après la réforme profonde de 2013, la réflexion s’est amplifiée pour rendre la PAC compatible avec les enjeux actuels et notamment le climat.

Mais quand on évoque la ruralité, on ne saurait se limiter à l’agriculture. Évidemment, ce secteur participe largement à l’activité économique de nos régions mais ce n’est pas la seule question sur laquelle les pouvoirs publics doivent s’impliquer. La crise du coronavirus nous a d’abord montré, notamment, que la vie en milieu urbain présentait ses limites (concentration et surpopulation). L’obligation de confinement a révélé le rôle essentiel des circuits courts dans l’alimentation. La ruralité a besoin d’un soutien massif pour le maintien et le développement des services publics et commerciaux aux habitants et à ceux qui envisagent de venir y habiter. Le Comité des Régions, présence des acteurs politiques locaux à Bruxelles est essentiel pour faire entendre la voix de la ruralité auprès de la Commission comme auprès du Parlement, qui ont l’obligation de le consulter pour toute politique européenne concernant les territoires.

Quelles actions les autorités politiques européennes entreprennent pour aider au développement de la ruralité ?

La déclaration de Cork 2.0, signée en 2016, regroupe les principaux chantiers des autorités européennes concernant la ruralité. Avec des grands objectifs acclimatés au milieu rural comme la préservation de l’environnement, la viabilité et la vitalité, la gestion des ressources durables, la stimulation de l’innovation ou encore la promotion d’une gouvernance plus directe. Cette déclaration doit devenir maintenant la base de directives ou de règlements européens et de financements concrets.

Le fonds FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) est chargé de soutenir des initiatives comme la création d’une entreprise, le développement d’un site touristique dans les milieux ruraux, notamment via le programme Leader (Liaison entre actions de développement rural).

Le Comité des Régions s’exprimera très prochainement sur la revitalisation et les aménités rurales. Un rapport est en cours de rédaction qui proposera comme je le soutiens une ruralité dynamique et accueillante. En tant qu’eurodéputée, j’ai portée très activement au sein de la commission AGRI au Parlement européen l’idée d’une nécessité d’un soutien particulier aux territoires ruraux.

Pensez-vous que la crise sanitaire aura un impact durable sur nos modes de vie ?

Le confinement a été une expérience collective d’isolement physique inédite. Soudain, la liberté de se déplacer hors de son domicile a été très encadrée, ainsi beaucoup de gens se sont trouvés dans l’impossibilité de travailler. Nous avons été bousculés dans nos habitudes, sortir faire des courses est devenu un parcours du combattant à grands coups de gants et de masques, et il faut saluer tous les citoyens qui ont compris et acceptés toutes ces mesures.

Alors, les petits magasins de proximité et surtout les producteurs locaux ont bénéficié de la limite des déplacements, c’est un sujet à méditer. Comme les questions liées à la pollution qui ont un temps trouvé des réponses insuffisantes mais concrètes : pendant des semaines, de nombreux consommateurs n’avaient plus besoin de la tomate espagnole ni même de l’orange péruvienne ou chinoise. Les transports maritimes et aériens (longs et polluants) ont été court-circuités par les circuits courts. Je souhaite sincèrement que cet épisode inédit ne nous permette pas de revenir au monde d’avant, même si, on peut le constater, les logiques de profit reprennent vite le dessus.

"Je souhaite sincèrement que cet épisode inédit ne nous permette pas de revenir au monde d’avant"

De plus, les habitants des zones urbaines ont dû faire face à cette crise dans des conditions encore plus difficiles puisque enfermés la plupart du temps dans des appartements sans accès extérieurs. La vie à la campagne a été débarrassée des préjugés sur un isolement social, technologique et culturel, fatal dans l’espace rural. Le bond de ventes immobilières en dehors des grandes villes est la preuve que vivre en milieu rural est non seulement possible mais attractif.

En tant que conseillère municipale d’une commune rurale, que faites-vous pour redynamiser ces milieux très éloignés de Bruxelles ?

Je suis conseillère dans la commune nouvelle de Couëtron-au-Perche, dans le nord du Loir-et-Cher, et depuis un an, l’équipe municipale, accompagnée par des acteurs de la vie locale (artiste, médecin, artisan, agriculteurs…) nous travaillons sur le concept « Hacker un Village ». C’est un projet qui s’insère dans la redynamisation des territoires ruraux, en effet, nous sommes déterminés à ne pas subir les affres de la désertification induit par une démographie en berne et qui ont des conséquences lourdes sur la vie économique du village.

Une grande enquête auprès des villageois a eu lieu pour identifier les besoins du quotidien, ainsi qu’une sensibilisation particulière des enfants de l’école primaire amenés, eux aussi, à réfléchir au visage de leur village idéal. De plus, une série de rencontres a été organisée avec les agriculteurs et artisans commerçants du village, mais aussi certains responsables locaux. Nous avons également prévu des réunions avec des organismes publics pour expertiser les logements vacants. Dans un contexte de crise sanitaire et de confinement, les habitants des zones urbaines densément peuplées réfléchissent actuellement à réinvestir les campagnes. Nous souhaitons donc être prêts à les accueillir en leur présentant des logements qui répondent à leurs envies avec une réflexion qui sera déployée à propos de l’optimisation énergétique.

Avant le lancement d’une grande campagne marketing et de communication pour faire connaître le village et ses atouts autour d’un message simple « Couëtron-au-Perche cherche 100 nouveaux habitants », c’est toute une réflexion qu’il s’agit de mener tant dans les domaines de la mobilité, de l’économie, de la connectivité, de la gouvernance publique etc. comme du logement. Le groupe Immobilier est chargé de référencer l’ensemble des logements vacants et de prendre contact avec leurs propriétaires afin de connaître leurs intentions et les convaincre de vendre ou de louer leurs biens. Nous souhaitons en outre encourager la rénovation de logements dans une optique d’optimisation énergétique. Celle-ci est devenue un véritable enjeu dont les pouvoirs publics se saisissent depuis peu et qui séduit les nouveaux acheteurs d’un point de vue financier mais également environnemental.

Depuis juillet dernier et mon élection à la présidence de la Communauté de Communes des Collines du Perche et en concertation avec mes collègues maires de communes je veux porter un projet en ruralité solidaire et partagée en promouvant le tourisme et en continuant de soutenir le tissu économique bien implanté sur le territoire.

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