Le weekend dernier, les dirigeants de seize pays européens se sont retrouvés à Bruxelles pour tenter d’apaiser les tensions au sein de l’Union. Ce mini-sommet européen, convoqué sur demande de Jean-Claude Juncker, n’a pourtant pas rempli sa mission : l’absence de plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) n’a que mis en évidence l’impossible défi, ou plutôt l’absence de volonté d’entente commune en ce qui concerne la gestion des flux migratoires. Des propos échangés entre les représentants italiens et français ont également entaché les relations diplomatiques. Tous s’accordent pourtant sur le besoin de renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne et qu’il s’agit ici d’une question pleinement européenne.
Ces difficultés persistantes ces dernières années témoignent de l’inadaptation du fonctionnement actuel à relever le défi, à ce que les États membres s’accordent ensemble à une gestion commune et non-hystérisée de la politique d’accueil et d’immigration européenne. C’est pourquoi nous avons besoin d’une politique fédérale d’immigration. Elle n’est pas seulement souhaitable, elle est devenue indispensable...
Pour permettre une politique cohérente et digne
La politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures est une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres, dans le respect du principe de solidarité. Pourtant la situation des personnes migrantes, et l’absence de gestion solidaire entre les pays européens suscitent certaines inquiétudes. Les États membres, préférant refuser les propositions de la Commission européenne, ne mettent pas en place une politique commune. Ils instaurent un mécanisme du « chacun pour soi » et des relations bilatérales visant à externaliser le contrôle des frontières européennes via la création de hotspots. Il en va de la responsabilité collective de l’Union que cette politique devienne enfin cohérente, par une prise en charge des demandeurs d’asile digne et dans le respect des droits fondamentaux et du droit international.
Pour sauver l’espace Schengen
La crise politique actuelle enclenchée par cette impossibilité d’entente entre les chefs d’État et de gouvernements n’est pas viable sur le long terme. Les visions égoïstes et auto-centrées sur leur propre pays dénotent avec un fait réel et inévitable : l’espace Schengen est en effet un espace unique de libertés et de circulations avec des frontières communes, les frontières européennes. La situation actuelle est effectivement risquée en ce que l’on constate un rétablissement des frontières intérieures étatiques par les autorités nationales, mettant en péril l’espace Schengen. Une gestion fédérale des frontières européennes, par la mise en place de garde-côtes et garde-frontières européens serait davantage efficace.
Pour éviter des règles hétérogènes et un droit inégal
La politique en matière d’asile et d’immigration étant une compétence partagée, l’Union et les États peuvent légiférer en la matière. Cela n’est pas sans poser quelques problèmes d’un point de vue d’uniformité du droit ou de sécurité juridique. Mais il s’agit également d’envisager des contradictions préjudiciables entre le droit national et le droit européen, à l’image de la récente loi asile immigration française.
De même, si les perspectives à venir sont peu réjouissantes, la réforme du système d’asile européen, et notamment le très controversé système Dublin, est inévitable. Qu’il s’agisse du respect du principe de solidarité entre les États membres, ou du principe d’égalité, ou tout simplement du bon sens, le règlement Dublin n’est pas viable. Les tentatives de relocalisation se sont montrées inefficaces, et il s’agit aujourd’hui de trouver un mécanisme égalitaire nouveau : une gestion fédérale par une administration fédérale du traitement des demandes d’asile et de l’accueil des personnes.
Pour préserver l’Union européenne
L’Europe se fracture sur cette question migratoire. Les pays d’Europe centrale et de l’Est n’acceptent pas une politique européenne de gestion des migrations, considérant une société cosmopolite comme une menace à leur identité nationale et culturelle. L’Autriche, et désormais l’Italie sont dirigées par des gouvernements anti-immigration refusant un « diktats » de Bruxelles. Si l’Union européenne souhaite survivre à de telles tensions, il apparaît nécessaire d’apporter une certaine cohérence à l’espace européen par une politique fédérale en matière d’asile, d’immigration et de contrôles aux frontières européennes. Déposséder les États membres de ces compétences semblerait être l’unique solution viable et cohérente à la résolution, non pas de la crise migratoire, mais de cette crise politique qui s’éternise au sein de l’Union européenne.
Il y a cependant un problème : l’attribution d’une telle compétence exclusive à l’Union européenne relève du pouvoir des États membres... pas sûr qu’ils acceptent le saut fédéral en la matière. Seul l’avenir nous le dira, mais il sera intéressant de suivre avec attention les débats et les résultats de ce que sera le Conseil européen de ce jeudi.
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