Le programme européen de François Fillon
Le candidat en tête François Fillon a derrière lui un passé d’eurosceptique (allié de Philippe Séguin contre le traité de Maastricht) dont il ne fait pas mystère sur son site de campagne. Sa dernière anicroche avec l’Union Européenne date de 2006, lorsqu’il a critiqué le veto de Bruxelles à son projet de baisser la TVA dans la restauration alors qu’Alain Juppé n’a jamais mis en cause l’Europe.
Cependant, lorsqu’on rentre dans les détails des programmes, c’est moins simple. François Fillon n’est certes pas un européen de cœur et il insiste sur la nécessité de réaffirmer notre souveraineté vis-à-vis de nos partenaires, mais il fait des propositions concrètes pour réformer l’Union Européenne, qui la rendraient plus efficace et légitime aux yeux des européens.
D’abord, il propose de limiter l’immigration tout en restant dans l’espace Schengen, par une politique commune ambitieuse : triplement du budget de Frontex, reconduite aux frontières de l’Union des étrangers extra-européens criminels ou délinquants, et conditionnement de l’accès aux prestations sociales de chaque pays au bout de deux ans de présence sur le territoire sans infraction.
Ensuite, il propose de renforcer la puissance et l’indépendance militaire des pays européens grâce à une politique industrielle de l’armement à l’échelle de l’Union Européenne, et à la préférence communautaire. Le marché de l’armement étant particulier, nous ne sommes pas exposés à des représailles commerciales d’autres pays. Sur le plan économique, il annonce que l’Europe doit avoir une politique commerciale qui tienne mieux compte de la réciprocité des échanges, mais il va trop loin en proposant des mesures protectionnistes : il est normal d’imposer des mesures de rétorsion à des pays qui ne respectent pas la réglementation anti-dumping ou la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics, ce qui est d’ailleurs prévu par les règles de l’OMC. En revanche, demander la réciprocité en matière de respect des normes environnementales et sociales de nos partenaires commerciaux conduirait à imposer des droits de douane à tous les pays d’Asie hors Japon, un peu comme le propose Donald Trump, ce qui serait totalement irréaliste, et aucun de nos partenaires européens n’accepterait, fort heureusement, de nous suivre.
François Fillon propose en outre de doter la zone euro d’un directoire politique composé des chefs de gouvernement et présidé par l’un d’entre eux, et de créer un secrétariat général de la zone euro complètement autonome de la Commission qui assurera le suivi et la gestion de la zone économique. Cette réforme pourrait être intéressante à condition qu’il soit nommé par le Parlement européen. Seule vraie institution démocratique commune à l’Union, il est le plus légitime pour choisir l’embryon de pouvoir exécutif que serait ce secrétariat général. Fillon défend aussi l’idée d’une convergence fiscale entre les pays européens, qui permettrait à terme de mettre en place un Trésor européen avec une mise en commun des dettes. Si l’Europe fédérale est très éloignée de ses préoccupations, force est de reconnaître que ces propositions font concrètement un pas dans son sens.
En revanche, certaines de ses idées sont préoccupantes, car elles remettraient lourdement en cause l’intégration européenne. La première serait de revoir le rôle de la Commission européenne et de circonscrire son pouvoir de décision à quelques domaines fondamentaux. En soi l’idée n’est pas mauvaise, parce que la Commission manque de légitimité démocratique, mais il ne prévoit pas de transférer ce pouvoir au Parlement ou à un gouvernement européen élu. Il veut juste revenir en arrière pour le rendre aux états membres. Il pense aussi qu’il faut tenir tête aux autres pays européens quand une décision qui nous convient pas (par exemple concernant les sanctions contre la Russie), faisant fi du consensus au sein de l’Union. Qu’il faille essayer de convaincre nos partenaires ou la Commission de revenir sur une décision qui nous nuit peut parfaitement se comprendre, mais les ignorer en cas de désaccord, c’est déconstruire l’Europe.
François Fillon pose un autre problème à l’Union Européenne, au niveau des valeurs. Son programme est explicitement discriminatoire envers les homosexuels, auxquels il veut interdire l’adoption plénière. Même l’adoption simple ne pourrait se faire qu’après la décision d’un juge qui statuerait « dans l’intérêt de l’enfant ». Quant à la PMA, elle ne serait autorisée que pour les couples hétérosexuels. De telles options seraient discriminatoires, elle pourrait d’abord être annulée par le Conseil Constitutionnel, ce qui forcerait Fillon à renoncer à ses projets. Mais s’il les laissait passer, elles ne manqueraient pas d’être remises en cause par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Dans ce cas de figure, que ferait le probable président ? Refuser son verdict et passer outre ? La deuxième option est la plus probable, étant qu’il s’est clairement prononcé en meeting pour sortir de la CEDH. C’est proprement consternant !
Le programme européen d’Alain Juppé
Force est de constater qu’Alain Juppé, s’il est moins ambitieux pour réformer l’Union Européenne, respecte mieux ses valeurs. Il ne fait pas de propositions qui pourraient être retoquées par la CEDH, et ne remet pas en cause les pouvoirs des institutions européennes. On constate que les grandes orientations économiques et politiques concernant l’Europe de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac sont assez semblables à celle de François Fillon, quoique moins détaillées. Juppé critique moins l’Union Européenne, mais il ne montre pas non plus un intérêt particulier pour le sujet. Lors du dernier débat, le candidat a certes demandé à ce qu’on parle de l’Europe, mais il est resté dans le flou et en faveur du statu quo.
Mais c’était aussi une stratégie de campagne pour Alain Juppé : longtemps le favori des sondages, il a préféré camper sur ses positions et jouer la sécurité pour ne pas perdre une partie de son électorat. Stratégie qui a échoué.
Réactionnaire rigide ou partisan du consensus mou
Quelle doctrine anime François Fillon ? Un libéralisme hémiplégique, ambitieux sur le plan des réformes économiques, mais frileux sur les droits-libertés, bref, celle du parti de l’ordre. Dans les démocraties, la droite a certes du mal à exister en dehors de ce schéma, mais la fuite en avant dans le conservatisme, et surtout la dangereuse alliance avec la Manif pour Tous , est un danger pour la démocratie, parce qu’après la victoire il est presque impossible de se débarrasser de ces gens-là. Le parti Républicain des Etats-Unis a fait ce genre d’alliance au début des années 1980 avec Ronald Reagan, ce qui l’a certes aidé à faire passer ses réformes économiques, mais a conduit à un recul du droit des femmes et des minorités sous chaque mandat républicain jusqu’à maintenant. Même Donald Trump qui n’a aucune sympathie pour les fondamentalistes religieux ne peut s’en défaire : il est obligé de leur céder sur les droits des femmes et des homosexuels, s’il ne veut pas que le pouvoir législatif ne l’empêche de gouverner. La Pologne et la Hongrie ont déjà fait le choix d’un conservatisme intransigeant et souverainiste, également hostile à l’économie de marché. On peut légitimement penser que voter pour François Fillon renforcerait ce camp, ce qui nous éloignerait du fédéralisme et des valeurs libérales portées par l’Europe.
L’option Juppé serait-elle fondamentalement meilleure ? Il serait certes beaucoup plus conciliant avec l’Union Européenne, et plus en phase avec ses valeurs. Cependant, il est légitime de douter de sa détermination à réformer l’économie française pour la mettre au niveau de l’Allemagne, et ainsi pouvoir reformer un couple franco-allemand équilibré. Ce chiraquien, comme son mentor, est un partisan de la progressivité des réformes, du dialogue social, il refuse le passage en force, et il veut préserver les équilibres du modèle social français. Dans un pays d’Europe du nord où les partenaires sociaux sont raisonnables, on pourrait affirmer sans hésiter qu’il constitue un choix acceptable.
Mais la France est un pays différent de l’Allemagne, de la Suède ou du Canada. Le patronat comme les syndicats campent sur des positions irréconciliables. Le dialogue social est étranger à sa culture. Des millions de personnes sont susceptibles de descendre dans la rue pendant des mois, de bloquer les transports en commun, l’approvisionnement en énergie, peuvent même menacer de faire exploser des usines (menaces proférées en 1995), s’ils n’obtiennent pas gain de cause. De puissantes corporations défendent leurs rentes avec rage contre toute réforme économique. On se rappelle de Juppé, « droit dans ses bottes » mais qui avait fini par céder à la panique, en 1995. Sur ce plan, François Fillon apparaît comme le plus déterminé à mettre fin aux blocages économiques français, dont les contre-performances minent l’Europe, en déséquilibrant le couple franco-allemand.
Il n’est certes pas encore élu président de la République, ces derniers mois ayant montré que les sondages peinaient à cerner des électeurs devenus très volatiles. On pourrait donc assister, même si c’est peu probable :
– à un effondrement du FN qui ne serait plus au second tour de la présidentielle
– ou à la montée spectaculaire du candidat du PS, de Mélenchon, ou de Macron, qui se retrouverait alors face au FN.
Mais le candidat désigné par la primaire des Républicains a malgré tout de fortes chances de devenir le prochain président de la République. Dans ce cas de figure, gouverner en préservant le statu quo serait dangereux : il offrirait en 2022 la victoire sur un plateau à Marine le Pen, qui détruirait méticuleusement l’Union Européenne.
Le choix entre les deux finalistes de la primaire est cornélien pour les partisans de l’Europe fédérale. Aucun des deux candidats n’est satisfaisant. Mais comme le soulignait Machiavel : « En politique le choix est rarement entre le Bien et le Mal, mais entre le pire et le moindre mal ». A chacun en son âme et conscience de déterminer lequel des deux candidats représente le moindre mal.
N’oublions pas que le vainqueur aura en face de lui des candidats coriaces : un Juppé plus modéré ne laissera pas d’espace à Macron ni Bayrou, mais pourrait susciter un vote de rejet du système à la Trump face à Marine le Pen au second tour de la présidentielle ; en revanche un Fillon plus à droite redonnera un espace et une petite chance aux centristes et à l’extrême gauche, mais rassemblera mieux les électeurs face à la menace pour l’Europe que constitue le Front National.
1. Le 25 novembre 2016 à 13:58, par Bernard Giroud En réponse à : Premier tour des primaires de la droite et du centre : deux mauvais candidats pour l’Europe ?
Il faut bien reconnaitre qu’il n’existe pas une différence significative entre les deux candidats ; Ils ne parlent que très peu d’Europe : Un sujet mineur à leurs yeux ; ". Si l’on dit que gouverner c’est prévoir, ignorer que l’union a toujours fait la force c’est nous exposer à devenir des "marchepieds de l’histoire. Il faut bien reconnaitre qu’il y a un manque quelque part. Tous deux semblent bien petits.
De la place pour le FN ?
Son embrouillamini intellectuel sur le sujet économique ne peut satisfaire que les ignares, les orgueilleux, les paresseux ou des alouettes écervelées, toujours attirées par des miroirs du même nom. En effet comment imaginer que les moyens radicaux, les fanfaronnades verbeuses de leurs cerveaux à courte vue ne trouvent pas, en face d’eux, d’aussi faciles et simplistes illusionnistes du même niveau ? Un système (de la jalousie) à tourner en rond, à se taper sur la g…, laissant quelle place à l’inventivité ?
Le bon sens, le courage, l’inventivité, gardent donc toute leur place. C’est ici que les gens communs de qualité, de tous les jours et d’espérance interviennent : Ils sont partout au milieu de la masse et plus nombreux qu’on ne le pense.
Notre génération, un peu plus âgée, ne s’est pas assez préoccupée des fondamentaux du vivre ensemble, de règles assez simples et claires, souvent d’une juste logique plus ferme.
EX. On ne peut pas distribuer longtemps le produit que l’on a pas (ou l’emprunt que l’on contracte momentanément) ; De la même manière il est inadmissible que dans une distribution de moyens limités, une trop grande partie s’en aillent à la rente du capital ;Trop profiter ainsi du travail de l’autre, génère ainsi un moule du même acabit que celui qui ne veut pas « mouiller sa chemise » quand c’est le moment : la paresse !
Autre exemple : Qui garde sa porte ouverte à tous les vents ? Le fait-on pour son propre appartement, ou sa propre maison ? La vérité, c’est qu’il faut que chacun apprenne à maitriser son devenir ; Il n’est pas faux de dire "Aides-toi et le ciel t’aideras" ! C’est vrai aussi que la famille humaine est grande ; Le choix positif c’est donc de chercher à se comprendre.
Il n’y a donc pas de fatalité, ni de condamnation définitive pour personne, mais seulement un peu de bon sens et de calme à retrouver, pour redonner confiance aux talents de nombre d’entre nous et surtout à ceux de nos jeunes, qui ne demandent qu’à participer.
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