Décembre 1955. Le Real Madrid reçoit le Partizan Belgrade dans le cadre du match aller des quarts de finale de la Coupe des clubs champions européens (qui deviendra Ligue des champions lors de la saison 1991-1992). L’organisation de ce match est un tour de force, les deux pays n’entretenant aucune relation diplomatique depuis plus de 20 ans. Mais on finit par trouver un arrangement.
Cet exemple témoigne des possibilités du football de transcender les divisions issues de la politique internationale. Certes, les enjeux politiques ne sont jamais très loin et depuis l’entre-deux-guerres, le « people’s game » est investi par plusieurs gouvernements à des fins de diplomatie. Mais en parallèle de ce processus, une « diplomatie footballistique », développée par des acteurs du domaine (dirigeants d’associations nationales et de clubs, voire des journalistes) est progressivement mise en place.
Celle-ci prend une tournure nouvelle avec la constitution, en octobre 1954, de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Cette organisation a pour but essentiel de représenter le football continental au sein de la Fédération internationale de football association (FIFA) et de conduire des discussions autour de différentes thématiques relatives au football européen (télévision, calendrier, paris, etc..). Rapidement, l’UEFA va commencer à gérer l’organisation de compétitions pour les clubs (Coupe des clubs champions) et les nations (Coupe d’Europe des nations). Ces actions ont un grand retentissement en raison de la popularité, et de la médiatisation, du football. Surtout l’UEFA est composée d’une trentaine de pays. De fait, les tournois qu’elles proposent transcendent les barrières de la Guerre froide !
« UNE SOURCE D’INSPIRATION POUR AUJOURD’HUI ? »
Il va néanmoins falloir toute l’habilité des hauts dirigeants de l’UEFA pour limiter l’impact du contexte politique international sur ses activités. Équilibre des différentes forces au sein du comité exécutif, recherche d’une autonomie financière, siège placé dans un pays déclaré « neutre » (en Suisse dès 1960) sont des stratégies développées par l’élite dirigeante de l’UEFA depuis sa fondation. Dans l’ensemble, les tensions sont maîtrisées et il n’est dès lors pas usurpé de considérer l’UEFA comme une actrice de la coopération européenne, tant les échanges officiels qu’elle met en place vont plus loin que ceux effectués dans d’autres domaines. Cette situation se renforce durant les années 1960-70 avec la création de nouvelles compétitions européennes, dont plusieurs rencontres sont diffusées via les réseaux Eurovision (Ouest) et Intervision (Est) ce qui permet de convoquer, au même moment, des millions de personnes aux quatre coins de l’Europe.
Les membres de l’élite dirigeante de l’UEFA de l’époque ont donc réussi à s’accorder au-delà de leurs divergences politiques. Au regard des événement récents dus au COVID-19, qui révèlent un manque d’unité chez les acteurs du football européen, la diplomatie footballistique européenne aux temps de la Guerre froide, et la cohésion continentale qu’elle générait, devrait constituer une source d’inspiration pour les acteurs d’aujourd’hui.
Par Philippe Vonnard, Chercheur, Université de Lausanne (Suisse), un article initialement publié dans la revue numéro 49 de Sport et citoyenneté !
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