Pas moins de deux Commissaires européens (le Commissaire à la recherche Carlos Moedas et la Commissaire en charge des entreprises Elżbieta Bieńkowska), cinq membres du Parlement européen, quatre directeurs d’agences spatiales nationales et quatre PDG de l’industrie spatiale européenne, se sont donné rendez-vous lors de la conférence de l’Intergroupe Ciel & Espace du Parlement européen qui s’est tenue le 21 novembre 2017 à Bruxelles autour de l’intitulé « Quel futur pour la recherche spatiale en Europe après 2020 ? ».
La recherche spatiale est hautement stratégique pour l’Union européenne
Cette conférence a en premier lieu été l’occasion de relancer les réflexions sur le caractère hautement stratégique que recouvre la recherche spatiale pour l’Europe, tant pour assurer son indépendance vis-à-vis des technologies spatiales étrangères (principalement américaines), que pour stimuler la compétitivité de son industrie.
Bien que l’Europe compte parmi les plus grandes puissances du spatial, les positions de son industrie sur la scène internationale sont aujourd’hui fragilisées par le « New Space », mouvement apparu au Etats-Unis caractérisé par l’émergence de nouveaux acteurs issus du secteur des Technologies, de l’Information et de la Communication (incarné par Elon Musk ou Jeff Bezos) et par de nouvelles méthodes de production, principalement empruntées aux entreprises de la Silicon Valley, et dont les ventes sont dopées par la commande publique américaine.
Dans ce contexte, la recherche est un outil clé pour l’Union européenne : les investissements en R&D participent en effet à la mise en place d’une chaine d’approvisionnement industrielle compétitive, durable et indépendante capable de concevoir et de produire des systèmes spatiaux européens de pointe, et ainsi de s’affranchir de la dépendance à l’égard des technologies spatiales étrangères. Accentuer l’effort d’investissement en R&D tant du côté des acteurs publics que du privé ainsi que développer une politique de l’innovation ambitieuse, dans laquelle la prise de risque est perçue non comme un frein, mais comme moteur de l’innovation parait ainsi incontournable si l’Union souhaite rivaliser avec les grands champions du spatial.
Des messages convergents en vue de la préparation du 9ème programme-cadre pour la recherche et l’innovation
Dans le contexte de la préparation du 9ème PCRD de l’Union européenne après-2020 (suite du programme Horizon 2020), les discussions des panélistes ont donné un aperçu des réflexions en cours à Bruxelles sur le futur de la recherche spatiale en Europe.
Un consensus a notamment émergé autour de deux problématiques. La nécessité tout d’abord de maintenir une ligne budgétaire dédiée à l’espace (comme cela est le cas dans le programme Horizon 2020) ainsi que de la doter d’un budget approprié au soutien de la compétitivité de l’industrie spatiale européenne, de son indépendance technologique, et favorisant le développement d’applications et de services issus de la technologie spatiale. Egalement, dans un contexte de contraintes budgétaires, les intervenants ont souligné la nécessité d’accroitre l’efficacité budgétaire et d’optimiser l’impact des financements en RDT&I pour l’espace, notamment via le recours à des partenariats publics-privés. De nombreux soutiens se sont ainsi exprimés en faveur du projet pilote initié par le député européen Marian-Jean Marinescu, qui vise à définir et tester la faisabilité d’une Joint Technology Initiative (type de partenariat public-privé) pour la technologie spatiale en Europe dans laquelle l’industrie définirait des priorités de recherche et développement technologique qu’elle co-financerait au côté de la Commission.
Les prochains défis pour la recherche spatiale dans l’Union européenne
Malgré l’unité exprimée le 21 novembre 2017, il n’y a pour le moment aucune garantie que le 9ème PCRD accorde au spatial une ligne budgétaire dédiée et le financement souhaité.
La Commission, suivant les recommandations du rapport Lamy publié en juillet 2017, réfléchit effectivement à structurer le prochain programme-cadre de l’Union sous forme de missions de recherche et d’innovation, chacune élaborée pour répondre à des défis globaux (sociaux, économiques et environnementaux). Si cette approche a l’avantage de pouvoir mesurer plus facilement l’impact des projets de recherche et d’innovation sur la société et l’économie européenne, elle crée également le risque de « diluer » le budget accordé au spatial dans un ensemble de missions et ainsi de disperser les efforts de R&D, sinon même d’en ignorer des pans entiers, et notamment l’ensemble des développements concernant des technologies pour lesquelles la situation de dépendance est souvent critique (composants durcis, matériaux novateurs, modélisation de systèmes complexes, propulsion électrique, etc.)
Par ailleurs, le budget alloué au 9ème PCRD résultera de l’issue des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union après 2020 (programme fixant le plafond du budget de l’Union sur 5 ou 7 ans), dont une première proposition devrait être présentée en mars 2018 par la Commission. Or, dans le contexte du Brexit et de la possible diminution du budget européen (environ 15% de réduction du budget de l’UE est prévue sur 7 ans suite au départ du Royaume-Uni), et si les 27 ne parviennent pas à combler ce vide budgétaire, il n’est pas garanti que le budget accordé à la recherche spatiale soit à la hauteur des attentes exprimées lors de la conférence.
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