Faciliter le lancement d’une ICE
Le bilan de l’initiative citoyenne européenne est plutôt négatif et il est nécessaire de faciliter son processus de lancement. Depuis avril 2012, date de la mise en œuvre de l’instrument, seules 51 demandes d’enregistrement de propositions d’ICE ont été soumises. Pire encore, le succès de l’ICE a fortement diminué ces dernières années : 16 demandes ont été introduites en 2012, neuf en 2013, cinq en 2014 et deux seulement en 2015. De plus, sur les 31 initiatives enregistrées (20 demandes ont été rejetées « juridiquement inadmissible »), seuls 18 ont atteint la fin de leur période de collecte (10 ont été retirés avant la fin) et seules 3 initiatives ont atteint le million de signatures requises. Aujourd’hui, seule l’initiative « Right2Water » a suscité une réaction de la part de la Commission, mais elle n’a lancé qu’une consultation en vue d’une éventuelle révision de la législation sur la qualité de l’eau potable. Ce faisant, elle a en fait réitéré les engagements déjà pris.
Le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a lui-même annoncé le 11 avril 2017 la nécessité de réformer l’ICE. « Je veux le rendre plus accessible et plus proche des citoyens », a-t-il déclaré. De son côté, le Parlement européen estime que « la diminution considérable du nombre de nouvelles initiatives est l’une des conséquences des exigences disproportionnées et de la complexité inutile du système », ce qui devrait amener la Commission à prendre « toutes les mesures nécessaires pour promouvoir l’ICE et renforcer la confiance des citoyens » (Barbière, 2017). Le 28 octobre 2015, le Parlement Européen a adopté un rapport d’initiative à l’attention du Vice-président de la Commission Frans Timmermans visant à améliorer et faciliter l’utilisation de l’ICE par la société civile. Mais depuis lors, la Commission européenne a toujours refusé d’initier une révision du règlement européen, se contentant de la modification de certaines annexes du texte.
On peut toutefois noter plusieurs étapes cruciales qui doivent être entreprises pour encourager les citoyens à s’impliquer davantage dans la vie politique européenne. Tout d’abord, il s’agirait de simplifier et harmoniser la collecte de données à caractère personnel dans le but d’éliminer les obstacles pratiques au lancement d’une telle initiative. Le système actuel est extrêmement complexe, comme en témoigne Stanislas Jourdan, organisateur en France de l’Initiative citoyenne européenne pour un revenu de base inconditionnel qui a recueilli 300 000 signatures en Europe : « le système de collecte de signatures est un véritable cauchemar. Il s’agit d’un logiciel fourni par la Commission européenne qui propose un service d’hébergement gratuit, ce qui serait autrement très coûteux pour les organisateurs, mais la mise en œuvre de ce dernier reste très complexe, car il est nécessaire de respecter une charge extrêmement lourde (...) En fin de compte, la collecte des signatures n’a pu commencer qu’en mars, soit avec deux précieux mois de retard sur une période de douze mois pour recueillir un million de signatures. (...) De nouveaux problèmes sont apparus une fois que la campagne a été lancée. (...) En particulier, la différence entre les champs « citoyenneté » et « pays de résidence » n’était pas claire et empêchait tout simplement les citoyens de signer notre initiative ».
À la lumière de ce témoignage, on constate que l’unification des formulaires de signature, la liberté de choisir la date de début de la collecte du soutien et la simplification du système de collecte faciliteraient déjà beaucoup la récolte du nombre de signatures requis dans le délai imparti.
Deux mesures de simplification
Concrètement, les étapes à suivre pour mettre cela en œuvre sont très simples et consistent en deux mesures. Premièrement, la Commission doit continuer à négocier avec les États membres afin de réduire les exigences relatives aux formulaires de signature. Par exemple, en 2013, l’Espagne, l’Irlande, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie ont déjà décidé de supprimer les conditions de nationalité et de résidence permettant à leurs ressortissants résidant dans un autre État membre de signer une ICE, et inversement, d’autoriser les citoyens européens présents sur leur territoire à apporter leur soutien aux initiatives. Dans le même temps, la Commission doit donner la possibilité de stocker des signatures gratuitement sur ses serveurs, sur une base permanente, en utilisant les budgets existants au niveau de l’Union et sans exiger des organisateurs de l’ICE qu’ils disposent d’un logiciel de collecte en ligne et d’un fournisseur de services d’hébergement et qu’ils stockent les signatures récoltées et les données personnelles associées comme c’est actuellement le cas. Enfin, les initiateurs doivent pouvoir choisir la date de lancement de leur initiative et ne pas nécessairement commencer le jour de l’accord de la Commission.
Il faudrait aussi que la Commission européenne ait la possibilité, en cas de rejet du texte, de débattre des propositions formulées – qui reflètent néanmoins l’avis d’un million de personnes – ou même de proposer un contre-projet plus réaliste. Ou, comme le proposait déjà le Parlement européen, envisager la possibilité, lorsque l’initiative ne relève pas de sa compétence, de n’enregistrer qu’une partie de l’initiative ou même de renvoyer tout ou partie de l’initiative à l’autorité nationale compétente. Il serait également nécessaire que la Commission apporte une réponse plus simple et plus claire lorsqu’elle explique un refus opposé à une initiative. En effet, ces messages s’adressent aux citoyens et non aux experts en politique européenne.
Rétablir la confiance des citoyens
Cette simplification est extrêmement importante pour rétablir la confiance des citoyens dans l’Union européenne et dans leur capacité à influencer les décisions prises au sein de l’Union et à participer à sa vie politique. Les citoyens européens de France revendiquent donc aujourd’hui un référendum dans leur pays qui pourrait bien servir de tremplin à la révision de l’ICE au sein de l’UE.
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