Le projet de rapport Verhofstadt propose une série de mesures relatives aux pouvoirs des institutions et à l’équilibre entre celles-ci. Sur les 55 propositions présentées, 6 sont consacrées à ces sujets. Objectifs : se rapprocher du fonctionnement d’une démocratie parlementaire classique, augmenter le rôle du Parlement européen, rendre l’échelon européen plus indépendant des Etats.
Un droit d’enquête effectif pour le Parlement
La première proposition consiste à renforcer le droit d’enquête du Parlement européen. Le Parlement peut déjà créer des commissions d’enquête « chargées d’enquêter sur les infractions au droit communautaire ou sur les allégations de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union ». Le rapport propose désormais de permettre à ces commissions de convoquer des témoins, avoir accès à l’ensemble des documents qu’elles souhaitent ou de mener des inspections sur place. En clair, il s’agit de donner une véritable substance à ce droit d’enquête pour le moment peu efficient, ce qui permettra de renforcer le rôle du Parlement autant que d’augmenter la transparence et l’exemplarité de l’Union.
Budget : des ressources propres pour l’Union
La seconde proposition, probablement la plus emblématique, consiste à mettre en place des ressources propres pour le budget de l’Union européenne. Aujourd’hui, le budget européen, qui a le mérite d’exister, est abondé par les contributions des Etats. Les multiples dérogations accordées aux Etats rendent le système injuste et inefficace. De plus, les négociations pour les budgets aboutissent à des guerres de chiffonniers entre Etats qui ne grandissent personne et surtout pas l’Union européenne. Le rapport Verhofstadt n’est pas le premier à proposer cette évolution fondamentale pour un budget plus autonome, et ne propose pas de recette magique pour y arriver. Reste qu’un système de ressources propres renforcerait l’indépendance de l’échelon européen vis-à-vis des Etats, permettrait la mise en place de projets à long terme sans risque pour l’Union européenne de se voir couper les fonds en permanence et renforcerait la dimension politique des choix faits au niveau européen.
Budget : une prise de décision simplifiée
La troisième proposition consiste à mettre en place un système de prise de décision à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité pour le Cadre financier pluriannuel (CFP). Le CFP, établi pour 7 ans (actuellement 2014-2020), fixe les limites supérieures à ne pas dépasser pour le budget de l’Union. Pour établir ce cadre, l’expérience a montré qu’unanimité est synonyme d’inefficacité, rend les négociations très longues (2 ans et demi pour l’actuel CFP !) et laborieuses, et aboutit au final à une Europe minimaliste. Un système de décision à la majorité qualifiée pourrait permettre le vote d’un budget plus volontariste, témoignant de choix politiques, et de stopper la réduction par les Etats du budget de l’Union.
Budget : un contrôle a posteriori du Parlement
La quatrième proposition consiste à confier au parlement le rôle de donner décharge à la Commission et aux autres organes de l’Union européenne pour l’exécution du budget européen. Le contrôle politique (différent du contrôle légal) de l’exécution du budget rentre dans les attributions normales d’un parlement. Cette mesure renforcerait la transparence du fonctionnement européen et conforterait le rôle de la seule instance de l’Union directement élue par les citoyens, tout en permettant un meilleur contrôle des finances publiques.
Une procédure de carton vert pour les parlements des Etats
La cinquième proposition consiste à permettre aux parlements des Etats de présenter des propositions législatives au Conseil, via une procédure de carton vert. Le Conseil a pour rôle de représenter les Etats au niveau européen. Cette proposition peut permettre de rendre plus démocratique la représentation des Etats au Conseil. Elle constitue également une réponse aux tentatives des souverainistes de parasiter le Parlement européen via les parlements nationaux, en remettant clairement chaque acteur à sa place : le Parlement européen représente les citoyens et uniquement eux. Il s’agit donc avant tout d’une mesure pour améliorer le fonctionnement entre les Etats et leurs représentants au niveau européen... Qui ne peut donc pas faire de mal, mais représente un intérêt limité d’un point de vue fédéraliste.
« Remettre chaque acteur à sa place : les parlements nationaux doivent travailler avec la représentation de leur pays, c’est-à-dire avec le Conseil »
Un droit d’initiative législative pour le Parlement... Et le Conseil
La sixième et dernière proposition consiste à mettre en place un droit d’initiative législative pour le Parlement et le Conseil. Aujourd’hui, seul le Parlement dispose d’un droit d’initiative législative, limité. La mise en place de cette proposition permettrait d’aboutir au fonctionnement normal d’une démocratie parlementaire, ou les 2 chambres ont une fenêtre (limitée) d’initiative parlementaire, en complément de la fenêtre principale accordée à l’exécutif. Cette initiative permettrait de renforcer l’échelon européen, si elle est mise en place de manière à donner la priorité de cette initiative législative au parlement élu par les citoyens.
Vers une démocratie parlementaire européenne ?
Ces mesures proposées dans le projet de rapport Verhofstadt paraissent donc peu novatrices, d’une part en ce qu’elles sont déjà proposées par les fédéralistes, d’autres part en ce qu’elles proposent « simplement » de rapprocher le fonctionnement de l’UE de celui d’une démocratie parlementaire classique. Mais c’est bien ce classicisme qui fait leur intérêt. Ces propositions modérées, déjà éprouvées dans d’autres cadres, sont pour la première fois soumises en bloc au vote du Parlement, par le biais de l’ancien dirigeant d’un Etat de l’Union. Derrière un aspect relativement technique, le rapport propose un véritable bon en avant pour une Union plus démocratique et plus efficace.
Le vote du rapport par le Parlement ne constitue qu’une prise de position politique et ne permettrait pas à lui seul la mise en place des mesures proposées. Il est cependant très rare que le Parlement européen change d’avis une fois un rapport voté. Un vote positif légitimerait donc fortement ces propositions et permettrait de les diffuser plus facilement à la fois auprès des décideurs et des médias grand public. C’est pourquoi il doit être fortement soutenu par les fédéralistes.
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