Résolution 2014 : se doter d’une politique étrangère…

, par Antoine Evrard

Résolution 2014 : se doter d'une politique étrangère…

Qu’on le veuille ou non, l’année 2014 sera sous le signe de l’Europe. Elections obligent. Année charnière dans un contexte économique et social plus que délicat, avec une montée des tensions qui pourraient provoquer une forte poussée eurosceptique au Parlement européen. Parmi tous les dossiers sensibles, l’un d’eux, pourtant central pour la consolidation d’un ensemble cohérent et solide, passe souvent au deuxième plan : la politique extérieure.

Une politique étrangère commune a minima

En dépit des apparences, la politique étrangère existe. Si l’on se réfère aux commissions du Parlement européen, elle est composée de plusieurs volets : droits de l’homme, sécurité et défense, développement et commerce international. De fait, l’Union européenne est l’un des premiers contributeurs mondiaux en termes d’aides internationales et a mis sur place d’importants partenariats de coopération. Il en va de même avec le commerce : l’Europe est un espace ouvert sur l’extérieur, les échanges internationaux représentant environ un tiers de son économie.

Ces politiques ne confèrent pour autant pas une réelle influence internationale à l’Europe. Poids plume face aux Etats-Unis, la Russie ou la Chine, sans armée ni pouvoir de rétorsion conséquent, l’Union européenne apparaît le plus souvent en ordre dispersé lors des grands sujets internationaux. Impuissante dans le dossier syrien, dans la roue des Etats-Unis lors des discussions sur le nucléaire iranien, incapable de faire front face à Washington à la suite du scandale des écoutes, les Etats européens font, par choix ou par défaut, cavaliers seuls.

Les Etats membres en ordre dispersé sur la scène internationale

Ce phénomène est particulièrement criant concernant l’implication de l’Union européenne en Afrique. Au Mali, où la France s’est engagée en janvier 2013, la participation des autres Etats européens s’est réduite à un soutien logistique de la part du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Belgique et du Danemark. Il en va de même en Centrafrique, où une fois encore la France n’a pas attendu que l’UE décide d’envoyer un petit contingent de 500 hommes pour intervenir et restaurer l’ordre. De fait, nombreux sont les Etats membres à se montrer frileux sur le terrain militaire, pour différentes raisons économiques, historiques ou culturelles. Tandis que d’autres demeurent viscéralement attachées à l’indépendance totale de leur diplomatie.

Pourtant, de nombreux dossiers ne semblent pas susciter beaucoup de divisions parmi les Européens. La Syrie de Bachar al-Assad ne compte pas d’allié affiché parmi les 28 membres de l’Union. En outre, les capitales européennes ont unanimement condamné l’espionnage américain dont elles ont été victime, sans pour autant annuler, ni même reporter, le début des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis. Des camouflets qui égratignent un peu plus chaque jour la crédibilité de l’Europe sur la scène internationale. D’autant que sa Haute représentante pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, peine à acquérir l’envergure nécessaire pour ce poste stratégique.

Une politique de voisinage balbutiante

Concernant la politique de voisinage et la gestion de la sphère régionale d’influence européenne, le constat est sensiblement le même. Le cas de la candidature turque à l’entrée dans l’Union européenne piétine depuis 1987, alors qu’un accord d’association existe entre Ankara et Bruxelles depuis 1963. Aucune décision sur ce dossier ne devrait aboutir avant encore de nombreuses années, de nombreux Etats membres, dont la France, s’inquiétant des conséquences économiques, sociales et culturelles d’une telle adhésion.

Plus récemment, le cas ukrainien a, de la même manière, démontré la faiblesse de la diplomatie européenne, particulièrement face à celle du Kremlin. Les pourparlers avec Kiev, en vue de signer un accord d’association, ont duré plusieurs mois et devaient aboutir lors du sommet de Vilnius du 28 novembre dernier. Il n’en fut rien, Viktor Ianoukovitch reculant in extremis devant cette éventualité, sous la pression non dissimulée de Vladimir Poutine. Afin d’éviter des représailles commerciales et énergétiques, l’Ukraine a en effet tourné le dos à l’Europe pour ce qui aurait pu constituer un accord historique et une progression décisive de l’influence européenne à l’Est. Or cette influence, diplomatique, stratégique et culturelle, était manifestement trop faible pour faire le poids face au géant russe.

Moyen-Orient, Afrique, Etats-Unis, mais aussi frontières orientales et région méditerranéenne, où les naufrages de navires d’immigrants sont malheureusement appelés à se répéter : les défis sont nombreux pour la diplomatie européenne. Si des dossiers risquent de rester sans réponse en raison d’intérêts divergents entre les Etats membres, comme par exemple pour le degré de rigidité à adopter avec Washington ou d’ouverture offrir à la Turquie, d’autres pourraient être source de consensus. Intervenir conjointement dans des zones de guerre, comme en Centrafrique, ou maintenir une attitude ferme et unie face à la Russie sont des terrains d’intérêt commun en Europe. L’entretien d’un sentiment pro-européen des citoyens de l’Union passera également par le développement de positions fortes à l’international.

Vos commentaires
  • Le 23 janvier 2014 à 17:38, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Résolution 2014 : se doter d’une politique étrangère…

    « Des positions fortes à l’international », bien sûr !

    Et pourquoi pas de petits pas, d’abord, de petits signes d’espoir ?

    Comme, en période de crise, quand les budgets sont à la corde, des représentations diplomatique européennes en lieu et place des ambassades nationales ? Belgique et Pays-Bas explorent déjà cette piste !

    Comme aussi la création d’un siège européen aux Nations-Unies ? Après tout, Yalta, c’est loin !!! Et l’Afrique recevrait enfin un mandat au Conseil de sécurité !!!

  • Le 24 janvier 2014 à 10:41, par Ferghane Azihari En réponse à : Résolution 2014 : se doter d’une politique étrangère…

    La Politique étrangère est typiquement le genre de politique qui peut aider à réconcilier l’Union européenne et les peuples. Tous les eurobaromètres montrent en effet que les européens soutiennent massivement l’idée d’une politique étrangère commune développée.

    Le paradoxe tient à ce que, dans ce domaine, le scepticisme vient cette fois-ci de nos dirigeants encore trop nationalistes contrairement à l’opinion publique.

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