Simone Veil : la disparition d’un mythe

, par David Meyer

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Simone Veil : la disparition d'un mythe
CC Flickr / Gilles Couteau

Au-delà d’une voix, d’un visage, nous pleurons un mythe. Cette disparition nous touche au plus profond de nous car Simone Veil était notre conscience. Elle nous a transmis cette exigence si essentielle de la mémoire, de la liberté, de l’égalité et de l’espoir européen. Mais elle restera présente à jamais, car elle sera pour toujours un symbole et une part de notre imaginaire collectif.

Matricule 78651

Le 13 avril 1944, la jeune Simone Jacob est déportée au camp de concentration et d’extermination Auschwitz-Birkenau avec sa mère et sa sœur. Deux jours plus tard, le matricule 78651 est inscrit à jamais dans sa chair.

Survivante de la Shoah, Simone Veil se bat toute sa vie pour que vive la mémoire du génocide. Elle n’a jamais caché ce numéro inscrit par les nazis. Elle décide d’affronter le souvenir et de lutter contre l’antisémitisme. Cela l’amène à présider entre 2000 et 2007 la Fondation pour la mémoire de la Shoah. En 2010, elle grave sur le pommeau de son épée d’académicienne ce matricule mais aussi les flammes des fours crématoires.

Elle conserve, de cet épisode, une forte révulsion des totalitarismes et des embrigadements. Elle garde également une appétence folle pour la vie. En rentrant à Paris, elle devient magistrate et se consacre principalement aux détenus femmes. Elle y trouve la nourriture à sa profonde humanité et commisération. Puis en 1969, elle commence une carrière politique en intégrant le cabinet du garde des Sceaux, René Pleven. L’année 1974 est le tournant : elle accepte la proposition de Jacques Chirac de devenir ministre de la santé. Son sens de la compassion et de l’humain durant cette charge marque encore les français.

Le combat pour le droit à l’IVG

En 1975, Simone Veil défend la promesse du président Giscard d’Estaing de dépénaliser l’avortement. Ce combat marque sa vie mais aussi la France. Face à un parlement et à une majorité hostile, elle porte ce projet législatif avec dignité et pugnacité. Elle subit les pires insultes misogynes et antisémites mais elle attire aussi l’admiration.

Ce texte s’inscrit dans la suite de la loi Neuwirth autorisant la pilule. Finalement adopté grâce aux voix de gauche, il s’agit d’une grande avancée pour le droit des femmes. Désormais, les femmes sont indépendantes : elles disposent d’un procédé légal et sécurisé pour avorter mais elles sont aussi égales entre elles devant ce choix difficile quelle que soit leur condition sociale.

Symbole de progrès social, cette loi est marquée par le « féminisme pragmatique » de Simone Veil. Elle se bat pour l’égalité hommes-femmes, en constatant à la fois les différences et la complémentarité, tout en refusant la supériorité des hommes. Mais, ce temps si fort et si symbolique ne doit pas faire oublier le reste de son travail comme ministre de la santé. Elle défend durant les cinq années les lois sur les handicapés, l’adoption, le congé parental, l’humanisation des hôpitaux, les dons d’organe, la lutte contre le tabagisme, qui ont profondément marqué la France. Indépendante et radicale dans ses idées, Simone Veil ne fait pas de compromis car son « vrai combat, c’est l’égalité des pauvres et des riches contre la maladie ».

Un destin européen

Le destin de Simone Veil est lié à jamais à l’Europe. Pour le pire, avec l’abîme shoah où elle voit sa mère mourir dans ses bras mais aussi pour le meilleur. Elle incarne parfaitement l’idéal européen, celui de la paix.

En 1979, à la demande du président Giscard, elle mène la liste UDF pour les élections européennes. Elle devient à la suite la première présidente du parlement européen élue au suffrage universel. Guidée par la volonté de toujours renforcer le pouvoir européen, elle se démarque par son discernement et ses positions fédéralistes. Elle cherche à renforcer le pouvoir et la notoriété du parlement européen.

Si elle doit laisser la présidence du parlement en 1982, elle continue d’être députée jusqu’en 1993 au moment de son retour au ministère de la santé. Elle se bat durant cette période pour l’élargissement de l’Europe et pour créer des liens avec les pays voisins. Son appel en 1992 à une intervention militaire de l’Europe des 12 en Yougoslavie pour éviter un nouveau génocide a frappé les consciences. Cependant de cette expérience, elle garde un sentiment mitigé en raison du peu d’implication des politiques français.

Elle continue, au-delà de sa vie politique, à porter cette voix européenne. En 2005, malgré sa position de membre du conseil constitutionnel, elle s’exprime en faveur d’une Europe toujours plus forte et démocratique en appelant à voter oui au projet constitutionnel européen. En 2010, pour son entrée à l’Académie Française, elle fait graver la devise de l’Union européenne sur son épée d’académicienne. Mais surtout, comment oublier ses mots, quand elle confie au sujet de l’Europe en 2008 : "Quand je regarde ces soixante dernières années, c’est ce que l’on a fait de mieux".

Nous venons de perdre en ce 30 juin 2017 une mère : celle de l’Europe unie et politique mais aussi cette figure qui sait nous remettre à notre place lorsque nous perdons le sens des choses. « Votre sourire nous manquera. » [1]

Notes

[1Phrase prononcée par Valéry Giscard d’Estaing en 1979 quand Simone Veil quitte son poste de ministre de la Santé.

Vos commentaires
  • Le 18 juillet 2017 à 08:19, par En réponse à : Simone Veil : la disparition d’un mythe

    C’était une très grande dame, qui s’est battue pour les femmes, ce que je trouve dommage c’est que beaucoup de jeunes femmes n’ont pas connaissance des combats qu’elle a mené, faites un micro trottoir vous serez étonné !

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