Transformer le système des Nations- Unies

Esquisses pour un monde plus fonctionnel

, par Fédéchoses, Michel Herland

Transformer le système des Nations- Unies
Assemblée Générale de l’ONU (crédits UN Photo/Eskinder Debebe)

Dans cet article initialement paru dans le numéro 189 de la revue Fédéchoses, Michel Herland propose une critique de l’ouvrage Transformer le système des Nations- Unies – esquisses pour un monde plus fonctionnel de Joseph E. Schwartszberg, traduit par Troy Davis, aux éditions Presse Fédéraliste, Lyon.

Cet ouvrage publié originellement en 2013 sous les auspices de l’Université des Nations Unies à Tokyo vient d’être traduit en français grâce au concours des diverses institutions listées ci-dessous (White Bear Lake, WWT - New York La Haye, WFM / IGP, Tokyo, UN University, 2020), avec Presse fédéraliste comme maître d’œuvre. Quand on découvre ce gros volume à la typologie serrée, avec un appareil de notes substantiel, des cartes et des tableaux, la première impression est qu’il doit s’agir d’une étude destinée aux spécialistes. Il n’en est rien en réalité. Car il soulève une question que tout mondialiste conséquent devrait se poser : faire la fédération mondiale, OK, on est pour, mais concrètement qu’est-ce que cela veut dire ? Partant du principe que les pays existants ne disparaîtront pas d’un coup de baguette magique, la première question qui se pose est celle-ci : comment répartir les droits de vote entre tous ces pays ? Elémentaire ? En effet, mais la réponse l’est moins, on s’en doute. D’où ce gros ouvrage qui est d’ailleurs loin de se limiter à cette question.

Schwartzberg se propose moins de modifier l’architecture actuelle de l’ONU que de la rendre opérationnelle. Le chapitre consacré au Conseil de sécurité (CS) est particulièrement éclairant à cet égard. Après avoir rappelé les défauts du CS dans sa forme actuelle – représentativité insuffisante, droits de veto – concernant tout d’abord le premier point, l’auteur préconise un CS « universellement représentatif avec 12 sièges régionaux, disposant chacun d’un vote pondéré mathématiquement ».

Pour entrer dans le détail de la proposition, les quatre premiers pays pour lesquels la somme de ses pourcentages de la population mondiale et de ses contributions au budget régulier de l’ONU dépasse 12 % constitueraient à eux seuls une « région » (à l’heure actuelle les USA (E-U – 15,52 %) la Chine (CH – 12,24 %), l’Inde (IN – 9,30 %). Les 9 autres régions seraient alors L’Europe (EU – 15,86 %), L’Amérique Latine + Caraïbes (AL – 7,90 %), l’Asie orientale (Japon, des deux Corée au Népal – AO – 7,24 %), l’Afrique subsaharienne (AF – 7, 16 %), l’Asie du Sud-Est (AS – 6,61 %), l’Asie occidentale (de la Turquie au Bangladesh – AO – 6,49 %), La Ligue arabe (Egypte, Golfe, Afrique sahélienne – 5,45 %), la Russie et ses voisins (RU – 4,67 %), enfin la « Ligue de Westminster (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. – LW – 4,54 %). Les abréviations (E-U, etc.) sont celles des cartes du monde dans le livre et les chiffres en % entre parenthèses qui les suivent représentent les pondérations des droits de vote calculées selon la formule V = (P + R + M) / 3, avec pour chaque région, en pourcentages, P la population, R le PIB et M = 1/12 % (facteur contribuant à établir une certaine égalité entre les douze régions). La répartition préalable des droits de vote entre pays au sein des régions pourrait être (ou non) calculée selon la même formule. Quant à la distribution géographique des pays proposée par Schwartzberg, si elle obéit à une double logique – géographique et culturelle – évidente, elle est soumise à l’adhésion des États et l’auteur anticipe des modifications probables par rapport à son schéma initial.

L’existence des droits de véto, indéfendables dans leur principe, soulève évidemment une difficulté majeure pour toute réforme du CS. L’auteur qui en est bien conscient propose des formules de suppression progressives qui, malheureusement, risquent d’être tout aussi difficiles à faire passer. L’actuelle AG de l’ONU, qui fonctionne sur le principe un pays une voix, est condamnée à l’impuissance parce que, selon Schwartzberg, cette répartition des droits de vote « ne reflète aucunement la répartition des pouvoirs en dehors de l’ONU ». L’auteur, qui souhaite la transformation de l’AG en une véritable Assemblée parlementaire mondiale (APM) avec pouvoir législatif, doit donc proposer un nouveau mode de représentation. Écartant d’emblée le principe un homme une voix qui confisquerait le pouvoir au profit de quelques pays les plus peuplés, il entend ici, à la différence du CS, laisser une place à chaque pays. Il suggère alors d’accorder une voix au pays dont le poids V est le plus faible. V étant évalué par une formule semblable à celle du CS pour les grandes régions du monde, soit toujours V = (P + C + M) / 3 où M représente cette fois l’appartenance (en pourcentage) du pays à l’ONU, donc à égalité avec tous les autres. Puisqu’il y avait 192 États représentés à l’ONU lorsque le livre a été écrit, M = 1/192 % ou 0,5208 %. Calculé ainsi, le poids V le plus faible est celui de Tuvalu et Nauru (0,1738 %). Schwartzberg décide alors d’accorder un siège à l’APM à tous les pays dont le poids va jusqu’à 1,5 fois celui de Tuvalu et Nauru, le nombre de sièges augmentant ensuite selon une formule progressive jusqu’à 57 sièges pour les États-Unis, 55 pour la Chine, etc., pour total de députés à l’APM égal à 564.

Même si, selon ce mode de calcul, 114 pays, soit 60 % des membres, n’auraient qu’un seul siège, l’auteur remarque que, rapporté au nombre d’habitants, ils sont largement surreprésentés (un député pour 9300 citoyens de Tuvalu et Nauru contre un député pour 24,5 millions de Chinois). Ajoutons que les quelques paragraphes qui précèdent ne donnent qu’un aperçu très partiel du livre de Schwartzberg, lequel couvre à peu près tout le spectre des problématiques de l’ONU : les agences, le financement, le maintien de la paix, la participation des ONG et bien d’autres. En définitive, cet ouvrage constitue une somme passionnante pour tous ceux qui, au-delà de l’idéal mondialiste, cherchent à comprendre ce qu’il entraînerait concrètement au niveau des institutions à mettre en œuvre. Seul bémol – mais qui pourrait faire mieux à cet égard ? – les pistes envisagées pour parvenir au gouvernement mondial par des voies pacifiques paraissent bien hasardeuses. Volens nolens, on adhèrera plutôt à la toute dernière conclusion : « Quelle que soit la stratégie qui prévaudra au final, elle aura probablement lieu après une catastrophe mondiale, comme cela fut le cas pour la Société des nations et les Nations unies après la première et la seconde guerre mondiale ». Comme nul n’en ignore, ce ne sont pas les causes de la catastrophe annoncée qui manquent.

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