Tribune : Non à la PAC « nouvelle version »

, par Adriano La Gioia, Margot Dior Peelman

Tribune : Non à la PAC « nouvelle version »

Ce vendredi 23 octobre, dans l’ignorance et l’indifférence générale, un vote de la plus haute importance se déroulera au Parlement Européen. En effet, tous les 7 ans, les eurodéputées sont amenées à se prononcer sur une réforme de la PAC, la Politique Agricole Commune de l’Union Européenne.

La nouvelle proposition de réforme, qui sera discutée de mardi à vendredi au Parlement Européen, semble répondre en premier lieu aux intérêts des grands industriels. Dans un contexte de Pacte Vert pour l’Europe et de promesses ambitieuses de la part de la Commission Européenne, c’est par là un pilier majeur de la transition écologique au niveau Européen qui sera figé dans le marbre.

Qu’est-ce que la PAC ?

La PAC est la politique agricole commune aux états membre de l’Union Européenne. Prévue par le traité de Rome, elle est entrée en vigueur en 1962 et constitue l’un des fondements de la construction européenne.

Son objectif était de garantir une sécurité alimentaire pour l’ensemble des Européennes en augmentant la productivité du secteur. Le but était de rendre la Communauté des états membres auto-suffisante, plus solidaire et de moderniser un secteur agricole encore très disparate selon les pays. Elle constitue encore aujourd’hui 38% du budget européen et est considérée comme un des leviers d’actions majeurs pour les enjeux d’autosuffisance alimentaire et de développement durable au niveau Européen.

Comment ça fonctionne ?

Concrètement, La PAC est divisée en 3 piliers :

Les aides directes

Il s’agit d’un soutien financier directement accordé aux agriculteurrices. Les aides sont distribuées selon 2 critères : 85% en fonction de la surface de l’exploitation et 15% en fonction du potentiel de production. Ces critères font débat, car ils favorisent les grandes surfaces de production au détriment de petits producteurs.

Le développement rural

Cette partie de la PAC est cofinancée par les états-membres. Il s’agit d’un soutien accordé aux agriculteurrices en situation de désavantage compétitif lié à leur zone géographique, leur pratique ou du fait de leur démarrage dans le secteur. Cette aide complémentaire a pour but de favoriser la compétitivité de l’agriculture, de garantir une gestion durable des ressources et d’établir des mesures pour préserver le climat mais aussi d’assurer un développement territorial équilibré des économies et des communautés rurales.

L’organisation commune des marchés

Cet axe de la PAC sert à garantir une stabilité sur les marchés agricoles par des interventions de l’UE. Son rôle est également d’aiguiller le secteur agricole afin qu’il s’adapte aux évolutions du marché.

Quel est le problème ?

Aujourd’hui, le monde agricole n’a plus la même allure qu’au début de la PAC : les fermes sont plus grandes mais moins nombreuses et des conditions de plus en plus difficiles pour des petites producteurtrices. Les prix de vente des aliments en supermarché ne permettent pas de couvrir les frais et coûts de production des agriculteurrices. Ils dépendent des subsides alloués par la PAC pour vivre, ou survivre. De plus, comme explicité auparavant, La PAC alloue davantage de subsides à l’agriculture industrielle, à grande échelle et à rendements très élevés. Elle encourage ainsi la surexploitation des ressources qui s’accompagne d’une utilisation généralisée de pesticides, réduit la diversité des cultures et menace la biodiversité.

Par ailleurs, les subsides alloués aux grandes exploitations sont à l’origine d’une surproduction. Ces surplus sont exportés vers le Sud et vendus à un prix inférieur au prix local, menaçant ainsi l’agriculture vivrière (dumping). Des agriculteurtrices du Sud tenteront de venir travailler en Europe pour sortir de la misère et y seront exploités, augmentant encore notre productivité et diminuant encore les prix.

En tant que telle, la PAC pourrait être un outil adapté pour arriver à concilier sécurité alimentaire, revenu digne pour les agriculteurtrices et respect des écosystèmes. Ainsi, pensée différemment, la PAC pourrait favoriser la transition vers un secteur agricole plus durable et résilient face aux futurs chocs liés au dérèglement climatique, freiner la perte de biodiversité dans l’Union Européenne et permettre à une plus large tranche de la population de se nourrir de façon saine et durable.

Malheureusement, les sommes déboursées pour des enjeux environnementaux restent marginales par rapport à celles qui poussent à une production (trop) intensive. De fait, selon les critères actuels, il faut avant tout produire beaucoup pour toucher plus de subsides.

Que va-t-il se passer ce vendredi 23 octobre 2020 ?

Ce vendredi se tiendra le vote au Parlement, vote qui aurait été une occasion de faire établir de nouvelles mesures favorisant l’agroécologie et les plus petits producteurs. Et, a priori, tous les indicateurs étaient au vert et les associations militantes se réjouissaient d’une réforme de la PAC qui prenait en compte les enjeux de durabilité et d’agroécologie. Cependant, sous la pression de lobbys industriels, entres autres la CopaCogeca, lobby européen rassemblant de nombreux industriels du secteur agricole, la réforme actuellement à l’ordre du jour ne correspond en rien au texte de réforme initial et ne répond plus à ces idéaux. Le texte de réforme a été proposé récemment et est d’une complexité technique extrême, et il est donc difficile d’en analyser chaque tenant et aboutissant en détail. Notons que c’est une stratégie fréquemment utilisée par les lobbys industriels.

En effet, les lobbies industriels sont particulièrement puissants et influents dans l’élaboration et la modification de divers projets de loi. Au niveau Européen, ces projets de loi sont élaborés par la Commission Européenne, puis débattus et amendés au Parlement Européen – à la COMAGRI (Commission de l’agriculture et du développement durable) -et au Conseil de l’UE, qui rassemble les ministres des divers états membres. Dans le cadre de cette réforme-ci, le lobby Copa Cogeca (comité des organisations professionnelles agricoles européennes), exercant une influence majeure dans le processus législatif européen, semble avoir contré les velléités de verdissement de la politique agricole commune avec succès. Ce vendredi, les eurodéputé.e.s voteront donc pour une version non satisfaisante de la PAC. C’est dans ce contexte de prolongation du statu quo que de nombreuses associations et militantes appellent à voter non au projet de réforme actuel.

Que faire à notre échelle ?

Du bruit. Manifester notre mécontentement du système agricole actuel et notre envie de nouvelles mesures mieux adoptées aux enjeux environnementaux et sociaux actuels. Greenpeace a lancé ce matin une pétition à signer d’ici mercredi pour une vraie réforme de la PAC. Signez-là ! Partagez cette publication et la pétition !

Lien vers la pétition : https://www.greenpeace.fr/petition-pac/

Les retombées de la PAC nous concernent directement. L’agriculture joue un rôle plus qu’essentiel dans notre système alimentaire. Or l’urgence climatique et la détresse socio-économique des agriculteurrices nous imposent un changement de nos systèmes alimentaires. Changeons la PAC, pour préserver la biodiversité, assurer une alimentation saine à l’ensemble de la population européenne et arrêter de négliger les enjeux climatiques.

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