En moins de trois ans, c’est un véritable écosystème européen qui a été mis en place pour atteindre une ampleur qui pourrait faire de l’Europe un leader mondial des batteries, et ce avec des normes environnementales élevées. L’Alliance européenne sur les batteries a des résultats très impressionnants depuis sa création en 2017. Avec la force de son marché et sa capacité de production, l’Europe gagne une place nouvelle dans ce domaine.
À ce jour, l’écosystème européen des batteries comprend plus de 500 entreprises. Lors de son discours prononcé le 24 novembre 2020, le vice-président Šefčovič, chargé de la prospective, a remercié particulièrement l’Allemagne, la France et l’Italie pour leurs efforts. Dans 5 ans, l’UE sera en capacité de produire suffisamment de batteries pour couvrir le marché européen à hauteur de 250 milliards d’euros, ce qui pourrait assurer par ailleurs de deux à trois millions d’emplois. La Commission européenne a d’ailleurs acté que cette alliance européenne des batteries devienne un Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC), ce qui autorise les Etats à investir en la matière.
Des investissements particulièrement élevés
Acteurs financiers, projets industriels tels que Northwolt, startup créée à Stockholm dans l’objectif de réaliser les “batteries les plus vertes au monde”, projets interrégionaux... L’Europe est devenue un "hotspot" mondial des batteries et a attiré 60 milliards d’investissements en 2019 et déjà 20 milliards en 2020, soit respectivement 3 fois et 2 fois plus qu’en Chine. En octobre 2018, un an après le lancement du projet, Maroš Šefčovič se montrait déjà très satisfait : « Je suis fier de voir l’effet d’entraînement produit par l’alliance européenne pour les batteries. (...) Nous sommes en train de bâtir une chaîne de valeur compétitive complète en Europe, centrée sur une fabrication durable des batteries. Et nous faisons cela à la vitesse de la lumière. »
Mais cette stratégie industrielle européenne rapide et très efficace est couplée également à des préoccupations très exigeantes en termes d’écologie. En effet, pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, le secteur des transports va devoir réduire ses émissions de carbone de plus de 90%. Mais les batteries génèrent encore indirectement d’importantes émissions notamment lors de leur production et de leur consommation d’électricité pour les recharger. La moitié des émissions de CO2 sur le cycle des batteries est générée lors de leur production à travers notamment l’utilisation de l’acier.
C’est pourquoi l’alliance européenne des batteries, après avoir posé les bases de son développement d’envergure, va engendrer un nouveau stade de développement axé sur des exigences écologiques élevées. Deux ans après son lancement, les résultats étaient déjà probants. “Il faut bien le reconnaître, les gouvernements se bougent, notamment la France et l’Allemagne qui vont mettre sur la table 5 à 6 milliards d’euros d’investissements”, estimait ainsi en octobre 2019 le journaliste Stéphane Leneuf.
L’objectif est d’atteindre des batteries à émission de carbone sur le cycle de vie nul ou extrêmement faible. L’UE a annoncé la création de gigafactories de production de batteries écologiques à travers l’Europe. Avec une quinzaine de gigafactories en Italie, en France, en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Suède. Ces usines fourniront suffisamment de batteries pour approvisionner plus de 6 millions de voitures dans l’avenir.
Enfin, pour établir des normes environnementales élevées et en dans une position de leader sur un des plus grands marchés au monde, l’UE va proposer d’ici un mois une réglementation assurant que seules les batteries les plus vertes et les plus sûres seront acceptées sur le marché européen, avec des normes de recyclage élevées.
Problématiques variées et vision d’avenir
Le Vice-président à la prospective Šefčovič montre bien que l’UE peut être rapidement un leader de marché sur des industries du futur. Et cette alliance fournit un modèle pour le développement de futurs écosystèmes industriels européens. Maroš Šefčovič a notamment évoqué la future stratégie sur les matières premières en constituant une future alliance européenne des matières premières critiques.
Des problématiques très importantes demeurent cependant dans le domaine des batteries. Très récemment encore, une polémique a émergé car “Les véhicules hybrides rejetteraient au moins 28 % de CO2 en plus que ce qu’affichent les constructeurs”, d’après une étude de l’ONG Transport & Environnement rendue publique lundi 23 novembre.
Les questions sont complexes et pour le géoéconomiste Nicolas Mazzucchi qui vient de publier une tribune sur le Monde, “Il s’agit en réalité de penser – et surtout de décider – l’orientation globale de nos sociétés, au travers du volet industriel”. Le spécialiste dénonce particulièrement “l’absence criante de prise en compte de l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis le processus minier jusqu’au démantèlement et au recyclage”. Malgré tout, cette alliance européenne des batteries reste une initiative pertinente et qui mérite tout de même des louanges au regard de la politique industrielle européenne qui en débouche.
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