Une énergie propre pour les Européens, par les Européens ?

, par Gabrielle Heyvaert

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Une énergie propre pour les Européens, par les Européens ?
Image : Pixabay

Cet article découle de l’atelier organisé le 15 mai 2019 à Bruxelles, intitulé Local Energy Communities – Exploring Research, Technologies and Regulations for their Implementation in Europe. L’événement a été conjointement organisé dans le cadre de quatre projets financés par le programme européen de recherche et d’innovation, Horizon 2020.

MERLON, COMPILE, STORY, MUSE GRIDS… Derrière ces noms sibyllins, qui évoquent plutôt des opérations classées top-secret, se cachent en réalité d’ambitieux projets, dont le plus ancien date de 2015 seulement. Leur point commun ? Des activités de recherche au sein de différents Etats membres de l’UE sur la mise en place de communautés énergétiques locales et l’utilisation de systèmes énergétiques intelligents. Au vu du nombre important de participants à l’événement bruxellois, le sujet intéresse.

Ces quatre projets sont désormais loin d’être des ovnis dans le paysage énergétique. Si on ne peut parler de phénomène d’ampleur aujourd’hui, ces aspirations à accroître l’exploitation d’énergies renouvelables au niveau local font écho à une tendance émergente, qui pourrait s’intensifier dans les décennies à venir. Le Vice-Président de la Commission en charge de l’Union de l’énergie, Maroš Šefčovič, avait affirmé en 2016 que le nouveau modèle énergétique européen se résumerait en 6D : décarbonisation, diversification, démocratisation, décentralisation, digitalisation et disruption. L’adjectif « disruptif » n’est en effet pas trop fort pour désigner les possibles conséquences à long-terme pour le système électrique, induites par deux nouvelles directives, dans le cadre du paquet législatif Une Énergie propre pour tous les Européens. Alors qu’il n’en avait jamais été question jusqu’à présent dans les textes de loi européens, les projets citoyens d’énergies renouvelables sont explicitement mentionnés.

L’Union européenne reconnaît l’existence des communautés d’énergie renouvelable

Jan Steinkohl, travaillant à la Direction Générale de l’Énergie de la Commission européenne, a judicieusement fait référence, lors de l’atelier Local Energy Communities, aux deux directives concernées. La Directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (ENR) reconnaît l’existence de « communautés d’énergie renouvelable (CENR) » en disposant que :

« La participation des populations locales et des autorités locales à des projets en matière d’énergie renouvelable par l’intermédiaire de communautés d’énergie renouvelable a apporté une grande valeur ajoutée sur le plan de l’acceptation de l’énergie renouvelable à l’échelle locale et a permis l’accès à davantage de capital privé, ce qui se traduit par des investissements locaux, un plus grand choix pour les consommateurs et une participation accrue des citoyens à la transition énergétique. »

Elle invite les États membres à informer la Commission des mesures qu’ils mettront en œuvre au niveau national pour favoriser le développement des CENR, comme éliminer les éventuels obstacles réglementaires, permettre un accès facilité aux financements et même mettre en place des mécanismes de soutien spécifiques. Ces derniers pourront se traduire par des règles préférentielles pour favoriser leur émergence.

La directive dispose également que les CENR doivent être autonomes sans se contenter d’un but lucratif et peuvent être contrôlées par des citoyens, des autorités locales et/ou des PME, situées à proximité des sites de production d’ENR. Il s’agit là d’un soutien assumé aux projets citoyens, ancrés dans un territoire et gouvernés localement, ainsi que d’une reconnaissance du rôle même de ces projets citoyens dans la transition énergétique.

La directive relative au marché de l’électricité introduit, quant à elle, le terme de « communautés énergétiques citoyennes », dont les conditions d’éligibilité et les règles de gouvernance interne seront plus souples que pour les communautés d’énergies renouvelables, mais qui ne bénéficieront pas de mesures aussi favorables. Les États membres auront la compétence d’accorder ou non aux communautés énergétiques le droit de gérer des réseaux de distribution d’électricité.

Vers un bouleversement du marché de l’énergie ?

La question, qui a d’ailleurs été évoquée en filigrane au cours des différents ateliers organisés l’après-midi, est de savoir comment les États membres transposeront ces directives dans leur droit national respectif. [1] Nous pouvons notamment présager de nombreux ajustements dans les années à venir avec les gestionnaires nationaux de réseau public de distribution d’électricité. Les disparités entre États sont nombreuses, et certains « écosystèmes » nationaux du marché de l’énergie sont déjà plus avancés que d’autres. La vitesse à laquelle se développeront dans les territoires les communautés énergétiques citoyennes est également, pour l’instant, imprévisible. Une chose est néanmoins certaine : le marché de l’énergie, jusqu’ici très centralisé, se transformera alors en profondeur avec ces nouveaux modes de production et consommation décentralisés.

Notes

[1D’ici le 30 juin 2021, les États membres devront transposer la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

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