Une initiative européenne pour un Pacte Vert Mondial

Quelques propositions des fédéralistes mondiaux toujours actuelles

, par Fédéchoses, Guido Montani

Une initiative européenne pour un Pacte Vert Mondial
Ursula von der Leyen lors de la présentation du Green Deal, le 11 décembre 2019 à Bruxelles Crédits : Parlement européen - Union européenne

OPINION. L’Union européenne tente depuis plusieurs années de montrer l’exemple sur les questions climatiques, notamment grâce à son « Pacte Vert » (Green New Deal). Pourtant, elle ne représente qu’une faible part des émissions mondiales de gaz à effet de serre : c’est pourquoi elle doit initier un Pacte Vert Mondial, selon Guido Montani.

En 2021, le vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, et le président de la BEI, Werner Hoyer, ont présenté le Pacte Vert Européen comme suit : «  L’Union européenne est un leader mondial sur cette question depuis des décennies … [aujourd’hui] l’UE a lancé le plan de relance le plus vert du monde ... Pour être réellement efficace, l’Europe doit toutefois compléter ces efforts internes par une politique étrangère proactive. Dans un monde où l’UE représente moins de 8% des émissions mondiales, nos efforts en matière de climat ne peuvent se limiter à notre continent ».

Service minimum de l’UE pour la COP27

La proposition de la Commission européenne pour la COP27 consistait simplement à améliorer le « Fit for 55 ». Anna Hubáčková, la ministre tchèque de l’environnement, a déclaré que « L’UE a toujours été à la pointe de l’action climatique et nous continuerons à montrer l’exemple. La protection de notre planète pour les générations futures nécessite une action commune forte au niveau mondial ».

Étant donné que l’UE ne produit que 8% des gaz à effet de serre dans le monde, il est peu probable qu’elle sauve la planète, et pas même les Européens. La stratégie consistant à « montrer l’exemple » est un début, mais elle ne suffit pas. La politique internationale est insensible aux bonnes intentions. En ce qui concerne le climat, il n’existe aucun plan visant à faire de l’UE « une puissance mondiale ».

Entre guerre en Ukraine et course à l’IA, les priorités politiques ont changé

Il y a évidemment une justification profonde à cette promesse non tenue. L’invasion armée de l’Ukraine par la Russie a bouleversé le calendrier politique. L’attention de l’opinion publique et des gouvernements est tournée vers la tragédie de la guerre. Chaque jour, nous assistons à des massacres et entendons des escalades verbales, voire la menace d’une guerre atomique. La politique européenne se concentre aujourd’hui sur les conséquences du chantage russe sur l’énergie, l’inflation et les coûts de la guerre. Une course au réarmement militaire est en cours entre les grandes puissances.

De plus, il existe une course parallèle aux nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle (IA), à des fins militaires et civiles. Bien qu’il n’existe pas d’estimations précises à cet égard, il ne semble pas faux de dire que 3 à 4% du PIB mondial sont investis pour gagner la course à la suprématie mondiale. Ne serait-il pas plus judicieux de consacrer ces ressources au financement de politiques environnementales ? Quel monde avons-nous (l’humanité) l’intention de léguer aux générations futures ?

La proposition d’une « politique étrangère proactive de l’UE » est compliquée par le fait que les tensions internationales ne semblent pas laisser de place à un projet ambitieux. Ici, j’ai l’intention de proposer : un Pacte Vert Mondial (PVM). Cette proposition semble irréaliste. Cependant, si elle était examinée sous tous ses aspects, elle montrerait qu’elle pourrait aussi modérer les tensions entre les grandes puissances. Le président Biden défend une politique étrangère qui incite les démocraties à s’opposer aux régimes autoritaires, alimentant ainsi le soupçon que l’Occident veut mener une politique néo-impériale.

Lors du récent congrès en Chine, Xi Jinping a menacé d’utiliser les méthodes russes à l’égard de Taïwan pour parfaire les frontières de la Chine. Le nationalisme croissant et la rivalité à l’échelle mondiale entre les grandes puissances sont très dangereux. Les grands protagonistes des destins du monde semblent jouer une comédie intitulée « Le choc des civilisations ». La course au suicide collectif doit être arrêtée. Le dialogue entre les civilisations est possible et nécessaire.

L’Union européenne doit initier un Pacte Vert Mondial

Il n’est pas nécessaire ici de rappeler les raisons de l’urgence d’un Pacte Vert Mondial. Je ne cite qu’une constatation d’une résolution du Parlement européen qui affirme : « Le GIEC a exhorté le monde à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius, or en 2020 le réchauffement était déjà d’environ 1,2 ° C au-dessus des niveaux préindustriels ; ... Entre 2000 et 2019, les inondations, les sécheresses et les tempêtes ont affecté à elles seules près de 4 milliards de personnes dans le monde, coûtant 300 000 vies ... selon l’Organisation mondiale de la santé, le changement climatique est la plus grande menace sanitaire à laquelle l’humanité est confrontée, et il causera environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050 » (Conférence des Nations unies sur le changement climatique 2022, § I-J).

L’Union européenne peut et doit faire le premier pas. Il est vrai que l’UE ne dispose pas de sa propre défense et de sa propre politique étrangère en tant que grande puissance. Cependant, elle pourrait jouer la carte d’un Pacte Vert Mondial, impliquant tous les pays du monde, grands et petits. Le changement climatique est un défi qui unit les peuples face à un danger commun. Pour les sceptiques, je cite la « US-China Joint Glasgow Declaration on Enhancing Climate Action in the 2020s » (US Department of State) convenue entre les deux puissances l’année dernière, à la COP26. Il n’est pas vrai que la coopération internationale pacifique est impossible. Elle est simplement difficile.

Trois conditions pour un Pacte Vert Mondial efficace

Bien entendu, c’est à la Commission européenne qu’il revient de présenter une proposition de Pacte Vert Mondial. Je n’ai ici que l’intention de mentionner quelques chapitres. Le premier concerne le problème énergétique, l’introduction des énergies renouvelables pour remplacer les énergies fossiles. La population mondiale doit utiliser uniquement l’électricité (provenant de sources renouvelables) comme énergie pour la production industrielle et pour les besoins vitaux. Il s’agit d’une transformation radicale de tous les secteurs économiques qui demandera un effort énorme de la part des entreprises et des ménages.

Ce premier chapitre, que je dénomme brun, doit être suivi d’un pacte bleu, car une partie de la lutte contre le changement climatique passe par la défense de l’écosystème marin. Chris Armstrong déclare : « nous avons besoin d’une nouvelle politique des océans ... Les institutions et les lois qui régissent l’océan sont trop fragmentées, trop faibles et trop soumises aux puissants intérêts particuliers ». Sa proposition est la suivante : « 80% des océans du monde [devraient être] fortement protégés de l’intervention humaine et rendus aptes à retrouver leur richesse écologique » (C. Amstrong, A Blue New Deal, 2022, p. 5).

Le troisième niveau est le pacte bleu clair, une politique de nettoyage de l’espace et de régulation de son exploitation par les gouvernements et les entreprises. Kylie Hammack observe : « les débris spatiaux représentent 95% des objets détectés dans l’environnement spatial ... les erreurs de calcul ... constituent toujours une menace croissante pour la sécurité de l’espace ... de nombreux satellites sont utilisés à la fois à des fins militaires et civiles » (K. Hammack, International Relations in Space, Astropolitics, 3 avril 2022, p. 232).

Ces propositions doivent être complétées par des avancées relatives à la « gouvernance mondiale ». Le problème existe, car les Nations Unies sont en crise profonde, comme le souligne Branko Milanovic : « Les Nations Unies existent-elles encore ? » (Europe sociale, 3 octobre 2022). La gouvernance mondiale pour un Pacte Vert Mondial devrait inclure des directives sur les ressources financières et des règles pour rendre les politiques de l’ONU efficaces.

Une "Constitution de la Terre" pour un nouveau rapport entre l’humain et l’environnement

Il n’est pas possible ici d’aborder le problème des ressources financières. Je me limite à la question du droit international. De nombreux universitaires et écologistes soutiennent depuis longtemps la nécessité d’une « Constitution de la Terre  ». Contrairement aux constitutions existantes (un pacte entre gouvernants et gouvernés), une Constitution de la Terre est un pacte entre l’humanité et la nature. Le terme « Constitution » peut sembler excessif, mais si l’on pense au fait que depuis l’âge de pierre l’homme pille l’environnement et que ce comportement se répète aujourd’hui de manière amplifiée, on comprend pourquoi une Constitution est nécessaire. Elle peut être adoptée rapidement.

L’Assemblée générale de l’ONU a déjà approuvé un « Pacte mondial pour l’environnement » (Lacunes du droit international de l’environnement, 2018), dans lequel, en plus d’indiquer les réformes nécessaires en matière de droit international, elle propose également la création d’un droit international de l’environnement. Cette proposition est fortement soutenue par de nombreux mouvements écologiques : la Cour pénale internationale devrait étendre ses compétences au « crime d’écocide » (V. Cabanes, Un nouveau droit pour la Terre. Pour en finir avec l’écocide, 2021). Le Parlement européen a déjà approuvé cette proposition (session du 20 janvier 2021).

Cet article est à retrouver dans le 195è numéro de Fédéchoses - pour le fédéralisme : https://www.pressefederaliste.eu/-Numero-195-Decembre-2022-

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