Sur la couverture de l’édition de février du magazine Time consacrée aux “Next 100” - les personnalités inspirantes qui pourraient marquer l’Histoire - siège Sanna Marin. La Finlandaise, devenue Première ministre de son pays en décembre 2019, était au moment de son accession au pouvoir la plus jeune cheffe d’Etat au monde, du haut de ses 34 ans. “Elle a démontré que les qualités de dirigeante ne dépendent pas de l’âge”, affirme Erna Solberg, elle-même Première ministre de Norvège et autrice de ce portrait. Des femmes à la tête du pouvoir : si le fait n’est pas si rare en Europe du nord, la représentativité politique des femmes reste inégale sur le continent européen.
En cette année symbolique où l’Allemagne s’apprête à dire au revoir à Angela Merkel, chancelière appréciée depuis 15 ans, Kaja Kallas est devenue Première ministre de l’Estonie le 26 janvier dernier, alors que le pays balte compte déjà une présidente depuis 2016 en la personne de Kersti Kaljulaid. Cependant, de tels cas de figure restent encore des exceptions, même sur le Vieux continent où l’Union européenne semble pourtant insister sur l’importance de l’égalité des sexes. Depuis le traité de Rome de 1957, l’égalité femmes-hommes est une valeur fondamentale de l’Union.
À ce jour, en février 2021, dans l’UE, deux autres femmes président leur pays : Zuzana Čaputová, cheffe de l’Etat slovaque depuis 2019, et Ekateríni Sakellaropoúlou, présidente de la Grèce depuis 2020. Tandis qu’en plus de l’iconique Angela Merkel et de Kaja Kallas, trois autres femmes dirigent un gouvernement européen : Mette Frederiksen, Première ministre du Danemark depuis 2019, Sanna Marin, cheffe du gouvernement finlandais élue la même année, et Ingrida Šimonyte, Première ministre de la Lituanie depuis 2020. Sophie Wilmès a également été Première ministre de Belgique entre octobre 2019 et octobre 2020.
Le nord de l’Europe reste une exception
Pourtant, à la table du Conseil européen, les femmes se comptent sur les doigts d’une seule main quand les hommes sont au nombre de 24. Dans de nombreux pays, les femmes accèdent encore trop rarement aux fonctions politiques clés, comme en France où 23 hommes et une seule femme se sont succédés depuis 1959 à la fonction de chef du gouvernement. Et dans “10 des 27 Etats membres de l’UE, jamais une femme n’a, à ce jour, été cheffe de l’Etat ou du gouvernement”, rappelle le site Toute l’Europe.
Dans l’Union européenne, un constat semble se dégager : les femmes occupent plus régulièrement des rôles politiques de premier plan dans une zone spécifique du continent. “Le nord de l’Europe est un modèle du genre. Sur les huit pays nordiques, six sont dirigés par des femmes”, indique Franceinfo, qui compte également l’Islande et la Norvège (hors UE) dans son calcul. Historiquement, socialement et culturellement, plusieurs pays d’Europe du nord peuvent effectivement être qualifiés de pionniers en matière d’égalité femmes-hommes, et cela se reflète dans les effectifs politiques. “C’est un vrai mouvement de fond... mais qui reste cantonné au nord de l’Europe. Plus au sud ? Grèce, Espagne, Italie, Portugal et France ? C’est le vide intersidéral : zéro présidente, zéro Première ministre”, dénonce toutefois Isabelle Labeyrie de Franceinfo.
Une meilleure représentativité dans les instances européennes
Et si dans certains pays comme la France, la part des femmes dans les instances politiques augmente, c’est en partie par le biais des politiques de quotas. Un outil source de nombreux débats. “Sans remettre en cause les logiques les plus profondes du recrutement politique, les dispositifs paritaires ont même eu tendance à naturaliser la différence des sexes”, souligne par exemple Sandrine Lévêque, Professeure de Science politique.
Un point positif sur ce sujet reste peut-être l’accroissement de la part des femmes au sein du Parlement européen Depuis les premières élections au suffrage universel direct, en 1979, le pourcentage de femmes au Parlement européen augmente à chaque élection. En 2019, 40,4% des députés européens élues étaient des femmes mais à l’heure actuelle, après la redistribution due au départ du contingent britannique, la part de femmes parmi les députés européens est retombée symboliquement sous la barre des 40%, s’établissant plus exactement à 39,49%. 20 commissions permanentes et trois sous-commissions existent au sein du Parlement. Dix sont présidées par des femmes. Au sein de la Commission européenne, qui compte pour la première fois une femme à sa tête en la personne d’Ursula von der Leyen, 12 femmes sont présentes parmi les 26 commissaires.
Des figures marquantes aux portes de l’UE
En dehors des questions de postes parlementaires, les femmes “ont exercé une autorité forte cette année” au sein de l’Union européenne ou ses proches voisins, développent par ailleurs les professeurs Cyrille Bret et Florent Parmentier. “Plusieurs figures charismatiques féminines de l’Est du continent ont été consacrées en 2020 par trois distinctions d’importance : le Prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de l’esprit, le prix de la femme européenne de l’année de la revue italienne Linkiesta et le prix du héros de l’année du journal russe Novaya Gazeta.”
Svetlana Tsikhanovskaïa, la candidate de l’opposition à l’élection biélorusse, a reçu dans l’enceinte du Parlement européen le Prix Sakharov, décerné depuis 1988 pour distinguer les acteurs de la libéralisation de l’Europe, et attribué à l’opposition biélorusse cette année. Linkiesta a plus largement souhaité remettre son prix de femme européenne de l’année aux femmes biélorusses et polonaises. Le journal russe libéral Novaya Gazeta a remis lui son titre de « héros de l’année » à Ioulia Navalnaïa, épouse d’Alexei Navalny arrêtée puis relâchée par le pouvoir russe en janvier. Trois figures inspirantes pour Cyrille Bret et Florent Parmentier. “À l’opposé de l’Ouest du continent où le sens de l’histoire semble une conquête progressive de l’égalité, les combats des femmes à l’Est nous rappellent que les droits ne sont jamais totalement acquis définitivement.”
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