Les élections législatives de Norvège étaient annoncées comme très serrées. Les enquêtes d’opinions plaçaient les forces du bloc « bourgeois » (Parti conservateur, Parti chrétien-démocrate, Parti libéral et Parti du progrès) au coude-à-coude avec le bloc « rouge-vert » (Parti travailliste, Parti du centre, Parti socialiste). Après une campagne basée sur des sujets économiques et internationaux, la coalition au pouvoir de droite conserve le pouvoir.
Une monarchie constitutionnelle unique en son genre
Habituellement social-démocrate, le pays est plutôt gouverné par une coalition de gauche. Le parti travailliste est depuis la fin de la Seconde guerre mondiale le premier parti du pays. Avec 27,4% des suffrages exprimés transformés en 49 sièges au Parlement, il représente le plus grand groupe politique. Toutefois, il s’agit d’un de ses plus mauvais résultats électoraux après la déroute de 2001. Monarchie constitutionnelle depuis 1814, la Norvège se distingue des démocraties modernes par une des plus anciennes Constitutions encore en vigueur. Même si cette dernière a bien évolué depuis – 1905 et la séparation avec la Suède notamment – la démocratie y est ancrée dans ce pays souvent décrié comme celui où l’on « vit le plus heureux au monde ». Figure majeure de la social-démocratie du modèle scandinave, la Norvège est pionnière en matière de son système de protection sociale. « La politique de redistribution a pour but de lutter contre les inégalités existant entre les citoyens et donc de réduire les différences » note Corinne Deloy de la Fondation Robert Schuman. En effet, grand pays producteur de pétrole, la Norvège place les revenus issus de l’exploitation des ressources et de la production de produits dérivés du pétrole dans un fonds souverain, le plus important du monde, qui s’élève à près de 1 000 milliards de dollars (800 Millions d’euros). Ainsi, elle peut s’assurer un avenir pérenne.
Le Roi Harald V est à la tête du pouvoir exécutif depuis 1991, mais la quasi-totalité de ses actes doivent être contresignés par les membres du Conseil des ministres, ce qui le rend dénué de tout pouvoir effectif. La Première ministre Erna Solberg a ainsi la charge du pouvoir exécutif depuis octobre 2013 à l’issue des dernières élections législatives.
Les conservateurs reconduits pour un nouveau mandat
Le Storting est le Parlement norvégien. Autrefois bicaméral, une révision de la Constitution en 2010 a fusionné les deux Chambres et réajusté le mode de scrutin. 150 députés sont élus à la proportionnelle au sein de 19 circonscriptions – le nombre de députés par circonscription variant selon la taille de la région (1 point) et du nombre d’habitants (1,8 point). 19 sièges compensatoires sont ensuite octroyés sur la base des résultats nationaux pour être le plus proche des résultats tirés de la sortie des urnes. En revanche, ces derniers ne seront attribués qu’aux partis ayant reçu plus de 4% des voix à l’échelle nationale. Ainsi, le scrutin à la proportionnelle norvégien limite la fracturation du système de parti contrairement à un système de proportionnelle intégrale. En résulte donc un système multipartite – le Parlement sortant comptait 8 partis politiques, le nouveau en comporte 9.
Le système politique norvégien nécessite également une culture du consensus. Le parti conservateur tout comme le parti travailliste sont en phase sur de nombreuses politiques comme les activités pétrolières de l’Arctique, la gestion de l’immigration, les liens étroits avec l’UE, etc. De même, les extrêmes ne sont pas aussi critiqués qu’on l’imagine dans certains pays occidentaux. A titre d’exemple, le Parti du progrès (extrême-droite) et sa cheffe de file controversée Sylvi Listhaug étaient membres du précédent gouvernement de coalition.
Les travaillistes à la déroute
La principale différence entre les Travaillistes et les Conservateurs réside finalement en leur politique économique : le bloc de gauche tient à favoriser la redistribution des richesses produites par la Norvège, la droite préfère réduire les impôts. Au cours de la dernière période législative, la croissance économique a repris et le chômage diminué pour atteindre 4,3% malgré une baisse du cours du pétrole. Ainsi, Erna Solberg a sans doute été favorisée par la conjoncture favorable pour un nouveau mandat. Avec 25% des voix, le Parti conservateur parvient à se maintenir au pouvoir avec 45 sièges au Storting (seulement 4 de moins que le Parti travailliste). Concernant ses partenaires de coalition, le Parti du progrès (extrême-droite) en obtient 27 tandis que les Chrétiens-démocrates et le Parti libéral s’en partagent 8 chacun. La coalition gouvernementale, si elle est reconduite, passe donc à 88 députés, majorité suffisante des 169 sièges du Parlement.
Malgré une légère baisse par rapport à l’ancienne législature qui place le futur gouvernement en position potentiellement instable, il s’agit de la deuxième fois que le Parti conservateur arrive à se maintenir au pouvoir depuis 1945. Une réussite politique pour Erna Solberg qui a réussi à s’affirmer comme une cheffe de gouvernement proche de ses citoyens et qui n’hésite pas à s’afficher à faire du tir à l’arc, jouer à Pokémon Go ou revêtir une casquette à l’envers. Après les deux gouvernements successifs du travailliste Jens Stoltenberg, aujourd’hui secrétaire général de l’OTAN, le bloc de droite se maintient donc au pouvoir, laissant ses opposants à la déroute. Pour le chef de file des travaillistes, Jonas Gahr Støre, « cette élection est une grosse déception pour le Parti travailliste ». La Première ministre s’est en revanche félicitée d’« une victoire éclatante » tout en restant prudente et en appelant chacun « à prendre ses responsabilités ». La Première ministre devra également jouer de diplomatie avec ses partenaires de coalition qui pourraient se montrer fébriles sur certains dossiers et fragiliser son gouvernement.
Une Norvège pro-européenne ?
Sur les thèmes de campagne, l’UE n’a quasiment pas été évoquée. Et pour cause, 70% de la population serait hostile à une entrée de la Norvège dans l’UE, un pourcentage en nette augmentation depuis la crise financière de 2008. Deux référendums ont tranché par la négative sur une adhésion à l’Union européenne : en 1972 sur l’entrée dans les Communautés économiques européennes et en 1994 sur l’Union européenne. Pourtant la plupart des dirigeants politiques sont très favorables à l’intégration européenne. Les travaillistes et les conservateurs s’accordent grandement sur ce point, et même l’extrême-droite est restée longtemps muette sur le sujet. L’acquis communautaire de l’UE est quasiment intégré dans le droit national en Norvège. Bien que le pays ne soit pas dans l’UE, ni dans la Zone Euro, il participe à de nombreux programmes et politiques européennes tels que Schengen et Europol pour les plus connus, mais aussi en matière d’asile, d’énergie ou de justice. Dans le cadre de sa participation à l’OTAN, il dispose même d’un dispositif renforcé avec la PSDC (Politique de sécurité et de défense commune) européenne issue du Traité de Lisbonne. Finalement, la Norvège est un très bel exemple de comment profiter des avantages de l’Union européenne, sans pouvoir en décider politiquement le prix. Pour disposer d’un accès au marché commun – l’UE est son premier partenaire commercial – elle n’a en effet aucun pouvoir décisionnel.
A Erna Solberg incombent désormais de continuer la relance économique engagée, de réduire la pression fiscale sans trop puiser sur les réserves du fonds souverain mais surtout de trouver des solutions concrètes sur la sortie du pétrole, dont la dépendance est de plus en plus décriée. Peut-être qu’une solution européenne en la matière permettrait à la Norvège de se rapprocher toujours plus de ses voisins européens.
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