Le 4 juillet, les Britanniques étaient appelés aux urnes pour des élections législatives visant à élire la chambre basse du Parlement (la plus puissante et celle qui élit le Premier Ministre). Le résultat est historique mais conforme aux sondages : les conservateurs, plombés par leur bilan depuis 14 ans, ont subi la plus lourde défaite de leur histoire avec 121 députés sur 650 tandis que les travaillistes ont remporté 411 sièges. Conséquence directe : Rishi Sunak quitte le 10 Downing Street et est remplacé par Keir Starmer, le leader travailliste, bien décidé à mettre en place une autre politique.
14 ans de règne conservateur
“I am sorry” : c’est ainsi que Rishi Sunak s’est adressé aux Britanniques dans son discours d’adieu. Le bilan des conservateurs, même s’il a pu plaire à certains moments, est en effet critiqué par de nombreux Britanniques.
Arrivé au pouvoir en 2010, après treize ans de gouvernement travailliste, il amène David Cameron au 10 Downing Street. Les premières années de son mandat plaisent à de nombreux Britanniques : menant une politique conservatrice mais équilibrée (le marriage gay avait par exemple été légalisé sous son mandat), David Cameron était, selon les sondages, le Premier Ministre le plus apprécié depuis Thatcher. Cependant, en 2016, il souhaite une réduction de la contribution britannique au budget européen. Pour faire pression sur Bruxelles, il organise un référendum sur la sortie de l’UE (alors qu’il était opposé à cette solution mais voulait seulement réduire sa contribution au budget européen) : à partir de là, la suite est connue, une campagne extrêmement virulente s’abat outre-Manche et les Britanniques décide de quitter l’UE.
Face à ce résultat, David Cameron démissionne et Theresa May le remplace avec un objectif : trouver un accord de sortie avec l’Union européenne. Cependant, les négociations sont compliquées : de nombreux hommes politiques britanniques souhaitent continuer à bénéficier du marché commun en quittant l’Union politique ou souhaitent simplement profiter de la crise pour augmenter leur influence, ce qui impatiente les Britanniques.
Au terme d’une extrémisation du parti conservateur, Theresa May doit céder sa place à Boris Johnson : celui-ci réussit, après plusieurs tentatives, à trouver un accord de sortie mais doit affronter la pandémie de Covid-19. Après avoir imité Trump en minimisant le Covid, il se résout à confiner le pays, sans pour autant se confiner lui-même puisqu’il organise plusieurs fêtes en toute illégalité, provoquant un scandale tel qu’il est forcé de démissionner en 2022.
Le mandat de Liz Truss, choisie par le parti pour le remplacer, est l’incarnation de l’instabilité qui règne dans un Royaume-Uni impacté par le Brexit, le début de la guerre en Ukraine et la pandémie : nommant à des postes clés des ministres inexpérimentés et promettant des baisses d’impôts non financées, elle perd la confiance des marchés et démissionne 45 jours seulement après son entrée en fonction. Rishi Sunak la remplace alors mais la situation peine à s’améliorer : vu comme hors-sol par beaucoup de Britanniques et critiqué pour une dégradation croissante des services publics alors que les impôts ne cessent d’augmenter, l’effondrement de son parti dans les sondages s’accélère : face à cela, il annonce des élections législatives anticipées pour le 4 juillet (au lieu du mois d’automne durant lequel elles devaient normalement avoir lieu).
Une élection clé
Bien que les conservateurs soient au plus bas dans les sondages, Rishi Sunak espérait inverser cette tendance avec une campagne efficace, un pari raté. En plus de devoir affronter les travaillistes, le Parti conservateur devait aussi affronter le parti d’extrême droite Reform UK de Nigel Farage. Pour gagner cet électorat ultra-conservateur, Rishi Sunak a alors fait ce que la plupart des hommes politiques conservateurs font face à l’extrême droite (avec une efficacité quasi nulle) : reprendre certaines de leurs idées et de leurs discours dans l’espoir de gagner son électorat. Il a alors concentré sa campagne sur sa politique migratoire, en la rendant plus extrême (envisageant par exemple de quitter la Cour européenne des droits de l’homme pour mettre en place son plan de déportation des immigrés au Rwanda), se détournant des problématiques des Britanniques (notamment le pouvoir d’achat) et faisant fuir les électeurs modérés.
Face à cela, les travaillistes sont apparus modérés : contrairement à Jeremy Corbin, l’ancien leader travailliste, critiqué pour certaines de ses positions radicales, Keir Starmer apparaît comme un modéré capable de plaire un électorat centriste déçu par la droitisation et l’inefficacité des Tories. En concentrant sa campagne sur les préoccupations des Britanniques et en bénéficiant du mauvais bilan des conservateurs, il a ainsi pu engranger de nombreuses voix.
Des résultats historiques
Les résultats de cette élection ont été historiques sur de nombreux aspects : tout d’abord, pour les deux grands partis qui structurent la vie politique britannique. Les conservateurs ont ainsi eu la plus lourde défaite de leur histoire tandis que les travaillistes ont eu la seconde plus grande victoire de leur histoire.
Mais en plus d’être historique pour les deux plus gros partis britanniques, les résultats de cette élection montrent aussi l’émergence de nouveaux partis dans la vie politique d’outre-Manche : les libéraux démocrates, avec 71 sièges gagnés (leur meilleur résultat depuis la Seconde Guerre mondiale), s’imposent ainsi comme une force importante dans la vie politique britannique ; mais surtout, le succès du parti d’extrême-droite Reform UK, avec seulement 5 sièges mais 14% des voix (dû au système politique britannique), laisse craindre le début d’une recomposition politique de la vie britannique, comme l’a subi la France à partir des années 1980. Le SNP, parti nationaliste écossais, semble quant-à-lui s’être effondré avec seulement 9 sièges contre 48 lors des dernières élections, souffrant de la perte de sa leader charismatique Nicola Sturgeon, de nombreux scandales, ainsi qu’un report des voix vers un vote utile, c’est-à-dire vers les candidats travaillistes.
Quels changements ?
L’élection de Keir Starmer au poste de Premier ministre devrait impulser des changements significatifs pour la politique britannique : il promet ainsi que sa politique sera moins libéral que son prédécesseur, en lançant notamment des plans de réindustrialisation, investissant dans la transition énergétique et les nouvelles technologies et en nationalisant le réseau de chemins de fer. Sa politique devrait aussi être plus sociale en investissant dans la lutte contre la pauvreté et en améliorant les services publics (notamment le NHS, service de santé britannique qui a beaucoup souffert ces dernières années).
Le parti travailliste devrait également améliorer les relations avec l’Union européenne : si Keir Starmer a déjà annoncé qu’il ne reviendrait pas sur le Brexit, il souhaite renforcer la coopération avec l’Union européenne, notamment sur le plan commercial, de l’innovation et sécuritaire. Reste à savoir si l’Union européenne est disposée à négocier de nouveaux accords.
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