Volt veut « stimuler l’Europe » : mais comment ?

, par Greta Janulytė, Grischa Alexander Beißner, Marie Pouliquen, traduit par Guillaume Carruel, Veronika Snoj

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Volt veut « stimuler l'Europe » : mais comment ?
Valerie Sternberg, Présidente de Volt Allemagne, a accepté de répondre à nos questions sur ce mouvement et ses objectifs en vue des élections européennes de 2019.

Lors de notre séminaire média qui a eu lieu à Berlin en avril dernier, une équipe de rédacteurs de plusieurs de nos éditions linguistiques a rencontré Valerie Sternberg, présidente de Volt Allemagne. L’occasion de mieux cerner les objectifs et la stratégie du mouvement paneuropéen Volt en vue des élections européennes de 2019.

Le Taurillon (LT) : Quand Volt Europe a-t-il été fondé et qu’elles sont ses origines ?

Valerie Sternberg (VS) : Volt Europe a été fondé l’année dernière, en mars 2017, suite à la rencontre d’un italien, Andrea Venzon, et d’un allemand, Damian Boeslager, dans une université aux États-Unis. Ils se sont rencontrés pendant la campagne du Brexit, et à la suite des résultats du référendum, tous les deux se sont dits : « Il est nécessaire d’agir, nous ne pouvons pas rester simples observateurs alors que les nationalismes et les mouvements autoritaires progressent en Europe et à travers le monde. ». Ils s’accordaient sur le fait qu’il y avait besoin de plus que de se simplement répéter « L’Europe c’est super », « La démocratie c’est super ». C’est comme ça qu’avec un ami français ils ont fondé Volt et lancé le site internet lorsque le Royaume-Uni a déclenché l’article 50 en mars 2017. Depuis, plus de personnes les ont rejoints et le mouvement a grandi.

LT : Pourquoi avoir choisi le nom « Volt » ?

VS : On a commencé avec « Vox », signifiant « voix ». Ça sonnait bien puisque nous sommes une voix qui provient de toute l’Europe. Malheureusement, c’est aussi le nom d’un parti politique espagnol, VOX España, et nous ne voulions pas avoir d’affiliation. Mais nous aimions l’idée du V et du O ainsi qu’avoir un nom qui ne serait pas un acronyme. D’une manière ou d’une autre, nous sommes arrivés à Volt, qui a un lien intéressant avec l’énergie et l’idée de stimuler l’Europe.

LT : Volt se présente comme un mouvement paneuropéen, mais jusqu’à maintenant il est surtout présent dans les pays d’Europe Occidentale. Est-ce que Volt cherche à se développer dans les pays d’Europe centrale et orientale également ?

VS : Nous nous développons énormément, deux de nos plus grandes équipes viennent de Bulgarie et Roumanie. Pour nous, l’esprit paneuropéen est très important : nous avons besoin de solutions européennes, mais nous pensons également que nous devons nous présenter à tous les niveaux. Le niveau européen est l’un d’entre eux, mais les problèmes doivent être abordés là où ils se présentent et là où ils peuvent être résolus le plus efficacement. Oui nous avons commencé dans les pays de l’Ouest mais nous avons rapidement pu nous étendre en Roumanie et en Bulgarie, et y défier le système. N’étant affiliés à aucun type de corruption, nous travaillons pour ramener la vraie démocratie dans ces sociétés. De plus, nous avons des membres de l’équipe qui viennent de Moldavie, Serbie, et Lituanie. Nous avons pour ambition de grandir et de soutenir nos équipes, avec leurs propres enjeux nationaux.

LT : Lorsque l’on regarde les élections européennes de 2014 et le référendum du Brexit, on se rend compte que la participation des jeunes lors de ces scrutins était très basse. Comment comptez-vous traiter cette question ?

VS : Il y a trois choses qui rendent Volt unique. D’abord, le contenu : il est très important d’avoir une vision, des idées de fond et de ne pas faire campagne « contre », ce qui serait populiste. Deuxièmement, il y a les différentes couches : nous ne sommes pas seulement européen ou seulement local et national, nous sommes tout à la foi. Ces niveaux sont liés entre eux et c’est exactement ce que nous essayons de faire avec Volt : chaque représentant local a un homologue national à qui parler, ce qui favorise la communication et permet d’adresser les problèmes à tous les niveaux. Enfin, il y a la façon dont nous voulons renforcer la démocratie : nous sommes un mouvement, pas un parti politique. En Allemagne, généralement, il y a d’un côté les membres du parti et de l’autre les électeurs, il n’y a pas d’intermédiaire. Ce cloisonnement nuit à la démocratie, à l’inverse, nous avons une approche plus axée sur la communauté : sympathisants, volontaires, membres du parti. C’est à vous de décider comment vous souhaitez vous engager.

LT : Est-ce que Volt est un mouvement fédéraliste ?

VS : Si la question est « Est-ce que nous voulons d’un État fédéral européen ? », la réponse est que nous aimons l’idée d’une Union européenne fédérale, et que nous voyons cela comme une évolution vers laquelle nous devons tendre. Cela signifierait que le principe de subsidiarité soit très important – les problèmes doivent être réglés là où cela est le plus cohérent. Il paraît donc logique, par exemple, d’avoir une armée européenne, elle devrait évidemment être gérée au niveau fédéral car ça n’a pas de sens que chaque État repose sur sa propre armée. Il paraît logique d’unifier certaines choses, mais pour d’autres choses il est plus logique d’avoir des solutions et des politiques locales. Cependant, contourner les États nationaux n’est pas à l’ordre du jour : ils sont un point de référence important pour les citoyens. Notre but actuellement est de comprendre à quel niveau aborder les problèmes sociaux, économiques et politiques. Si les États nations deviennent superflus, très bien. Mais pour l’instant, ils sont le point de référence pour beaucoup d’Européens donc nous n’avons pas à éliminer ce niveau dans les prochaines années.

LT : En lisant le Manifeste de Volt, on y distingue deux scénarios très opposés : soit « pro-Europe » soit « anti-Europe », en fonction de si le niveau européen est considéré comme la meilleure solution ou pas. Pensez-vous que c’est légitime et souhaitable de se développer sur une telle rhétorique ? Seulement se dire « pro-européen » ? Est-ce que cette position ne détériorerait pas en fait la légitimité de l’UE ?

VS : Non, nous ne croyons pas que cela soit une position légitime et ce n’est d’ailleurs pas la nôtre. C’est la plus grande différence que j’aimerais souligner, entre nous et les mouvements politiques comme En Marche – lorsqu’ils se sont présentés initialement sans programme – ou les mouvements populistes. Nous voulons faire campagne sur des propositions de fond. Depuis nos débuts nous travaillons de manière intensive sur la réforme de l’UE. Nous sommes une équipe de 50 personnes travaillant sur ces politiques. Nous essayons de débattre le plus possible avec l’ensemble du mouvement et d’avoir des apports et des retours pour essayer de nouvelles idées. Nous pensons que cela est très difficile et il nous en coute de longues nuits de labeur, mais cela vaut le coup car c’est le seul moyen d’être durable. Nous venons de finir une première version de notre programme politique de 170 pages qui a été adopté par le mouvement. Nous nous occupons maintenant de l’affiner. Nous ne voulons pas agir uniquement en réaction face aux événements. La politique allemande est un bon exemple en ce moment pour ce qui est de ne pas avoir de stratégie, et de seulement se contenter de réagir aux événements, en prenant de petites mesures qui pourraient aider dans les mois ou les années futurs, mais pas à long terme. Nous nous efforçons énormément à créer une vision pour la société européenne et à la traduire en actions politiques.

LT : À quoi ressemblerait votre Union européenne idéale ?

VS : Pour nous, il est très important que la solidarité et l’idée d’une union sociale passe avant tout, ce qui veut dire qu’il faut mettre le citoyen au centre de la démocratie – pas les États, pas les intérêts des entreprises. Notre programme tournait autour de cinq défis que nous avons identifié à tous les niveaux : le premier est l’État sensé, ce qui signifie la création d’un État transparent, démocratique, responsable, avec une justice effective, une égalité vis-à-vis de l’éducation et de la santé. Le second est une politique économique appropriée, avec une attention particulière sur la cohésion sociale, la croissance et le développement régional des territoires en difficulté, le tout en encourageant l’innovation. Le troisième est l’égalité sociale, il s’agit de créer une société européenne où les discriminations n’ont pas leurs places, où l’égalité des chances prévaut, indépendamment des origines, des religions ou du genre. Le quatrième est la responsabilité globale ce qui signifie qu’il faut comprendre que nous avons une responsabilité européenne, nationale, locale mais également globale, sur des problèmes comme le changement climatique, les migrations, qui nécessitent une réponse aux niveaux mondial et multilatéral. Le cinquième est l’encouragement d’une démocratie participative et inclusive afin que les citoyens s’engagent en dehors des élections. Donner un vote tous les quatre ou cinq ans n’est pas suffisant, il est nécessaire de créer une société avec des débats, où les citoyens peuvent faire la différence, exprimer leur opinion.

LT : Même s’il est très intéressant d’imaginer ce à quoi l’UE devra ressembler dans 10 à 20 ans, il y a des questions qui sont aujourd’hui pressantes, la plupart sont économiques. Un certain nombre d’États européens sont sous le coup de mesures d’austérité imposées par l’UE : la Grèce en particulier. Croyez-vous que les aides financières doivent être conditionnées aux mesures d’austérité ou que la dette de ces pays devrait être allégée ?

VS : Nous pensons qu’il est nécessaire de créer un système économique et financier qui fonctionne pour tous les Européens. Le débat ne doit pas être autour de la question « est-ce-que les allemands doivent payer pour les grecques ? », le débat devrait être autour de la question « Comment allons-nous mettre en place des politiques économiques et financières qui fonctionnent pour tous ? ». Je pense qu’encore une fois ici, le principe de solidarité et l’idée d’œuvrer vers une union sociale est très important car il implique que nous, en tant qu’individus, en tant qu’États, assumions la responsabilité et aussi reconnaissions la nécessité de porter la responsabilité pour les autres, ce qui signifie que nous devons aider les autres. Nous devons nous montrer solidaire vis-à-vis des autres, et les aider si ça ne va pas bien, ou lors des crises. Nous devons réformer notre économie et aider l’ensemble de l’Union à progresser en étant responsable, et en comprenant que si nous ne prenons pas certaines mesures, l’ensemble de l’Union ne pourra pas achever son ambition.

LT : Comment allez-vous permettre ça ?

VS : En ce moment le système économique, les politiques économiques et la gouvernance de la zone euro ne bénéficient pas à tout le monde, et cela doit changer. Ce que nous proposons est d’avoir un budget propre à la zone euro, où un « euro-zone plus budget » comme nous aimons l’appeler. Quelque chose comme une taxe européenne sur les entreprises alimenterait ce budget qui serait utilisé pour aider les pays en temps de crise. Cela permettra de mettre hors-jeux le danger moral du système puisque la responsabilité portera sur tous, afin de s’assurer que le budget est là pour aider tout le monde dans l’Union. Deuxièmement, encore une fois, l’union sociale devra être accentuée. Je pense que le plus faible dans la société doit toujours être protégé. Ainsi, en tant de crise, il devrait toujours y avoir un État providence pour aider les gens rencontrant des contraintes économiques.

LT : Volt n’est pas le seul mouvement politique paneuropéen qui se développe. Considérez-vous d’autres mouvement paneuropéens tels que Diem25 comme des alliés ou des compétiteurs ?

VS : Je pense qu’à ce stade il est important de reconnaître que nous travaillons au moins avec un but commun : faire s’épanouir la démocratie et comprendre comment l’Union européenne doit se réformer pour survivre. Nous devrions travailler ensemble à ces objectifs et ne pas faire l’erreur de nous cloisonner. Nous devrions également inciter les autres partis politiques qui ne sont que nationaux pour l’instant, à devenir plus européen. Particulièrement dans le contexte des élections européennes de 2019, nous devrions réussir à faire que tous les partis nationaux proposent des politiques européennes et des solutions lors de leurs campagnes électorales au lieu de se concentrer uniquement sur des problèmes nationaux. Nous devons donner aux élections européennes la réelle importance qu’elles revêtent, et faire comprendre aux citoyens ce qui se passe vraiment plutôt que de minimiser leur importance, et de ne se concentrer que sur des solutions nationales. Je pense que cela doit être notre finalité ensemble. Évidemment, être en compétition ne peut qu’aider car c’est ça la démocratie. Nous devons nous unir lorsque cela est possible, mais nous devons également faire émerger le débat, et entrer en confrontation lorsqu’il est question de positions sur lesquelles nous ne nous accordons pas. Cela montre que nous avons la même perception de la démocratie mais qu’elle peut se traduire en différentes solutions, différentes politiques, et différentes idées concernant l’Europe et la façon dont la gouvernance européenne doit fonctionner. Toutefois, cela n’exclut pas que l’on travaille ensemble dans le but de créer une Europe plus démocratique.

LT : Nous avons pu lire que votre objectif pour les élections européennes est d’avoir des candidats dans au moins sept pays et de former un nouveau groupe au Parlement européen avec vos potentiels élus. Si vous n’obtenez pas suffisamment de parlementaires pour former un groupe, considéreriez-vous l’idée de rejoindre un autre groupe existant ?

VS : Cette question reste à discuter au sein du mouvement. Actuellement, nous nous concentrons tellement sur l’objectif d’obtenir des élus dans sept pays différents au Parlement européen afin de former le groupe, que la question de rejoindre un autre groupe reste secondaire.

LT : Enfin, serez-vous personnellement candidate en 2019, aux élections européennes ?

VS : Non, je ne le serais pas.

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