Le 4 octobre 2023, le Néerlandais Wopke Hoekstra a obtenu l’approbation des parlementaires pour prendre en charge le portefeuille de l’action climatique et du Pacte vert (Green Deal). Sous le second mandat d’Ursula von der Leyen, il est à nouveau appelé à travailler aux côtés du Parlement européen pour diriger la Commission en charge de l’action climat, de la neutralité carbone et de la croissance durable. Avec un parcours controversé, Hoekstra devra une fois de plus convaincre qu’il est capable de relever les défis environnementaux dans cette course contre la montre climatique.
Wopke Hoekstra : un parcours controversé au service de l’action climatique européenne
Wopke Hoekstra commence sa carrière politique en 2011, lorsqu’il est élu sénateur sous l’étiquette du parti de centre-droit l’Appel chrétien-démocrate (CDA). En 2017, il fait son entrée au gouvernement néerlandais en tant que ministre des Finances, un poste qu’il occupe jusqu’en 2022. Par la suite, il est nommé ministre des Affaires étrangères, fonction qu’il assume de 2022 à 2023, avant de se tourner vers la scène européenne.
En août 2023, le néerlandais Frans Timmermans démissionne de son poste de commissaire européen, laissant vacant le portefeuille de l’action climatique et du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal). S’ensuit une véritable partie de chaise musicale entre les partis européens pour s’approprier cette fonction stratégique. Après de longues négociations, deux noms émergent : Wopke Hoekstra (PPE) et Maroš Šefčovič (S&D). Bien qu’ appartenant à des camps politiques opposés, le Parlement européen leur accorde son feu vert le 5 octobre 2023, à l’issue d’un vote à Strasbourg. L’ancien ministre néerlandais et le vice-président slovaque de la Commission européenne, chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, se partagent ainsi le portefeuille dédié à l’action climatique et au Pacte vert.
Cependant, leur nomination n’a pas échappé aux critiques. Les partis de gauche, notamment, ont dénoncé le passé de Wopke Hoekstra dans le secteur privé. Manon Aubry (The Left) déclarait alors : « C’est un symbole catastrophique, alors que le Green Deal est déjà fragilisé au niveau européen. Tout son parcours révèle des conflits d’intérêts potentiels. Avec un ancien employé des énergies fossiles à la tête de l’action climatique européenne, on pourrait presque imaginer Monsanto en charge de la lutte contre les pesticides. »
Dans une lettre ouverte adressée au Parlement européen en octobre 2023, une cinquantaine d’ONG ont fermement contesté la nomination de Wopke Hoekstra à la tête du portefeuille de l’action climatique. Elles dénoncent notamment ses liens passés avec des groupes pétroliers et certaines décisions controversées prises durant son mandat ministériel. Parmi celles-ci figurent son soutien financier à la compagnie Air France-KLM, sans condition environnementale stricte, ainsi que son rôle présumé dans le ralentissement de la fermeture du "Droningue", un important gisement gazier.
Wopke Hoekstra a effectivement passé plusieurs années dans le secteur pétrolier, notamment chez Shell, avant de rejoindre le cabinet de conseil McKinsey, où il a travaillé de 2006 à 2017. Cependant, l’ancien ministre néerlandais réfute toute présomption de conflit d’intérêt et réaffirme son engagement envers l’Union européenne. Il promet de porter des projets ambitieux pour faire avancer la lutte contre le changement climatique.
Wopke Hoekstra face au défi d’un équilibre entre ambition climatique et contraintes économiques
Bien que le commissaire néerlandais préfère adopter un regard sur le long terme plutôt que dans la précipitation en matière d’enjeux environnementaux, l’urgence climatique demeure indéniable. Les récentes catastrophes naturelles en Europe, notamment les inondations meurtrières en Espagne, rappellent avec effroi l’ampleur de la mission qui l’incombe. A cet effet, Wopke Hoekstra réitère son engagement de respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, conformément à l’Accord de Paris. Il vise une réduction de 55 % d’ici 2030, une diminution nette de 90 % en 2040, et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour atteindre ces cibles, plusieurs initiatives sont détaillées dans la lettre de mission de la présidente de la Commission européenne.
L’application du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) reste cruciale. Cette législation climatique englobe des mesures visant à verdir l’agriculture, à réduire la pollution par les déchets et à restaurer la biodiversité.
Parmi les mesures phares se retrouve le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou « la taxe carbone européenne ». Introduit lors du précédent mandat d’Ursula von der Leyen, il est entré en vigueur le 1er octobre 2023. Ce dispositif impose un coût additionnel aux importateurs en fonction des émissions de gaz à effet de serre liées à leurs produits, afin de maintenir des standards environnementaux élevés au-delà des frontières de l’Union. Au-delà de protéger l’environnement, il vise à prévenir toute concurrence déloyale entre les entreprises européennes et celles des pays tiers. Durant son mandat, le commissaire européen est chargé de suivre l’évolution de ce mécanisme.
Le commissaire collabore étroitement avec son homologue chargé de l’Énergie, notamment en examinant les plans nationaux sur l’énergie et le climat. Chaque État membre soumet à la Commission européenne son programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La Commission évalue ces projets et, le cas échéant, formule des recommandations pour les améliorer.
Wopke Hoekstra sera également chargé de représenter l’Union européenne lors des sommets internationaux sur l’environnement. Il a déjà pris part à la COP 28, où il a soutenu la position européenne visant à élargir au maximum les mesures de protection climatique. Selon lui, « tous ceux qui en ont les moyens devraient contribuer. »
A l’instar des enjeux écologiques, le Néerlandais, issu d’un parti libéral, est également confronté à des défis fiscaux et économiques. La mise en œuvre des mesures environnementales se heurte à plusieurs obstacles. La droite européenne (PPE) a, notamment, insisté sur le fait que la politique climatique ne doit pas freiner le développement des entreprises. Par ailleurs, le secteur agricole exprime une forte opposition, dénonçant des exigences européennes jugées trop strictes et difficiles à respecter.
Dans ce contexte, le politicien néerlandais au profil controversé saura-t-il défendre efficacement les intérêts environnementaux pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par l’Union européenne ?
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