2023 : l’offre politique ne connaît pas la crise !

, par Alexis Vannier

2023 : l'offre politique ne connaît pas la crise !
Logos des partis Sources : sites officiels des partis politiques

C’est la quatrième année que Le Taurillon vous propose une rétrospective sur la création de partis politiques en Europe avec une liste non exhaustive. Les échéances électorales passées (Serbie, Pays-Bas, Espagne…) ou à venir (Moldavie, Allemagne, Russie…) mais aussi encore et toujours les conséquences de la guerre en Ukraine ont contribué à cette effusion partisane. La tendance en Europe reste assez stable avec une dynamique prononcée pour la droite nationaliste mais également des formations de gauche progressiste et conservatrice.

Apvienība Jaunlatvieši, Lettonie

L’Alliance des Jeunes Lettons est fondée le 11 février par Glorja Grevcova à la suite de son départ du parti “Pour la stabilité”. Elle reprend ainsi le flambeau russophile qui a peiné à franchir le seuil électoral lors du scrutin législatif de 2022. Cette Alliance des jeunes, classée parmi les conservateurs populistes du pays, milite pour l’élection directe du Président de la République (alors que le pays a élu le premier homme ouvertement homosexuel à sa tête en juin) et souhaite une position médiane entre l’Ouest européen et l’Est russe. À noter qu’à l’occasion de tractations pour une nouvelle coalition, le Premier ministre Karinš qui détient le record de longévité à laisser sa place à la jeune Evika Siliņa, dirigeant une nouvelle de centre-gauche, qui a d’ailleurs légalisé les unions civiles homosexuelles le 1er janvier dernier.

Белая Русь, Bélarus

“Rus blanche” a officiellement été enregistré en tant que parti politique le 18 mars. Il s’agit plus d’une confirmation que d’une réelle création, le Bélarus n’est pas une terre de grande innovation partisane. La dernière réforme électorale, réponse du pouvoir aux manifestations prodémocratiques suivant la fraude électorale de 2020, a en effet imposé à l’association du même nom de devenir un parti politique. Rus blanche existe depuis 2007 et fait office de base légale au dictateur Loukachenko. Le nouveau parti revendique ainsi 68 députés sur les 110 de la Chambre des représentants. Dans les faits, les partis communiste, patriotique et républicain ainsi que les indépendants soutiennent tous le pouvoir. Les électeurs ont envoyé deux opposantes au régime à l’occasion des élections de 2016, dont une membre du Parti civil uni, depuis interdit. Battues en 2019, elles sont les deux seules opposantes à avoir été élues dans le pays depuis la naissance de la dictature.

Клуб рассерженных патриотов, Russie

Le Club des patriotes en colère est fondé le 1er avril (ça ne s’invente pas) par d’ anciens militaires et un essayiste russes. Plus nationalistes que les nationalistes, les trois hommes ont créé leur mouvement dans le sillage de la guerre en Ukraine, perdant patience face aux lenteurs et aux erreurs de l’armée russe. Ce Club est un nouveau porte-parole de la peur de la défaite de leur pays qui conduirait à un coup d’État pro-occidental en Russie. Apparemment critique à l’égard du pouvoir, cette voix, qui s’ajoute à des centaines d’autres, pourrait servir les intérêts du Kremlin, en tous cas des partisans de l’intensification des efforts militaires contre Kiev. Il est l’exact opposé d’autres partis politiques appelant à la fin de l’agression, notamment le Comité d’action russe fondé par Gary Kasparov et Mikhaïl Khodorkovsky en 2022.

Totuuspuolue, Finlande

Le Parti de la Vérité est fondé le 26 avril dans le tout nouveau membre de l’OTAN. La Finlande nous a habitués à une profusion de partis nationalistes, mais celui-ci penche plus du côté de Moscou que de l’irrédentisme grand-finnois. Militant ainsi pour un rapprochement économique, politique et culturel avec la Russie, le parti estime l’Union européenne illégale et anticonstitutionnelle, et fait du “fake-journalisme” un cheval de bataille. Sa leader, Jaana Kavonius, n’a pas froid aux yeux : elle estime que l’ancien Président Sauli Niinistö mérite la peine de mort (elle risque une condamnation pénale pour ces propos) et elle n’hésite pas à arborer une superbe robe jaune canari sur le site de son parti, et même à se munir du costume de la Princesse Leïa. Reste à savoir de quel côté de la Force se situe-t-elle…

Sumar, Espagne

“Ajouter” est créé le 30 mai par la populaire ministre du travail, Yolanda Diaz. En 2020, elle devient la première communiste membre du gouvernement espagnol depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. Yolanda Diaz se démarque par son action : elle obtient l’augmentation du salaire minimum, elle interdit le licenciement pendant un congé maladie, elle contraint les plateformes numériques à salarier les livreurs… Sumar est donc un parti résolument à gauche. Poussé du pied par le Premier ministre Pedro Sanchez, Sumar forme une coalition avec, notamment Podemos (alors en perte de vitesse), Más País (social-démocrate), les écologistes d’Alianza Verde et différentes formations régionalistes à l’occasion des législatives de juillet. La coalition termine 4ème du scrutin, juste derrière la droite radicale de Vox et devient un partenaire logique du troisième gouvernement Sanchez.

Șansă, Obligații, Realizări, Moldavie

Derrière le solennel “Chance, Devoirs, Concrétisations” fondé le 26 juin, se cache le sigle ȘOR, en roumain, rappelant le parti Șor, interdit une semaine avant. Copie conforme de son double, le parti, du nom de son fondateur, conservateur et eurosceptique, était considéré comme le bras armé de Moscou dans ce petit pays coincé entre l’Union européenne et l’Ukraine assiégée, qui craint lui aussi pour son indépendance. Il a été interdit car soupçonné de préparer un coup d’État en février : des ballons espions (quelques temps après les ballons chinois au-dessus du sol étasunien) ont ainsi été repérés peu après la mise en garde par les services de renseignements de Kiev de la possibilité d’une action d’agression contre son voisin. Dans le même temps, Șor organise des manifestations anti-gouvernementales voire prorusses, très vite suivies cependant par d’immenses manifestations loyalistes et favorables à l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne. La dissolution du parti a été prononcée dans la foulée par la Cour constitutionnelle. ȘOR, son émanation, n’a pas pu participer aux élections locales de novembre, avec peu de conséquences sur le scrutin puisque le parti gouvernement a remporté haut la main les élections avec une participation comparable au scrutin de 2019. Une élection présidentielle sous haute tension est prévue à l’automne prochain.

Зелено–леви фронт, Serbie

Le Front de la gauche verte a été créé le 14 juillet en Serbie. À l’origine de ce parti, une coalition d’opposition municipale dans le capitale “Ne laisse pas tomber Belgrade”, face à la majorité tenue par le SNS, le parti au pouvoir… partout. En réponse aux nombreuses manifestations contre la violence qui se sont muées en opposition au gouvernement Brnabić, plusieurs petites formations nationales se sont coalisées pour former ce nouveau Front de gauche socialiste, écologiste et pro-européenne. Le Front de la gauche verte a rejoint la coalition “Serbie contre la violence” à l’occasion des élections législatives de décembre dernier. La coalition obtient 65 sièges (dont 9 pour le Front) mais les observateurs internationaux dénoncent des fraudes électorales significatives. Les manifestations ont depuis repris contre le gouvernement

Nieuw Sociaal Contract, Pays-Bas

Le 19 août, le Nouveau contrat social (NSC) est créé par un député qui a le vent en poupe, Pieter Omtzigt. Issu de l’Appel chrétien-démocrate, parti coalisé dans le gouvernement Rutte, il est chassé de son parti parce qu’il a contribué à rendre public le scandale des allocations sociale, faisant chuter le Premier ministre en téflon. Pour faire amende honorable et surfer sur sa probité gagnée, il fonde le NSC autour de l’idée de bonne gouvernance, chère au cœur des Néerlandais. Le programme reste cependant flou, malgré de grandes orientations assez classiques : conservatisme, euroscepticisme modéré (soutien à des clauses d’opt-out), libéralisme économique… Malgré une belle percée dans les sondages, le mouvement recueille “seulement” 12,9% des voix lors des élections législatives de novembre, remportées haut la main par la droite radicale du VVD (Parti populaire pour la liberté et la démocratie) . Les négociations sont en cours, même s’il existe de grandes chances que le NSC fasse partie du prochain gouvernement bien à droite des Pays-Bas.

Bündnis Sahra Wagenknecht, Allemagne

Créée par la députée fédérale Sahra Wagenknecht le 26 septembre, cette alliance se calque sur le modèle des formations centrées sur un personnage politique que l’on retrouve souvent dans les petites démocraties parlementaires comme la Slovénie, l’Autriche ou les Pays-Bas. Il consacre une voie singulière à gauche, conservatrice sur le plan des mœurs, opposée à l’immigration, peu favorable à l’écologie politique et peu encline à soutenir l’effort de guerre en Ukraine. L’Alliance pourrait être la version “libérale” des formations de gauche “illibérale” que l’on trouve en Slovaquie, en Bulgarie ou en Serbie. Sahra Wagenknecht accuse son ancienne formation, Die Linke, de s’être embourgeoisée, plus préoccupée par les pronoms, le racisme que par les luttes sociales, et crée son parti dans un contexte tendu pour la gauche allemande : Die Linke a tout juste sauvé quelques meubles lors des élections fédérales de 2021 et la coalition de centre-gauche chute lourdement dans les sondages, au profit de la droite radicale AfD (Alternative für Deutschland) notamment. Revendiquant 10 députés fédéraux, le BSW aura l’occasion de tester ses idées lors de scrutins régionaux à haut risque en 2024 en Thuringe, au Brandebourg et en Saxe.

Transform, Royaume-Uni

La volonté de ce parti créé le 25 novembre est claire : transformer ! Et de transformations, la vie politique britannique semble en être pourvue. Le parti est issu de la fusion de plusieurs petits partis de gauche et locaux : Unité de gauche, le Parti de la rupture, l’Alliance populaire de gauche et des indépendants de la ville de Liverpool. Le duopole exercé par le Labour et les Tories semble malgré tout tenir, même si plusieurs partis existent à la marge, notamment le Parti nationaliste écossais ou encore le Reform Party, héritier du turbulent UKIP (UK Independence Party). En 2022, ce sont des écologistes qui avaient tenté de rallier des sympathisants libéraux. Parmi les leaders du nouveau parti, on trouve Maia Thomas, une activiste qui s’est illustrée dans le mouvement Black lives matter.

Νέα Αριστερά, Grèce

La Nouvelle gauche est créée dans le berceau de la démocratie le 5 décembre par des transfuges de Syriza. En effet, le parti de la gauche radicale qui a gouverné le pays avec son leader charismatique Alexis Tsipras entre 2015 et 2019 est en pleine crise existentielle. Le parti a subi un revers électoral cinglant lors des deux scrutins législatifs de 2022 à l’issue desquels il perd 39 députés et surtout près de 800 000 voix par rapport à 2019. Alexis Tsipras a rapidement quitté le navire et c’est un ancien banquier de Goldman Sachs, Stefanos Kasselakis, qui a été élu pour tenter de redresser la barre. Seulement, le virage au centre opéré par le parti, sur le modèle du Parti démocrate étasunien, ne plaît pas à une bonne partie des ténors. Depuis, ce sont donc 11 députés et 1 eurodéputé qui ont donc décidé de reprendre le flambeau de l’anticapitalisme, de l’euroscepticisme de gauche et du sécularisme en Grèce.

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