Democracy under pressure : L’élection présidentielle slovaque, marchepied ou frein pour “l’Etat mafieux” de Robert Fico ?

, par Konstantin Chopov , traduit par Paul Brachet

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Democracy under pressure : L'élection présidentielle slovaque, marchepied ou frein pour “l'Etat mafieux” de Robert Fico ?

Samedi 23 mars, les Slovaques se sont rendus aux urnes pour élire leur prochain président. Bien que la présidence en Slovaquie soit historiquement cérémonielle, l’élection de cette année aura sans doute l’impact le plus profond sur le futur de la démocratie dans le pays d’Europe centrale.

Selon les sondages, le probable vainqueur du second tour de la présidentielle est Peter Pellegrini, l’un des plus proches alliés de l’actuel Premier ministre populiste et vétéran de la politique slovaque, Robert Fico. [Le second tour de l’élection présidentielle, qui a lieu ce 6 avril, oppose Peter Pellegrini à Ivan Korčok. NDLR] Sous le règne de M. Fico qui a commencé en octobre 2023, la Slovaquie a commencé à se transformer progressivement en un paria au sein de l’UE, rejoignant la Hongrie de Viktor Orbán.

L’élection de Pellegrini à la présidence pourrait avoir des conséquences importantes sur la vitalité de la démocratie slovaque. Dans cet article, nous allons nous pencher sur la gravité de ces implications et, plus important encore, sur le chemin parcouru par la Slovaquie depuis l’élection de Fico en 2023.

Le rôle limité mais central de la Présidence slovaque

Il est nécessaire de souligner que bien que la Slovaquie soit une république parlementaire où le Premier ministre joue un rôle central dans l’élaboration des politiques, l’étendue des pouvoirs du Président slovaque est assez significative. Le Président peut opposer son veto et retarder la législation par le biais de demandes de révision constitutionnelle, il peut également nommer et révoquer les juges de la Cour suprême du pays. Ainsi, la Présidente slovaque sortante, Zuzana Čaputová, représentante du camp libéral du pays, qui était au pouvoir avant l’accession de Robert Fico et qui a récemment accusé le Premier ministre de "tester les limites de la démocratie", a fait contrepoids aux décisions législatives controversées du gouvernement populiste. Ainsi, au début de l’année, elle a tenté de bloquer la législation visant à démanteler le bureau anti-corruption du pays. Par conséquent, l’élection de Pellegrini à la présidence supprimera cet effet de contrepoids, renforçant la mainmise de Fico et de sa coalition sur le pouvoir, ouvrant la voie à une politisation accrue du système judiciaire. Cela, alors que Fico est déjà accusé par certains commentateurs d’"essayer de créer un État mafieux".

Cependant, même si la présidence de Mme Čaputová a posé quelques obstacles au programme politique du gouvernement de M. Fico, elle n’a jamais été un obstacle absolu à son adoption. Tout d’abord, malgré la résistance de Z. Čaputová, Fico a réussi à fermer le bureau anti-corruption du pays, menaçant par ce fait l’État de droit en Slovaquie. Certains commentateurs suggèrent que la motivation première de cette décision ont été les multiples enquêtes ouvertes par le bureau susmentionné contre R. Fico et plusieurs membres de son parti, le SMER, qui en 2022, avec le ministre de l’intérieur Robert Kalinak, ont été accusé d’avoir mis en place un “groupe de crime organisé”. Aujourd’hui, alors que R. Fico est redevenu Premier ministre et que Kalinak a été nommé son adjoint, le principe démocratique le plus fondamental de l’égalité devant la loi est fortement menacé en Slovaquie.

Une liberté d’expression en perdition

En matière de liberté d’expression, le bilan de cinq mois du gouvernement Fico est également très alarmant. En 2018, il a démissionné de son poste de Premier ministre en raison des liens présumés de son gouvernement avec l’assassinat du journaliste slovaque Jan Kuciak, qui, peu avant sa mort, avait commencé à enquêter sur les liens potentiels des responsables du gouvernement slovaque avec la CIA. Après son retour au poste de Premier ministre en 2023, M. Fico a fréquemment qualifié les médias à tendance libérale de "médias ennemis" et a accusé la direction du principal radiodiffuseur public slovaque, la Radio et Télévision de Slovaquie (RTVS), de "ne pas remplir ses obligations". Peu après, le gouvernement a annoncé son intention de fermer RTVS et de la remplacer par une nouvelle institution dont la direction sera composée de fonctionnaires désignés par le gouvernement.

Une démocratie sous pression

Dans l’ensemble, il est évident que même si l’élection présidentielle est remportée par l’ancien ministre des affaires étrangères libéral, Ivan Korčok,l’orientation politique actuelle du gouvernement Fico, quant à elle, ne sera pas dévier.

Sous Robert Fico, la démocratie slovaque est indubitablement “under pressure” : les principes fondamentaux de la démocratie libéral, tels que l’exercice du pouvoir dans le cadre de règles et de réglementations juridiques prédéfinies, l’équilibre des pouvoirs, la responsabilité institutionnelle et, plus important encore, la centralité de la volonté populaire dans l’action du gouvernement politique, sont gravement mis à l’épreuve. La victoire de Pellegrini à la présidentielle augmentera probablement encore cette pression, accélérant l’érosion démocratique de la Slovaquie et conduisant à des sanctions potentielles de la part de Bruxelles, comme le blocage des fonds de l’UE, tel que le connaît aujourd’hui la Hongrie.

Si le règne de Fico a d’or et déjà un impact négatif sur la situation politique de la Slovaquie, il pourrait en être de même sur la situation socio-économique du pays.

Ce texte a été écrit, et traduit, dans le cadre de la campagne Democracy Under Pressure des JEF Europe.

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