L’opposition fait tomber les conservateurs en Pologne

, par Alexis Vannier

L'opposition fait tomber les conservateurs en Pologne
Sejm, chambres basse du Parlement polonais ©Krzysztof Belczyński, Site officiel Sejm.

Après deux victoires en 2015 et 2019, le gouvernement national-conservateur polonais remettait son mandat en jeu à l’occasion des élections parlementaires (chambres basse et haute) dimanche dernier, scrutin couplé avec un référendum pour le moins politisé. Retour sur l’événement électoral européen de l’automne.

Le parti au pouvoir recule, les oppositions progressent

Si le Parti Droit et Justice (PiS) maintient sa première place, il subit un léger revers : en 2019, 43,6% des votes s’étaient portés vers lui, aujourd’hui, ils ne sont plus qu’à peine 35%, le nombre de représentants passant ainsi de 235 à 175, au Sejm, la Diète polonaise, qui comprend 460 sièges au total. Derrière, arrive la principale coalition de l’opposition formée autour de la Plateforme civique (PO) qui maintient son score de 2019 autour des 30,3%. En quatrième position, l’extrême-droite de la Confédération augmente son score : 7,2% des électeurs lui ont fait confiance, envoyant une trentaine de ses candidats à l’Assemblée. Troisième Voie est une nouvelle coalition formée du Parti paysan et de Pologne 2050 (PL2050) qui a émergé avec le candidat surprise de la présidentielle de 2020 Szymon Hołownia. Après de très bons sondages en début d’année, la coalition empoche 14% des voix et conquiert environ 70 strapontins. La grande coalition de gauche, elle, fait moins bien qu’en 2019 : à peine 8,5% des électeurs lui ont accordé leur vote, ce qui ne représente qu’une quarantaine de sièges remportés. En 2019, elle gagnait 12% dans les urnes et 49 sièges à la chambre basse.

Avec environ 250 sièges, les partis libéraux s’assurent ainsi une majorité absolue à la chambre basse, leur permettant de bouter le PiS hors du pouvoir. Bruxelles a poussé un soupir de soulagement en cette mi-octobre, la Pologne semble ainsi retrouver la voie d’un libéralisme pro-européen. On devra toutefois patienter quelques jours, voire semaines avant d’obtenir les résultats définitifs.

À noter également une participation record à 73% ! Du jamais vu depuis le retour de la démocratie dans le pays, permettant enfin une plus grande légitimité au gouvernement qui sortira des urnes.

Ces élections apparaissent comme la dernière chance de l’opposition, qui était parvenue à organiser une manifestation monstre contre le gouvernement en juin dernier. Le scrutin présidentiel de 2020, avait été remporté in extremis (51,03%) par le sortant Andrzej Duda, membre du PiS. La forte mobilisation (en hausse de 15,6% pour le premier tour) n’avait alors pas suffi au candidat de la PO et maire de Varsovie Rafał Trzakowski.

Une campagne à l’image des huit ans de gouvernement

La campagne, baignant parfois dans le lamentable, est très virulente, très politisée, en atteste le référendum qui se tenait le jour même. Instrument de campagne inédit du parti au pouvoir, le recours à un référendum. Les questions sont sciemment posées de sorte à apparaître comme des arguments de campagne de l’opposition. Elles portent sur la privatisation d’entreprises publiques, le report de l’âge de départ à la retraite, le nouveau pacte migratoire européen et le retrait de la barrière à la frontière biélorusse. Leur formulation est pour le moins équivoque puisque l’on parle de “ perte du contrôle par les polonais de secteurs stratégiques de l’économie”, “l’admission de milliers de migrants illégaux” ou encore de mécanisme “imposé par la bureaucratie européenne”, soit une illustration assez claire du populisme. Avec un pouvoir judiciaire mis au pas par le gouvernement depuis huit ans, gageons que ce référendum soit bien conforme à la Constitution.

Si la question de la guerre en Ukraine rencontre peu d’antagonisme (la Pologne se sentant légitimement menacée par ses voisins russe et biélorusse), les conséquences sont autant de sujet de discords. Importation de céréales ukrainiennes, traitement des réfugiés, gestion des frontières… La sécurité restant un thème phare, mis en avant par le pouvoir, qui a d’ailleurs promis de porter son budget défense de 2,4% à 4% de son PIB. Les questions sociétales sont encore problématiques, même pour l’opposition qui avait retiré son investiture à Yana Shostak, une figure de l’opposition bélarusse, pour ses positions trop libérales à propos de l’avortement. Pour satisfaire les électeurs plus modérés, le gouvernement PiS s’est engagé à créer un ministère de la transition énergétique à l’issue du scrutin, soit huit ans après son accession au pouvoir.

Ce gouvernement, aura été le fer de lance dans de nombreuses luttes. Tout d’abord, contre le pouvoir judiciaire (en atteste les nombreuses actions en justice intentées par la Commission européenne), mais aussi contre l’égalité (c’est le même qui promouvait les zones dites “LGBT-free”, aujourd’hui abandéonnes pour des quetsions financières), ou encore contre la liberté (d’avorter par exemple). Varsovie aura néanmoins été un soutien indéfectible pour son voisin ukrainien dans sa volonté d’adhérer à l’OTAN, mais aussi de manière pratique en déboursant plus de 4 milliards € pour Kiev avec la promesse de lui livrer des avions de combat, jusqu’à un changement de ton récent montrant plus de réticences envers Kiev.

La grande coalition centriste qui se prépare à gouverner rappelle les gouvernements larges qui se sont formés en Tchéquie, en Slovaquie ou en Bulgarie ces dernières années. Dans chacun de ces exemples, les partis visés par l’opposition sont soit revenus au pouvoir, soit en tête dans les sondages, patientant jusqu’à la prochaine élection. À charge donc pour Donald Tusk, le probable prochain Premier ministre, d’accomplir ses promesses électorales et éviter le retour du PiS dans 4 ans.

Financé par l’Union européenne. Les points de vue et avis exprimés n’engagent toutefois que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA). Ni l’Union européenne ni l’EACEA ne sauraient en être tenues pour responsables.

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