Pénurie d’eau en Europe : le Parlement européen hausse le ton

, par Kylian Rochetin

Pénurie d'eau en Europe : le Parlement européen hausse le ton
Le Conseil, représenté par l’espagnol Pascual Ignacio Navarro Rios, alertait au sein de l’hémicycle des défis liés à l’accès à l’eau en Europe. © Parlement européen

Suite à une année 2023 relevant des températures particulièrement élevées, les alertes « sécheresse » se sont multipliées sur tout le territoire européen. Selon l’Observatoire européen de la sécheresse, plus d’un quart de l’Europe serait concernée par des conditions climatiques extrêmes. Les États européens méditerranéens sont en première ligne, comme l’Espagne, l’Italie ou la Grèce. La France a également été particulièrement concernée par ses épisodes : plus de 500 arrêtés préfectoraux ont placé un territoire français à l’état de crise sécheresse depuis le début de l’année 2023. Ainsi, c’est dans ce climat de tension hydrique aiguë en Europe que les députés européens et la Commission ont débattu sur les objectifs et les mesures à apporter pour surmonter cette crise sans précédent.

Les pays de l’Union européenne faisant face à une pénurie d’eau

La crise de l’eau est inscrite à l’agenda européen pour la lutte contre le réchauffement climatique. La question occupe depuis maintenant une vingtaine d’années les débats parlementaires européens. En effet, plusieurs directives concernent déjà la gestion des zones d’eau en Europe, ou la répartition des districts hydrographiques. Par exemple, une directive cadre d’eau (DCE) adoptée en 2000 énonce les objectifs visant à lutter contre la pollution des eaux, ou encore la directive de 2006 relative à la protection des eaux souterraines met en place les premières règles en matière de sauvegarde des eaux profondes.

Ces mesures visent principalement à préserver de la pollution les ressources en eau douce. Cependant, de nouveaux enjeux doivent désormais entrer en considération : les périodes de sécheresse de plus en plus dévastatrices. En écho à ce contexte alarmant, les députés européens ont déploré la situation des départements et territoires d’Outre-Mer français, telle que Mayotte. Cette île a connu une sécheresse particulièrement violente. L’eau est coupée un jour sur trois afin de tenir jusqu’à la nouvelle saison de pluie en décembre.

Les députés soulèvent aussi les soucis d’hygiène entraînés par la sécheresse. Il ressort des canalisations une eau terreuse. Les opinions s’affrontent quant à la gestion de l’approvisionnement en eau : une opposition accuse l’inaction du gouvernement français, face aux soutiens de la majorité qui déplorent une situation plus difficile que prévue.

De plus, les épisodes de sécheresse ont grandement affecté l’agriculture européenne. En effet, les cultivateurs sont les premiers consommateurs d’eau. Les gouvernements les incitent à développer, si ce n’est de radicalement changer, leur système d’irrigation pour garantir une distribution optimale de cette ressource. Cependant, il s’agit d’un investissement souvent coûteux dont les agriculteurs n’ont pas toujours le luxe de s’offrir… En raison de ces difficultés, un appel à des aides pour favoriser la gestion de l’eau sur le territoire européen est lancé par les parlementaires.

Débat parlementaire : quels sont les problèmes visés ?

Aux travers des différentes prises de paroles, un nombre conséquent de problèmes a été soulevé. Le représentant du Conseil de l’Union européenne désigne dans ses propositions un obstacle important : celui de la pollution. En effet, l’un des freins majeurs à la gestion de l’eau est l’assainissement difficile des milieux humides, notamment concernant les zones urbaines. Il s’agit d’une perte considérable puisque ces ressources peuvent servir à approvisionner des réserves ou à permettre l’arrosage d’espaces agricoles. Cependant, la dépollution de ces eaux est très coûteuse en énergie. Pour cette raison, les projets visent principalement à éviter ces pollutions, ou cherchent à favoriser un traitement des eaux usées de manière à optimiser l’usage de cette ressource. Le traitement est également nécessaire pour éviter le gaspillage. Les parlementaires mettent en avant une meilleure prise en compte des cycles d’eau avec un usage multiple.

De plus, la gestion des eaux connaît un problème géographique. La présence des sources n’est pas égalitaire sur le territoire européen. Certaines zones sont naturellement plus exposées à des risques que de sécheresses et donc sont mises dans des situations de précarité plus aiguës. Par exemple, si la Pologne n’est pas un État particulièrement chaud, il connaît des périodes de sécheresses importantes à cause de son manque de réserve d’eaux souterraines.

Enfin, outre les soucis pratiques quant à la gestion de l’eau, les parlementaires accusent une présence trop tardive dans les débats concernant le domaine hydrique. Certains députés déplorent qu’il faille encore attendre que la crise arrive pour intervenir, rappelant que les travaux du GIEC ont à maintes reprises alerté sur la situation critique de l’Europe en matière d’exposition aux risques des changements climatiques. Certains partis reprochent notamment une monopolisation des débats autour des mêmes enjeux sécuritaires et migratoires, sans s’attaquer au fond des problématiques concernant les citoyens européens.

Quelles solutions ?

Les problèmes ayant été cernés, il s’agit désormais d’avancer des solutions. De manière générale, certains députés proposent la réalisation d’un pacte bleu qui, à l’instar du pacte vert, fixe des objectifs en matière hydrique. Il s’agit d’un dispositif non contraignant afin d’orienter les législations des différents Etats européens vers une politique permettant l’assainissement et la bonne distribution d’eau sur le territoire européen.

Cependant des difficultés sont pointées quant aux nécessaires réhabilitations des infrastructures désuètes et source de fuites, parts importantes du gaspillage d’eau. Les parlementaires appellent à une augmentation des investissements en matière de rénovation des infrastructures afin d’éviter ces fuites.

Dans la poursuite d’une lutte contre le gaspillage de l’eau, il est proposé d’assurer un cycle de l’eau afin de permettre un usage efficient de la ressource. Concrètement, cela s’apparente à un usage multiple de l’eau. Les exemples internationaux existent comme l’utilisation des eaux d’assainissements pour l’entretien des espaces verts urbains. Cela répond ainsi à un double enjeu, celui du traitement des eaux usées qui ne seront pas relâchées dans les milieux naturels et celui de la végétalisation des villes et la lutte contre les îlots de chaleur urbains.

Concernant le financement, les parlementaires proposent à nouveau de remettre à la charge des pollueurs le soin de couvrir les frais de leurs dégâts. En effet, la cause de l’eau est fortement liée à celle de l’environnement. Par conséquent, sont visés par ces propos les grands acteurs économiques ne respectant pas les normes environnementales demandées par l’Union européenne.

Enfin, l’eau étant une ressource essentielle pour les citoyens européens, il est nécessaire de l’ériger en bien public. Cette qualification permet d’assurer une meilleure distribution et d’éviter des abus concernant le coût de cette denrée en période de pénurie. Il s’agit aussi d’éviter une fracture sociale déjà relevée ces dernières années en Europe. Il ne faut pas oublier que ces crises sont les signes avant-coureurs d’un accroissement des inégalités sociales. Ainsi la politique de gestion de l’eau doit être un rempart face à ces dernières.

Dans un contexte d’élections prochaines du Parlement européen, la mobilisation citoyenne sera déterminante pour l’avenir d’une politique de l’eau européenne, durable et solidaire.

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