“Réarmement démographique” : les politiques de natalité dans l’UE

, par Mathis Puyo

 “Réarmement démographique” : les politiques de natalité dans l'UE
Le 16 janvier 2024, le Président de la République française, Emmanuel Macron, a mis en avant l’évolution démographique de la France, appelant les Français à un « réarmement démographique ». © Kremlin, Wikicommons

Le 16 janvier 2024, le président de la République française, Emmanuel Macron, a mis en avant l’évolution démographique connue par l’hexagone. Cette dernière ne fait pas exception sur le Vieux continent. Avec un taux de fécondité moyen de 1,53, soit en dessous du taux de reproduction de la population de 2,01, l’UE voit sa population vieillir tandis que certains pays membres font face à une diminution de leur population. Les politiques natalistes des Etats membres se retrouvent donc sous les projecteurs mettant en avant les enjeux d’une baisse de la population.

Une démographie en berne

Au 1er janvier 2023, l’Union européenne comptait 448,3 millions d’habitants se positionnant derrière les géants démographiques que sont la Chine et l’Inde. L’Allemagne est le pays le plus peuplé suivi de la France et de l’Italie. Des projections indiquent que l’UE devrait dépasser les 450 millions d’habitants d’ici deux ans puis connaître une diminution progressive de sa population. Avec un taux de fécondité moyen de 1,53 enfant par femme, l’UE n’assure pas un renouvellement soutenable de sa population. Certains pays membres connaissent déjà des difficultés. En effet, l’Italie est passée sous la barre des 60 millions d’habitants il y a dix ans tandis que des projections annoncent une baisse de 20% de la population d’ici 2070. À l’Est, la Bulgarie et la Roumanie font face à une fuite des cerveaux depuis la fin des démocraties populaires entraînant une augmentation de la part des personnes âgées dans l’ensemble de la population. D’après le rapport de la Commission sur l’impact du changement démographique, l’Union européenne a vu sa population active diminuer de 5 millions. En 2021, la part des plus de 65 ans est passée au-dessus des 20% et tend à s’accroître alors que la totalité des 15-29 ans dans la population de l’UE avait atteint 16,3% en 2021. Aucun pays de l’Union européenne ne fait exception, tous voient l’âge médian de leur population augmenter tandis qu’aucun ne possède un taux de fécondité supérieur au taux de renouvellement.

Ces chiffres et ces projections traduisent des évolutions de comportement dans l’UE. L’allongement des études repousse l’âge du premier enfant tandis que l’équilibre entre vie de famille et carrière professionnelle est primordial. La question environnementale et la surpopulation humaine reviennent de plus en plus dans les débats. Enfin, les perspectives économiques restent des facteurs influençant le taux de fécondité. La diminution de la population et le vieillissement de la population de l’UE implique des choix de société et politique.

Quelles conséquences économiques ?

L’un des arguments utilisés par le président français est la perturbation du système économique. En effet, une baisse de la population ainsi que son vieillissement entraînent une réorganisation des dépenses de l’Etat pour absorber l’évolution démographique. Une augmentation de la productivité devient primordiale à travers des apports technologiques et l’amélioration des compétences individuelles. Cela peut être combiné à l’intégration d’une main-d’œuvre extérieure pour certains secteurs économiques. Le recours à la robotisation est présenté comme une alternative au vieillissement de la population mais cela implique des investissements colossaux. Par ailleurs, l’espérance de vie en bonne santé ayant augmenté, certains individus choississent de continuer leur carrière professionnelle au-delà de l’âge de la retraite. Ce dernier varie selon les pays membres mais sa hausse est invoquée pour assurer la pérennité des systèmes de retraite. En effet, une baisse de la population active entraîne une diminution des ressources de financement alors qu’en parallèle le vieillissement de la population pousse logiquement une hausse du nombre de retraités impliquant une augmentation du budget des retraites. Dès lors, un déséquilibre s’installe qu’il convient de combler. À cela s’ajoute, un accroissement des dépenses liées à la santé. En somme, ce sont les systèmes de protection sociale qu’il faut adapter.

Au début de l’année 2023, la Commission européenne avait précisé lors de sa réponse à la question écrite de l’eurodéputé Jean-Paul Garraud de Identité et Démocratie (ID) que “Avoir des enfants est une question de choix individuel et l’UE n’est pas compétente en ce qui concerne le droit de la famille, qui relève de la compétence des États membres.”. Dès lors, il revient aux Etats membres de mettre en place leur propre politique nataliste dans l’objectif d’influencer le comportement de leurs citoyens.

La multiplication des politiques natalistes

Les pays membres mettent en place leur propre politique nataliste entraînant des disparités au sein de l’UE. Cette dernière a indiqué à travers la directive 2019/1158 concernant « l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants » que le travailleur a le droit à un congé parental de quatre mois dont deux payés jusqu’aux 8 ans de l’enfant. Le congé parental est un élément important d’une politique nataliste car il permet aux parents de préparer au mieux l’arrivée de l’enfant. Le congé parental devrait même être remplacé en France par un congé de naissance jugé plus attractif. Il est aujourd’hui de 429€ par mois jusqu’au trois ans de l’enfant. En Espagne, le congé maternité et paternité durent chacun 16 semaines avec une rémunération pleine. La récente loi de finance 2024 italienne permet aux parents de prendre jusqu’à 10 mois de pause pendant les 12 premières années de vie de l’enfant. Si le congé est pris pendant les six premières années de l’enfant, le versement alterne entre 80% et 60% du salaire total. Une aide de 3600 € est fournie aux familles les plus démunies pour les frais de crèche. Au nord de l’Europe, la Suède autorise 16 mois de congés répartis équitablement entre les deux parents. Pendant 195 jours, 78% du salaire est versé dans la limite de 44 000€. Outre-Rhin, le congé parental s’étale sur un an avec un versement allant de 300€ au 2/3 du salaire dans la limite de 1800€. En Pologne le congé parental correspond à 9 mois avec 70% du revenu versé chaque mois.

À travers, le congé parental, les Etats membres souhaitent faciliter l’arrivée de l’enfant sans perturber l’équilibre entre la vie privée et vie professionnelles des parents. Certains États ont aussi fait le choix d’élaborer des aides financières à la naissance. La Hongrie qui a organisé l’année dernière un sommet sur la démographie garantit des aides pour les grands-parents gardant leurs petits enfants tandis que des prêts de 30 000€ de l’Etat sont accessibles. Après le troisième enfant, il n’est plus nécessaire de le rembourser. En Grèce, 2000€ sont accordés après une naissance à la femme si cette dernière réside légalement et depuis un certain temps sur le territoire national. Bien qu’il en existe encore plus, les chiffres cités permettent de se rendre compte de la disparité des politiques natalistes des pays européens.

L’évolution démographique des pays de l’Union européenne interroge sur la pérennité des systèmes économiques tout en mettant en avant le sentiment de déclin des européens. Le « réarmement démographique » voulu par Emmanuel Macron est un exemple de la multiplication des politiques natalistes au sein de l’UE sur le long terme. Thomas Malthus se retournerait dans sa tombe.

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