Révision du budget 2024 de l’UE : trouver de nouvelles sources de financement dans un monde de crises

, par Florian Pileyre

Révision du budget 2024 de l'UE : trouver de nouvelles sources de financement dans un monde de crises

“L’argent est le nerf de la guerre”. Cette citation attribuée à Cicéron a pris tout son sens lors du Conseil européen des 26 et 27 octobre, où la proposition de hausse du budget européen 2024 était sur toutes les lèvres sur fond de multiplication des conflits tant en Ukraine qu’en Palestine.

Les dirigeants des 27 Etats membres étaient réunis à Bruxelles fin octobre dernier avec un agenda très clair : trouver une position commune sur la situation à Gaza et avancer sur la révision du Cadre financier pluriannuel (CFP), c’est-à-dire le budget de l’UE pour l’année 2024. La persistance de la guerre en Ukraine, la pression migratoire grandissante et la situation humanitaire dramatique en Palestine poussent l’UE à augmenter son budget pour y répondre. Pour autant, les finances des Etats membres ne sont pas au beau fixe et les tensions inflationnistes réduisent considérablement les volontés politiques et les marges de manœuvres budgétaires. De longues et difficiles tractations sont à prévoir dans les couloirs de Bruxelles et des capitales européennes.

Un premier accueil glacial des Etats membres à la proposition d’augmentation du budget 2024

Si le Cadre financier pluriannuel (CFP) est planifié sur une période de sept ans, ici pour la période 2021-2027, le budget peut faire l’objet d’une révision chaque année pour s’adapter aux éventuelles crises ou à des nouvelles priorités de l’UE. En l’occurrence, la guerre qui s’éternise en Ukraine et le soutien durable de l’Europe à Kiev sont un exemple de la flexibilité demandée sur le budget de l’UE ces derniers temps.

C’est pourquoi Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, a présenté en juillet dernier sa proposition de réforme du CFP en proposant une rallonge du budget européen de 66 milliards d’euros pour l’année 2024. Une large partie de ce complément, soit 50 milliards d’euros, concerne le soutien financier à l’Ukraine via notamment la Facilité européenne pour la paix. Le reste est destiné à renforcer les priorités identifiées par la Commission et les Etats membres : aide humanitaire à la Palestine, renforcement des dispositifs pour gérer les flux migratoires et le soutien au développement des technologies stratégiques de l’UE.

Toutefois, la proposition de la Commission a reçu un accueil relativement glacial dans nombre de capitales européennes ; le montant en est jugé excessif au regard du contexte inflationniste et de la relance difficile des économies nationales suite à la crise de la Covid-19. A ce sujet, les 27 ont montré leur réticence à une hausse des contributions nationales financières à l’Union, en justifiant un danger structurel pour leur dette publique, et dans ce cadre, un risque de défaut de paiement. Du fait de cette opposition à la proposition budgétaire initiale d’Ursula von der Leyen, l’enjeu du dernier Conseil européen était de se rapprocher d’un compromis et d’échanger autour de l’articulation des sources de financement du budget européen, en vue d’un accord d’ici décembre 2023.

Les conclusions du Conseil européen du 26 et 27 octobre dernier ont dégagé certaines tendances. D’une part, l’opposition des leaders européens à la réforme du CPF s’est confirmée. Tout en validant les priorités identifiées par la Commission européenne, ils demandent à cette dernière de revenir avec une nouvelle proposition de réforme du budget au prochain Conseil européen. D’autre part, les Etats membres ont affiché de fortes réserves à ce que la hausse du budget européen se fasse via l’augmentation des contributions financières nationales à l’UE, et demandent par conséquent à ce que la Commission étudie plus en profondeur d’autres sources de financement.

Quelles sont les variables d’ajustement de budget européen ?

Le budget européen est alimenté par deux types de sources de financement : les contributions financières nationales des Etats membres et les ressources propres de l’UE. Lors de la conférence de presse de clôture du Conseil européen, Ursula von der Leyen a rappelé que l’équilibre du budget pouvait en théorie dépendre d’un ajustement de ces deux sources de financement et en y ajoutant également la possibilité de redéployer les fonds prévus pour d’autres programmes européens (comme ceux de la PAC, des fonds de cohésion ou encore du programme Erasmus+), ce qui impliquerait ainsi nécessairement des coupes budgétaires. C’est cette dernière option qui est la plus probable pour décembre 2023, puisque les Etats membres ont déjà affiché leur désaccord quant à une augmentation de la part des contributions nationales et que les fonds propres européens sont difficilement extensibles. Effectivement, à ce sujet, von der Leyen a indiqué que de nouveaux fonds propres seront disponibles avec le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières, mais seulement à partir de 2028, rendant l’option inutilisable pour le budget 2024. Enfin, la Présidente de la Commission a souligné qu’en dernier recours, elle envisagerait d’abandonner certains projets inclus dans la proposition de révision du budget afin d’en faire baisser la note finale. Elle a précisé que dans ce cas, ce serait très certainement les projets de financement de capacités industrielles stratégiques et y compris de défense, notamment pour le programme Plateforme de Technologies Stratégiques pour l’Europe (STEP), qui seraient abandonnés.

Casse-tête en vue des négociations sur la révision du Cadre financier pluriannuel 2024

De longues tractations sont à prévoir entre la Commission européenne et le Conseil européen pour arriver à un compromis satisfaisant tous les Etats membres. Plus particulièrement, les négociations sur le redéploiement des fonds européens devraient relever d’un véritable exercice d’équilibriste. Par exemple, les États membres d’Europe centrale et orientale vont très probablement se montrer relativement inflexibles sur une diminution des fonds européens destinés à la Politique de cohésion.

Par ailleurs, les dirigeants pro-russes, le slovaque Robert Fico et le hongrois Viktor Orban font office de véritables épouvantails dans les négociations sur la poursuite du soutien européen à l’Ukraine. Le Premier ministre hongrois a récemment multiplié les menaces d’utiliser le véto de son pays sur l’ouverture des négociations d’adhésion à l’Ukraine et sur toute autre nouvelle proposition de financement du matériel militaire ukrainien. Charles Michel, le Président du Conseil européen, était d’ailleurs à Budapest hier dans le but de trouver un terrain d’entente avec le dirigeant populiste.

Il reste désormais moins d’un mois à Ursula von der Leyen et Charles Michel pour recueillir l’unanimité des Etats membres sur la rectification du budget 2024. Les Ukrainiens, eux, retiennent leur souffle et espèrent un heureux cadeau de la part des Européens pour Noël.

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