Des lycéens qui écrivent leur déclaration Schuman

Laurent Nicolas : Pourquoi le Mouvement Européen, dont vous êtes la secrétaire générale, a souhaité initié ce concours proposé aux lycéens, les invitant à réinventer leur déclaration Schuman ?

Pauline Gessant : Il nous a semblé important d’attirer l’attention sur les 60 ans de la Déclaration Schuman, notamment auprès des jeunes générations. Le Mouvement Européen-France, comme les Jeunes Européens-France, souhaite que le 9 mai devienne un jour férié dans toute l’Union européenne pour célébrer à la fois la fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts de la construction européenne. Un courrier en ce sens a d’ailleurs été adressé au Président de la République en 2009.

Vis-à-vis des jeunes qui considèrent la paix comme allant de soi, il est urgent de rappeler les débuts de la construction européenne et le génie de ses pères fondateurs. Il faut apprendre aux jeunes que l’Europe unie n’était, pour ses concepteurs, ni une bureaucratie, ni un marché, mais la foi dans des valeurs partagées et la volonté de « contribuer à un monde meilleur » pour reprendre les mots de Jean Monnet, inspirateur de la Déclaration.

Invitez les jeunes à réfléchir sur la Déclaration Schuman, c’est les amener à redécouvrir les raisons et les valeurs de la construction européenne, les idéaux qui ont inspiré les pères fondateurs et sont souvent oubliés de nos jours : la solidarité, le respect entre les peuples, l’unité dans la diversité, l’objectif de prospérité pour le continent européen.

Laurent Nicolas : Quel est le but de concours : la sensibilisation, l’information ? Quels messages le Mouvement Européen entend-t-il faire passer en s’y associant ?

Pauline Gessant : Ce concours, organisé sous le patronage de la Représentation en France de la Commission européenne, cherche à la fois à sensibiliser les jeunes lycéens à la construction européenne mais également les inviter à réfléchir à l’Europe qu’ils souhaitent. Nous voulons que les jeunes se sentent responsables de l’avenir de l’Union européenne et de l’héritage que leur ont légué les pères fondateurs depuis la déclaration Schuman.

Cette déclaration symbolise à la fois la fin des guerres sur le continent européen et la naissance de l’Europe unie. L’étudier, c’est amener les jeunes Européens à savoir d’où ils viennent, à qui et à quoi ils doivent leur liberté tout en mesurant ce que l’Europe attend d’eux : un comportement responsable, destiné à faire fructifier un héritage exceptionnel. Qu’allons-nous faire de l’héritage que nous ont légué les pères fondateurs, Schuman, Monnet, Adenauer, De Gasperi, Spaak ? Un grand nombre de jeunes sont sûrement prêts à s’engager pour leur avenir : encore faut-il leur en donner l’occasion.

Laurent Nicolas : La déclaration Schuman est un discours fondateur qui fait partie de la liturgie europhile. Mais est-elle toujours d’actualité ? Que manque-t-il dans ce texte qui justifie qu’on le réécrive ?

Pauline Gessant : Le contexte a changé. Il ne s’agit plus de pacifier le continent par la mise en commun des instruments de guerre mais les défis ne manquent pas : euroscepticisme, nationalismes et crises mondiales. Cet anniversaire nous invite tout particulièrement à une réflexion collective sur l’actualité et la pertinence du projet des pères fondateurs. Il fallait être courageux pour lancer ce projet en 1950. Nous manquons aujourd’hui de leaders européens. Une nouvelle déclaration porteuse d’une vision ambitieuse serait bien nécessaire.

Pourquoi faisons-nous l’Europe aujourd’hui ? Même si la paix n’est jamais définitivement acquise, il faut aujourd’hui trouver d’autres raisons pour justifier la construction européenne. Ces raisons ne manquent pas : changement climatique, crise énergétique, crise financière qui nécessite une supervision financière indépendante, catastrophes naturelles, stabilité mondiale, défis sociaux et économiques … Parce que ces défis sont tous transnationaux par nature et parce que nos sociétés sont interconnectées, c’est seulement si nous convainquons les citoyens de la nécessité de dépasser une vision strictement nationale qu’ils apprécieront les bénéfices tangibles que peut leur apporter une Europe plus forte. D’où la nécessité d’une nouvelle déclaration qui préciserait le projet européen et le justifierait aux yeux des citoyens. S’inspirer de la déclaration Schuman pour mieux comprendre le projet européen et porter un projet ambitieux pour l’Europe de demain, voilà en quoi la déclaration Schuman est toujours d’actualité.

Laurent Nicolas : Que prévoit le Mouvement Européen – France pour célébrer les 60 ans de la déclaration Schuman ?

Pauline Gessant : Pour lancer les célébrations du 60ème anniversaire de la déclaration Schuman, nous organisons, avec Notre Europe et EuropaNova, la troisième édition des Etats Généraux de l’Europe le 17 avril à Strasbourg. Cet événement rassemble plus de 100 associations et organisations locales, nationales et européennes engagées dans l’organisation de ce grand rassemblement citoyen. Dix-huit ateliers et deux séances plénières impliquant plus de 100 intervenants de tous horizons aborderont les responsabilités des Européens face aux grands enjeux actuels. Un héritage, quelles responsabilités ? Voici le thème de ces Etats Généraux 2010 : 60 ans après la Déclaration Schuman, nous appelons les citoyens européens à réfléchir et à s’engager pour l’avenir du projet européen.

Nous serons également présents du 7 au 9 mai sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris, dans le cadre du village européen organisé par la Maison de l’Europe de Paris, pour informer sur la déclaration Schuman et partager les propositions émises lors des Etats Généraux de l’Europe.

En outre, comme tous les ans, les 45 sections locales du Mouvement Européen-France seront mobilisées dans toute la France pour célébrer le 9 mai : stands d’information, conférences et débats, concerts, interventions pédagogiques, tractage sur les marchés…

Nous publions également un numéro spécial de notre magazine Oui à l’Europe ainsi qu’ un dépliant d’information sur la Déclaration Schuman et la Journée de l’Europe réalisé avec la Représentation en France de la Commission européenne, en partenariat avec la Fédération des Maisons de l’Europe et les Jeunes Européens-France. L’impression et l’utilisation de ce dépliant sont libres.

Enfin, le Mouvement Européen International (MEI) a proposé à ses associations membres d’organiser leurs événements sous un « label commun » : le MEI propose ainsi d’utiliser le même logo (http://www.mouvement-europeen.eu/Le-9-mai-soyons-unis-dans-la-diversite) , le même slogan « unis dans la diversité » ainsi qu’un espace commun pour promouvoir les événements. L’objectif est de donner une véritable dimension européenne à cette journée qui est traditionnellement l’occasion de réaliser des actions au niveau local. Nous relaierons bien entendu cette initiative et accentuerons notre mobilisation quotidienne et notre travail de pédagogie européenne en allant aux devants de nos concitoyens pour expliquer et célébrer l’idéal européen, un projet de paix et de solidarité plus que jamais d’actualité.