L’aide au développement, un pilier crucial de l’identité européenne sur la scène internationale

, par Chloé Silvestre, Juliette Hasbroucq

L'aide au développement, un pilier crucial de l'identité européenne sur la scène internationale
Kristalina Georgieva, membre de la CE chargée de la Coopération internationale, l’Aide humanitaire et la Réaction aux crises © Services audiovisuels de la Commission européenne

Le mois dernier, Herman Van Rompuy décrivait l’UE comme la « plus grande force de paix de l’histoire », des propos portant à confusion à la vue des oppositions frontales engagées dans les négociations du futur budget européen pour les sept années à venir (2014-2020). L’aide européenne au développement risque fortement de compter parmi les coupes les plus sévères à l’issue – lointaine – des négociations du Cadre financier pluriannuel de l’Union. De telles coupes dans les budgets menacent des millions de vies humaines mais également une action fondatrice de l’identité européenne sur la scène internationale.

L’UE, premier donneur mondial d’Aide au développement (APD)

L’Europe (pays membres et Commission) est le premier bailleur de fonds mondial en termes d’APD, ce qui est d’ailleurs reconnu et apprécié des citoyens européens : 85% d’entre eux pensent que l’Europe devrait continuer à aider les pays en voie de développement malgré la crise économique (Eurobaromètre 2012). L’APD contribue à réaliser les objectifs que s’étaient fixés les Etats membres lors de la signature du traité de Lisbonne, à savoir « l’éradication de la pauvreté et le respect des engagements pris dans le cadre des Nations unies [0,7% de Revenu national brut pour l’APD d’ici à 2015] ». De plus, l’aide contribue au rayonnement des valeurs promues par l’UE — très récemment récompensées par le Prix Nobel de la Paix — sur la scène internationale, et participe à la construction de l’identité européenne, particulièrement malmenée en ces temps où l’Europe se voit bien trop souvent réduite au rôle « d’organisation économique en crise ».

Une aide fortement menacée par les replis nationaux

D’âpres luttes d’influence visant à réduire ou redéployer un budget jugé bien trop ambitieux par certains Etats membres se sont confirmées à l’issue du sommet extraordinaire des 22 et 23 novembre derniers. La France s’est tenue aux premières loges de ces tractations puisqu’elle a réaffirmé son refus des coupes budgétaires prévues à la Politique agricole commune (PAC). D’autres pays tels que la Suède, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni ont affirmé que les coupes budgétaires devraient être bien supérieures à celles proposées par Hermann Van Rompuy. Pourtant sa proposition prévoyait déjà que le Fond européen pour le développement (FED) – majoritairement axé sur le développement de l’Afrique subsaharienne – soit amputé de 11% par rapport à la proposition initiale de la Commission, ce qui représente la coupe budgétaire la plus importante du budget en termes relatifs (la moyenne étant de 7,4%). Or, une action de développement coordonnée au niveau de l’UE ne joue pas seulement en faveur de l’efficacité de l’aide mais permettrait de faire économiser jusqu’à 5 milliards d’euros aux pays membres. L’obsession de l’atteinte du plus petit dénominateur commun s’est donc confirmée pour un budget qui ne représente guère plus de 0,005% du PIB européen. Les yeux restent donc rivés sur les dirigeants européens qui, selon José Manuel Barroso, ont « besoin d’une autre étape dans les négociations » et se rencontreront début 2013.

De lointaines actions garantes de l’avenir de l’UE

L’aide européenne a fait ses preuves au service de l’amélioration des conditions de vie et de la dignité de millions d’êtres humains à travers le monde. A titre indicatif, entre 2004 et 2009, l’action de l’Union a donné accès à l’école primaire à plus de 9 millions d’enfants des pays du Sud, mais elle a aussi permis l’accès à l’eau potable à plus de 31 millions de personnes. En plus de cela, l’aide européenne contribue à la promotion de la paix et de la stabilité dans des zones fragilisées, ceci leur permettant de renouer avec le développement et le bien-être de leurs populations. Au regard de l’actualité, l’aide au développement et la promotion des droits fondamentaux reste une des activités les plus consensuelles de l’Union sur la scène internationale face à une PESC morcelée et critiquée, ce qui la place en première ligne de l’action internationale de l’Union.

L’efficacité de la coordination européenne de l’APD avérée

Selon l’Index Quality of ODA (qualité de l’APD) les institutions européennes se classent devant la majorité des pays membres donateurs en termes d’efficacité d’aide. En effet, travailler ensemble en tant qu’Union permet de réduire la fragmentation de l’aide. Le gouvernement britannique lui-même affirme que les instruments clés de l’aide européenne sont « cruciaux à la réalisation des objectifs britanniques d’aide au développement ». L’UE joue également un rôle décisif dans les situations où une action commune et conséquente est plus cohérente comme des projets à investissement lourd menés de concert avec les organisations régionales africaines par exemple. Certes, un long chemin reste à être parcouru par l’aide européenne dans l’atteinte de ses objectifs ; mais la DG développement et coopération (DG DevCO) en est consciente et a d’ailleurs lancé l’Agenda pour le changement qui devrait lui permettre de mieux faire face aux défis des années futures. Il apparaissait en effet nécessaire de définir de nouvelles orientations en matière de développement ainsi que des méthodes de travail plus efficaces afin de garantir un impact renforcé (notamment par une concentration des efforts d’aide sur un nombre plus restreint de pays et de secteurs).

Une mobilisation associative et citoyenne active

De nombreuses ONG européennes et internationales font du soutien à l’APD européenne leur cheval de bataille dans la lutte contre la pauvreté. A ce jour, l’association ONE a recueilli plus de 146.000 signatures à travers le monde dans le cadre de la pétition « Sauveteur ». Olivier Consolo, directeur de Concord (une plateforme regroupant une centaine d’ONG européennes), affirme que les coupes budgétaires dans l’APD « seraient une erreur car en des temps de crise, l’investissement dans la réduction de la pauvreté et le développement est plus que jamais crucial pour la stabilité mondiale. » Ces ONG sont fortes du refus du Parlement Européen de voir les ambitions budgétaires réduites à la portion congrue, position appuyée par José Manuel Barroso, le Président de la Commission, qui a déclaré que les coupes budgétaires dans l’APD et l’aide humanitaire étaient une « question de vie et de mort » pour les personnes les plus vulnérables dans le monde.

Vos commentaires
  • Le 20 décembre 2012 à 13:34, par olivier chantrel ME 35 En réponse à : L’aide au développement, un pilier crucial de l’identité européenne sur la scène internationale

    Certes, mais mieux : il suffirait d’estimer les coûts requis pour atteindre quelques indicateurs d’environnement et de santé, d’éducation, de démocratie, puis de rechercher les moyens les plus efficaces pour y parvenir à échéance donnée, et de financer cela par le principe pollueur payeur appliqué à l’échelle mondiale ; et c’est possible sur le fondement de la convention des nations unies sur le droit de la mer et des obligations de diligence directe qui en résulte pour toute autorité ; du coup les négociations sur le changements climatiques et les aides octroyées à discrétions budgétaire parcimonieuse, leur gouvernance aléatoire, etc.. Tout cela serait réglé ; mais c’est trop simple, on préfère les stratégies éclatées et de diversion par l’atomisation.

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